Chapitre 20

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Je n’ai aucune idée de là où pourrait être Namki. Est-ce qu’il y a autre chose au-delà de la cité des Fleurs ? Si oui, ce serait vraiment loin.

- Hyujin.

- Quoi ?

- Est-ce que tu penses que Namki est en danger ?

- Oui. C’est pour ça qu’on doit le trouver au plus vite, et que je regrette ma décision.

Je sens l’inquiétude monter en moi. La main de Hyujin se resserre sur la mienne, un peu comme la dernière fois, au village d’assassins. Il fait ça à chaque fois qu’il tente de me rassurer. Il l’a fait aussi cette nuit, même s’il est allé un peu plus loin qu’une simple pression de main.

- Regarde.

Il pointe une ruine un peu plus imposante que les autres et nous la rejoignons, les débris craquant sous nos pieds. Nous y entrons, et l’odeur saisissante de moisissure me pique le nez. Des tâches de sang pigmentent le sol, mais elles semblent moins vieilles que le reste de la cité.

- Elles sont récentes, confirme Hyujin. Peut-être qu’ils sont passés par ici.

- Ils sont peut-être encore dans la cité !

Il secoue la tête.

- Non, je ne pense pas. Sinon, on les aurait déjà vus.

C’est vrai. J’opine du chef avant de ressortir du bâtiment abîmé.

- Quittons la cité et continuons de marcher vers l’est, déclare Hyujin.

- D’accord.

Nous entreprenons de retraverser les routes sinueuses. Je me demande encore combien de temps nous allons marcher avant de tomber sur quelque chose, comme une petite habitation, une ferme ou encore une civilisation.

Plus nous avançons, plus je vois la mer se dessiner au loin. Les vagues s’écrasent contre les rochers, glissent sur le sable puis s’éloignent du rivage. Je ne suis pas étonnée de voir la mer s’étendre devant nous. Dans l’histoire que nous a raconté l’assassin, les habitants pouvaient apercevoir l’océan depuis la cité des Fleurs.

Le soleil qui se couche se reflète dans l’eau et teinte le sable blanc d’une lueur orangée.

- C’est bientôt la nuit, constaté-je.

- En effet.

Je balaye la plage du regard. Nous devrions nous dépêcher de trouver un endroit où dormir avant qu’il ne fasse sombre. Hyujin ne semble pas préoccupé par ça, mais moi si, alors je continue d’observer les alentours.

Je scrute les dunes, espérant apercevoir une grotte ou quelque chose comme ça.

- Et si on retournait à la cité des Fleurs ? On pourrait se cacher dans les ruines du temple pour dormir et repartir demain, proposé-je.

- On perdrait trop de temps.

Je hoche la tête et m’assois par terre. L’idée de poser mes cheveux sur le sable humide et sale est repoussante, mais je n’ai pas d’autres choix. Quoique. Je retire le bout de tissu qui cintre ma robe et le place au sol, avant de déposer ma tête dessus, ramenant mes cheveux sur le côté. Je vois Hyujin faire de même avec sa tunique avant de m’endormir, épuisée par la journée de marche.

* * *

Je me réveille. Le bruit des vagues retentit, tout comme le vent. Je respire l’air marin, une odeur que je ne connaissais pas mais qui n’est pas déplaisante. Hyujin est assis sur un rocher et contemple la mer. Je m’approche de lui.

- On reprend notre chemin ?

- Oui.

Tandis que nous regagnons les chemins, je cherche ce que nous pourrions manger, étant donné qu’il n’y a pas d’arbres fruitiers. Hyujin s’avance dans les champs de soja et arrache quelques pousses.

- Je ne suis pas sûre qu’on ait le droit.

- Tu préfères mourir de faim ?

Je secoue la tête, contrainte d’accepter les légumineuses que me tend Hyujin. Tout seul, le soja n’a pas vraiment de goût.

- Avec un peu de chance, on mangera quelque chose de meilleur tout à l’heure, souffle-t’il en regardant l’horizon.

Je désespère un peu, et je pense que c’est normal. Nous sommes loin des cités et il n’y a rien autour de nous. Je pense qu’on aura du mal à retrouver Namki ici.

* * *

Le soleil est haut dans le ciel, il doit être midi passé lorsque j’aperçois enfin quelque chose. Une ville se dresse au loin. L’espoir renaît en moi, tandis que nous nous approchons du village.

Les maisons sont construites en pierres pâles et en tuiles rouges. Chacune des maisons est ornées de fleurs, passant des hortensias aux jasmins. Au centre du village se tient un immense marché, où des villageois vendent des produits locaux tels que des légumes, des fruits et des vins. Une vieille femme est assise sur un banc, et elle surveille une bande d’enfants qui jouent et hurlent. En zigzaguant dans les ruelles, nous pouvons voir un forgeron en train de façonner du métal et une potière qui crée des vases.

Et puis, au loin, un style de demeure que je n’avais jamais vu s’élève sur une haute colline. Il ne ressemble pas du tout aux temples que je vois chaque jour, mais plutôt à une immense fortification militaire. Cet édifice est imposant, et il domine le village. Ses tours crénelées s’élèvent haut dans le ciel.

- Hyujin, allons voir ça.

