Chapitre 15

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- C’était il y a très longtemps, environ cinq-cents ans.

«À cette époque, il n’y avait qu’une cité, la cité des Fleurs, dominée par le Temple des Fleurs. Les dirigeants étaient deux jeunes époux : Kaï et Yume. On raconte que la ville était très belle et ensoleillée. Le ciel était d’un bleu pur et il touchait la mer à l’horizon. Les habitants de la cité cultivaient des jardins magnifiques. Kaï et Yume organisaient tous les ans un festival où l’on célébrait la beauté de l’environnement.

Cependant, avec le temps, la tension entre les deux dirigeants commença à croître. Leurs visions pour la cité divergeaient de plus en plus. Yume, passionnée par la nature et l’harmonie, souhaitait renforcer les liens entre les habitants et la terre tandis que Kaï, avide de progrès et de richesse, rêvait de transformer la cité en plantations de riz, de graines et de soja. Leur amour se mua en désaccords fréquents, et ils prirent la décision de se séparer.

Chacun décida de fonder son propre temple. Yume, en hommage à ses racines, érigea le Temple des Cerisiers. Elle y créa des jardins luxuriants et y planta un énorme cerisier. La jeune femme perpétua la tradition du festival, où elle accueillait les habitants dans le temple.

De son côté, Kaï fonda le Temple du Lotus. Les murs du temple étaient ornés de fresques riches et colorées, représentant des scènes de prospérité. Kaï introduisit de nouvelles techniques agricoles, espérant convaincre les habitants de la nécessité de progresser et d’adopter une agriculture intensive.

Les habitants se divisèrent peu à peu, certains préférant la cité des Cerisiers pour célébrer la nature, d’autres allant à la cité du Lotus, séduits par la richesse du lieu.

Les festivals se transformèrent en compétition. Chacun essayait de prouver que ses idées étaient mieux. Les tensions entre les deux cités atteignirent leur paroxysme quand le conflit éclata entre les habitants de chaque ville.

Face à cette division, Kaï et Yume organisèrent des réunions chaque mois pour tenter de calmer la situation. Mais rien ne s’arrangeait.

Les habitants de la cité des Cerisiers accusaient ceux de la cité du Lotus de détruire la beauté de la nature tandis que ces derniers reprochaient aux premiers de freiner l’innovation.

Chacun de leur côté, Yume et Kaï eurent des enfants, un jeune garçon nommé Hako pour Yume et une jeune fille s’appelant Nara pour Kaï. Les disputes ne faisaient que s’accroître, et la rancoeur s’installait profondément dans le coeur des habitants.

Hako passait ses journées à explorer les jardins enchanteurs du Temple des Cerisiers, mais il entendait les rumeurs de la rivalité qui ne faisaient que s’intensifier. Les enfants de la cité du Lotus se moquaient souvent des traditions de la nature, les qualifiant de vieilles croyances.

Nara était fascinée par la richesse du temple. Suivant la même voie que ses parents, elle se fichait de la pauvreté de la ville et exploitait les habitants pour gagner de l’argent et enrichir sa maison.

Les tensions se matérialisaient lors des rencontres entre Nara et Hako. Les discussions, qui auraient pu être constructives, se transformaient inévitablement en querelles. Les mots devenaient des armes, et chaque rencontre ne faisait qu’envenimer les relations.

Tandis que les habitants de la cité des Cerisiers étaient heureux et aimés de leurs dirigeants, ceux de la cité du Lotus étaient effrayés par les maîtres de la ville et vivaient dans des conditions atroces.

Nara et son époux forcèrent les habitants à aller mettre le feu aux maisons de la cité des Cerisiers durant une nuit. Les flammes dévoraient les jardins, illuminant la nuit d’une lueur sinistre. Hako, horrifié, se tenait là, impuissant, tandis que son coeur se brisait à la vue de la destruction de tout ce que sa mère avait bâti.

Des batailles éclatèrent dans les rues. Les enfants, qui auraient dû jouer ensemble, prenaient les armes pour défendre leurs cités. Les familles se déchiraient, et les amis devenaient des ennemis.

Kaï et Yume, réalisant l’ampleur de la catastrophe, essayèrent de rétablir le dialogue entre leurs enfants, mais leurs efforts étaient vains. Nara, avide de pouvoir, ne voyait que la victoire, tandis qu’Hako cherchait à préserver l’harmonie.

Les combats continuèrent pendant des semaines, laissant derrière eux des ruines et des morts. Les jardins de la cité des Cerisiers, autrefois florissants, étaient désormais en cendres.

Un évènement tragique mit un terme à cette guerre. Lors d’une confrontation, Hako et Nara se retrouvèrent face à face. Les mots échangés furent chargés de haine, et, dans un moment de colère, une flèche décoché par un habitant du Lotus atteignit Hako. Le silence s’installa, tandis que le jeune garçon tombait au sol, la vie s’échappant de son corps.

Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Les deux cités, désormais marquées par le deuil, réalisèrent trop tard que leur rivalité avait détruit tout ce qui était cher. Kaï et Yume, à nouveau unis mais cette fois dans la tristesse, comprirent que leur amour avait laissé place à la haine, et que leur cité, autrefois symbole de beauté, était désormais un champ de désolation.

Les deux cités se détestèrent ainsi longtemps. D’autres guerres éclatèrent. Des milliers de gens mourraient, des révolutions avaient lieu. Les villes devaient être reconstruite fréquemment, et plus le temps passé, moins les dirigeants s’appréciaient.

Les années s’écoulèrent, et la mémoire d’Hako devint une légende, un symbole de la paix perdue. Si les conflits entre les villes s’arrêtèrent, ceux entre les dirigeants s’accentuaient.

Et c’est ainsi que passèrent les siècles après la mort d’Hako.»

Je fixe le parquet abîmé, pensive. Quand je tourne la tête vers Hyujin, je peux voir qu’il est étonné, lui aussi.

- C’est pour ça que vos familles se détestent, conclut l’assassin.

Je trouve la raison stupide.

- Bien, maintenant que vous savez tout ça… Avez-vous d’autres questions ?

- Comment connaissez-vous cette histoire ? questionne Hyujin.

- Il y a des livres qui expliquent ce qu’il s’est passé.

- Pourquoi vous ne nous tuez pas ?

Hyujin me lance un regard noir et je lui rends. Après tout, j’aimerais bien savoir pourquoi un meurtrier ne tente pas de nous assassiner.

- Parce que j’ai envie de voir si vous allez réussir votre quête.

Je hoche la tête.

- Je crois que nous n’avons pas d’autres questions, dis-je.

- D’accord. Revenez si besoin, répond-il avant de pousser Hyujin et moi vers la sortie.

Il fait nuit noire. C’est sûrement très dangereux d’être ici aux alentours de minuit, alors nous avançons vers la sortie de la ville pour rejoindre les petites routes de campagne.

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