Chapitre 21

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Le port est très agité. Des pêcheurs chargent des caisses sur des bateaux, et l’odeur du poisson frais me donne envie de vomir.

- Séparons-nous pour chercher, suggère Hyujin.

Je m’apprête à dire quelque chose, mais il me coupe :

- Ne t’en fais pas. Ici, il n’y a aucun danger, normalement. Les assassins n’agiraient pas alors qu’il y a autant de gens.

- D’accord.

- Tu fais le tour des quais, moi, je vais voir les entrepôts.

Hyujin disparaît dans la foule. J’observe attentivement chaque silhouette. Le tour des quais se fait rapidement, et je décide de rejoindre les entrepôts. C’est un coin sombre, où s’entassent des caisses, des filets de pêches et des tonneaux de vins.

Je cherche Hyujin et l’aperçois entrer dans une petite maison, à l’écart des autres. Je m’élance en courant pour le rattraper et agrippe son bras. Il se retourne, son couteau en main, avant de pousser un soupir de soulagement.

- Aria ! J’ai cru que c’était un agresseur. J’ai failli te blesser.

- Désolée.

Hyujin entre dans l’habitat sombre et je le suis. La pièce est petite, remplie de vieux meubles poussiéreux.

- Tu trouves quelque chose ? demandé-je.

- Rien de particulier.

Il s’avance vers une table où sont posées des cartes maritimes. Il en retourne une et pointe un symbole en rouge.

- Ça, c’est un ancien repère de contrebandiers.

Je fronce les sourcils.

- On devrait y aller, proposé-je.

- Oui, c’est vrai.

Nous sortons de la maison et reprenons notre chemin à travers le port. Nous nous dirigeons vers le bord du quai, là où se trouve un chemin étroit menant à une crique reculée. Un bateau marchand y est amarré. Le navire est vide, et personne ne semble y prêter attention.

Je vois Hyujin défaire les cordages, et je crois que je comprends.

- Attends, on va vraiment monter dans le bateau ?

- Oui, pour aller au repère de contrebandiers. C’était ton idée.

- Mais, je ne voulais pas voler un bateau !

Il me lance un sourire mutin.

- On ne le vole pas, on l’emprunte. Allez, monte.

- Tu sais piloter un bateau, toi ?

- Hm, j’ai des bases.

- Ça ne me rassure pas.

- Allez, Aria, grimpe !

Il me tend sa main et je l’attrape pour me hisser dans le bateau. J’observe les voiles accrochées au mat, ainsi que la multitude de cordages. Hyujin tire sur l’une d’elles et le bateau tangue, avant de dériver et de s’éloigner du quai.

- Il ne faut pas être plusieurs pour conduire ce genre de bateau ?

Hyujin hausse les épaules.

- On fait comme on peut.

Tandis que le port s’éloigner lentement, j’observe l’eau qui s’étend devant moi. L’odeur du sel est très présente, et l’écume vient s’écraser contre la coque du navire. Le vent frais s’infiltre dans mes cheveux. Je me penche par dessus le bastingage pour mieux voir la mer.

- Ne tombe pas, lance Hyujin.

Je lève les yeux au ciel avant de m’approcher de lui. Il se concentre sur la barre. Je regarde autour de nous, cherchant des approvisionnements.

- Je vais voir dans la cale.

J’ouvre une trappe et descends une petite échelle. La cale est un endroit sombre, qui pue le renfermé et qui est humide. Je balaye l’espace du regard avant d’apercevoir des caisses entassés dans le fond. Je m’avance vers elle et soulève un des couvercles. Il y a des pousses de légumes et des poissons. À côté des caisses, il y a quelques tonneaux remplis d’eau.

Je commence à croire que le bateau allait être utilisé avant que l’on ne le prenne.

Je remonte l’échelle pour rejoindre Hyujin.

- On a à manger et à boire dans la cale. Pas de quoi tenir des jours, mais on ne sera pas longtemps sur le bateau, si ?

- Le trajet jusqu’au repère dure environ un jour.

Je hoche la tête. Normalement, il y aura assez. Je m’amuse à me promener sur le pont du bateau, n’ayant rien d’autre à faire.