- C’est un château, m’indique-t’il. Tu n’en as jamais entendu parler ?

Je secoue la tête avec véhémence avant de le tirer pour grimper en courant la colline. Quand je m’approche, je peux voir que les grandes fenêtres sont ornées de petites pièces de verre colorées, que Hyujin appelle «vitraux». Une gigantesque porte en bois est posée comme un pont entre l’herbe et le château, qui est entouré d’un fossé contenant de l’eau. Des chaînes de métal partent du bois et viennent s’accrocher à la pierre de la façade, sûrement pour tirer la porte. Nous traversons le pont et arrivons dans une immense cour. Je peux apercevoir une écurie et le reste des parties du château.

Les deux portes sont ouvertes, comme pour nous inviter à rentrer. Je pénètre à l’intérieur. La salle est grande et haute. Des tapisseries vont du sol au plafond, représentant des scènes qui me sont inconnues. Dans un coin, je vois des escaliers étroits en colimaçon, et je me demande où ils mènent.

- Tu n’as jamais vu de château ? redemande Hyujin, visiblement surpris.

- Non. Comment tu les connais ?

- Il y a des livres sur ça, dans la bibliothèque du temple. Ce sont les rois et les reines qui y habitent. Tu sais, un peu comme nous. C’est juste une autre culture.

J’ai l’impression d’être un peu stupide en entendant Hyujin m’expliquer ce que c’est.

- Par contre, je ne savais pas qu’il y en avait un si proche de nos cités, continue-t’il.

J’entends des claquements résonner, puis une voix féminine et sévère lancer :

- Que faites-vous là ?

Je me retourne. Une femme se tient face à moi, habillée d’une robe rouge, ses cheveux blonds tressés dans son dos. Je ne suis pas idiote au point de ne pas comprendre que c’est elle, la reine, ou au moins une noble. Alors je m’incline. Hyujin fait de même.

- En fait… c’était ouvert… et je me demandais ce que c’était… bafouillé-je, ne sachant pas vraiment quoi dire.

La jeune femme nous fixe, sûrement en train de se demander quel genre de personnes ne sait pas ce qu’est un château. Je me sens de plus en plus stupide. Après tout, si un château est la demeure des dirigeants, je n’ai pas le droit d’entrer ici.

- Suivez-moi.

Je tourne la tête vers Hyujin et murmure «désolée». J’espère que l’on ne va pas avoir de problème à cause de mon cruel manque de culture.

La noble nous fait gravir les escaliers et nous arrivons dans une autre salle immense, où se trouvent trois sièges. Un homme est assis sur celui au centre, et elle le rejoint pour se poser sur celui de droite.

- Qui êtes-vous ? demande-t’il, les yeux rivés sur nous.

- Euh…

- Je suis Hyujin, l’héritier du Temple du Lotus, répond mon compagnon.

- Et moi… Je… je suis Aria, l’héritière du Temple des Cerisiers.

La femme continue de nous toiser du regard, puis dit :

- Ah, je vois. Et que faites-vous ici ?

- Oh, nous sommes tombés sur votre village par hasard, expliqué-je en essayant de ne pas bégayer.

Sceptique, la femme plisse les yeux mais son époux hoche la tête.

- Laissons-les tranquille. Ils sont sûrement là pour une bonne raison. Essayez juste de ne pas vous introduire dans d’autres châteaux.

- Oui, nous sommes vraiment désolés, mais la porte était ouverte et…

Hyujin me donne un coup de coude dans les côtes pour me dire de me taire. Les dirigeants nous laissent partir et une fois dehors, Hyujin me lance :

- Tes parents ne t’ont jamais enseigné la politesse ? Je croyais que tu avais appris dès ton plus jeune âge à parler avec d’autres seigneurs puissants ou je ne sais quoi.

Honteuse, je rougis. C’est vrai que là, j’ai dépassé les bornes, et j’utilise comme excuse le fait que je ne connais pas cette culture. En même temps, j’avoue que j’étais un peu perturbée. Ce village se trouve quand même assez près du mien et pourtant, tout est différent.

- Désolée…

Nous redescendons le village et je me demande si Namki pourrait être ici.

- C’est possible, affirme Hyujin.

Je scrute les ruelles en essayant de repérer un endroit où les assassins auraient pu le cacher. Je remarque un groupe de jeunes hommes qui discutent.

- On devrait leur demander s’ils ont vu des hommes en noirs et un homme chauve, même si je doute que les tueurs se promènent à la vue de tous dans le plus grand des calmes, déclare Hyujin.

Je hoche la tête, encore un peu mal à l’aise. Nous nous approchons et un des hommes du groupe se tourne vers nous :

- Que voulez-vous ?

- Euh… nous cherchons des hommes… habillés tout en noir, qui transportent un homme chauve.

Ils éclatent de rire puis s’échangent des regards en remarquant que nous sommes sérieux.

- Jamais entendu parler. C’est pas ici que vous trouverez ce genre de gens.

- Attendez ! s’exclame un des hommes. Hier, je revenais de la pêche, et près du port, j’ai vu des hommes en noir, comme vous dites.

- Vraiment ? Merci ! lancé-je.

Les hommes haussent les épaules et reprennent leur conversation. Nous, nous nous dirigeons vers le port.

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