Chapitre 13
Nous arrivons au Temple des Cerisiers au milieu de la nuit. Je propose à Hyujin de dormir dans la pièce à côté de ma chambre et il accepte. Un servant installe donc un lit pour lui dans la chambre adjacente à mes appartements.
Dans le silence, j’entends sa respiration lente, ainsi que le bruissement des draps lorsqu’il bouge. La cloison qui nous sépare est fine, laissant passer tous les petits bruits. Le visage souriant de Hyujin me revient en mémoire et je sens mon coeur s’accélérer un peu. Je secoue la tête. Je ne dois pas penser à ça.
* * *
Les chauds rayons du soleil caressant ma peau me réveille. C’est si agréable que j’en profite quelques instants avant d’ouvrir les yeux. Je sors de mon lit, l’esprit un peu embrumé, et me rends dans la pièce où se trouve Hyujin. Il dort encore, ses cheveux noirs tombant sur ses yeux clos. Ses lèvres sont légèrement entrouvertes et ses joues rosies. Je ne peux m’empêcher de sourire à cette vision.
Il ouvre les paupières et je détourne mon regard de ses yeux sombres. Hyujin se relève et passe une main dans ses cheveux avant de tourner la tête vers moi :
- Reste en sécurité ici. Je pars pour quelques heures, je reviens.
- Tu vas où ?
- M’acheter un nouveau couteau. Le mien est émoussé.
- Je ne peux pas t’accompagner ?
Il secoue la tête.
- Trop dangereux. On est la prochaine cible des tueurs.
J’opine du chef, compréhensive. L’idée qu’il meure en allant s’acheter une nouvelle arme m’effleure, mais je la repousse. J’ai suffisamment confiance en lui là-dessus.
- On se revoit tout à l’heure, lance-t’il avant de disparaître.
- Oui, réponds-je.
Je rejoins le pavillon du nord-ouest pour manger un peu, avant de me promener dans les jardins. Je me sens inutile, à attendre bêtement le retour de Hyujin. Je m’assois sur un banc et essaye de profiter du paysage, mais mon esprit est focalisé sur l’absence de mon compagnon et les assassins.
Après un moment, je me lève et parcours les allées que je connais par coeur, mais je ne peux pas m’empêcher de penser à lui. Et s’il s’était fait agressé dans la rue ?
Un bruit attire mon attention. Des gardes marchent le long des chemins et rejoignent le pavillon du sud.
L’ennui me rattrape vite, et je décide de descendre dans la cité des Cerisiers, espérant ne pas tomber sur des meurtriers. Je sais que je vais à l’encontre de ce que m’a dit Hyujin, mais j’en avais assez d’attendre.
La ville n’est toujours pas animée, et les quelques passants ont une mine sombre. Je commence réellement à m’inquiéter. Comment l’atmosphère de la cité a-t’elle pu changer du jour au lendemain ? S’est-il passé quelque chose que j’ignore ?
Je débouche dans la rue de mon agression et en frissonne. Les corps ne sont plus là. Je pousse un cri lorsque je me fais attraper par derrière. Des mains se posent sur ma bouche et m’empêchent de parler, presque même de respirer.
Je ne vois pas la personne qui me tire. Elle m’entraîne dans les rues à une vitesse folle, et je n’arrive pas à me débattre. Et puis, je respire tellement mal que je vais finir par m’évanouir. Le ravisseur me soulève du sol et se met à courir, me laissant apercevoir son masque et ses vêtements sombres avant que je ne ferme les yeux.
* * *
Quand je reprends connaissance, je suis dans un endroit miteux. Une lumière crue sort d’une petite fenêtre, et je suis seule, attachée à une poutre en bois. Au sol gisent les cadavres des six personnes que Hyujin a tuées. Mais où suis-je ?
Un de ces hommes entrent, un couteau en main.
- Oh, tu es réveillée. Bien.
Il s’avance et s’accroupit pour être à ma hauteur.
- Tu aurais dû rester chez toi. Là, je suis obligé de te tuer.
La peur monte en moi. Il approche son couteau de mon visage et me fais une entaille sur la joue. Je sens le sang couler sur ma peau, puis je le vois goutter par terre. Mon coeur s’emballe. La douleur de la blessure est vive. Je déglutis difficilement.
- Pourquoi faites-vous ça ?
- Parce que je dois te tuer. Nous voulons tous de tuer.
Je me débats contre les liens, mais ils sont trop serrés. Je pense à Hyujin, qui m’a défendu de quitter le temple, qui m’a dit qu’il reviendrait. Pourquoi faut-il toujours que je désobéisse ?
- Tu ne peux pas me tuer, dis-je en essayant de masquer ma peur. Il ne te le permettra pas.
- Ah, donc tu crois qu’il va venir te sauver, cette fois-ci ? C’est mignon. Mais je doute qu’il risque sa vie pour la fille qu’il déteste.
- Il ne me déteste pas, craché-je.
- Tu l’as cru quand il t’a dit ça ?
L’homme éclate de rire.
- Tu es si naïve.
Il entaille mon autre joue, puis mon cou. Je gémis. Le tueur a raison. Cette fois, Hyujin ne viendra pas. Je vais mourir, et je l’aurai mérité. Si j’avais attendu que le jeune homme revienne, je ne serai pas ici.
- Repose-toi un peu. Je reviendrai dans quelques heures. Tu seras peut-être vidée de ton sang, mais si tu n’es pas morte quand j’arrive, je te tuerai.
Je le regarde s’éloigner. La douleur de mes blessures est insupportable, et je sens le sang rouler sur ma peau et s’infiltrer dans mes vêtements. L’idée que je vais mourir ici, sans que personne ne le sache, me terrifie.
Le temps passe lentement, chaque seconde semblant une éternité. Je me concentre sur la minuscule fenêtre, espérant que quelqu’un me verra et viendra me sauver. J’entends soudain un bruit à l’extérieur. La porte s’ouvre avec fracas et le tueur arrive.
- Ça fait six heures que je t’ai laissée, tu tires une de ces têtes !
Six heures ? J’ai dû m’évanouir à nouveau.
- Bon, tu as survécu. Il faut que je te tue, maintenant, même si je prends plaisir à te voir souffrir à chaque blessure que je t’inflige.
Il passe son couteau sur mon épaule droite, faisant jaillir du sang. Le tueur fait quelques entailles sur mon bras avant de lever la tête vers moi :
- Au fait, j’y pense… Hyujin n’est toujours pas là.
Je me retiens de pleurer. J’ai terriblement mal et la peur me tétanise. L’assassin se lève et me toise du regard.
- J’arrive. Je vais chercher un plus gros couteau pour te tuer.
Il avance vers la sortie et je ferme les yeux, tentant de calmer ma respiration saccadée. Je n’entends plus vraiment ce qu’il se passe. J’ai la tête qui tourne et je continue de me vider de mon sang. Je m’autorise quelques larmes, qui dévalent mes joues à une vitesse folle.
Et puis, plus nettement, j’entends une voix grave et traînante, que je connais bien maintenant, lancer :
- Je suis là. Je t’ai retrouvée.
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