Je m’arrête pour fixer l’horizon.

- Tu vois quelque chose ? questionne Hyujin.

- L’eau et le ciel, réponds-je.

Nous continuons à naviguer, et je me tends à mesure que le port disparaît.

- Et pendant la nuit ?

- Quoi ?

Il se tourne et me fixe, perplexe.

- Tu dois dormir. Comment tu vas piloter pendant la nuit ?

- On s’arrêtera. Il y a une plage à quelques heures d’ici. On y sera un peu après la tombée de la nuit, mais ça ira.

Je hoche la tête.

* * *

L’après-midi prend fin lorsque nous arrivons à l’ancien repère de contrebandiers. Il se trouve sur une petite île en plein milieu de l’océan. Des rochers escarpés bordent la plage. En nous approchant, je repère des silhouettes qui se déplacent furtivement entre les bâtiments en bois.

Hyujin accoste le bateau sur un petit rivage. Nous descendons du navire et je suis heureuse de retourner sur la terre.

Des caisses abandonnées gisent un peu partout, et des traces de pas dans le sable confirme de la présence de personnes ici.

Un couteau est au sol, et Hyujin le ramasse.

- C’est bien ce que je pensais. Les tueurs sont quelque part sur cette île. On a bien fait de venir ici.

Nous avançons un peu plus, et finissons par arriver près d’une petite cabane en bois. Hyujin l’ouvre et la lumière pénètre à l’intérieur.

Ce que nous y découvrons m’horrifie. Un grand corps est étendu par terre, les mains et les pieds ligotés, un épais chiffon dans la bouche. Namki. Je m’approche en courant, et remarque sa peau sale mais pâle. Il a toujours les bandages sur son ventre, mais ils sont arrachés. Je continue de parcourir du regard son corps, et la vue de la chair arrachée sur sa joue me donne envie de vomir. Du sang s’étale au sol, sortant de ses genoux, et de sa cuisse coupée. On dirait qu’ils l’ont découpé comme de la viande, et je m’arrache à cette vision d’horreur en me relevant pour m’éloigner de son corps mutilé.

Hyujin reste silencieux, le regard posé sur le cadavre de Namki. Les larmes aux yeux, je me tourne vers lui. La douleur d’avoir retrouvé Namki dans cet état me noue la gorge. Je ne peux pas croire qu’il ait subi cela.

Je mords mes lèvres.

- Nous devons partir, dis-je. Nous ne sommes pas en sécurité ici, et en plus… Je ne veux plus voir son corps.

Hyujin acquiesce, mais pourtant, il ne bouge pas, les yeux toujours rivés sur le cadavre.

- Hyujin.

- Oui.

Nous quittons la cabane et regagnons le bateau en vitesse. On doit partir de là le plus rapidement possible.

- Retournons à la cité des Cerisiers, dit-il.

- C’est loin, non ?

- On est retournés vers l’ouest, alors on a seulement quelques heures à faire avant d’arriver.

- Et le bateau ?

- Tant pis, on l’aura volé.

* * *

Hyujin amarre le navire sur une côte et commence à marcher rapidement. La cité des Cerisiers ne se trouve qu’à deux heures à pied, ce qui n’est rien comparé au chemin que l’on a déjà parcouru.

Hyujin ne parle pas. Il est déjà silencieux de base, mais là, c’est pire. De mon côté, la vision de Namki me hante. Je ne parviens pas à chasser cette image de ma tête.

Hyujin presse encore le pas, ne faisant plus attention à moi. J’aimerais lui demander ce qu’il ressent, mais je n’ose pas.

Nous finissons par apercevoir les premières maisons de la cité. Hyujin accélère à nouveau et je dois presque courir pour le suivre.

Quand nous arrivons au temple, il doit être plus de minuit. Nous entrons dans ma chambre et j’allume une bougie.

- C’est de ma faute, finit par dire Hyujin.

Je lui lance un regard inquisiteur.

- Si j’avais tué les assassins, la dernière fois, ça ne serait pas arrivé. J’aurai dû t’écouter, tu avais raison. Je suis désolé. À cause de moi, Namki est mort.

La culpabilité se lit sur son visage. Je ne pense pas qu’il irait jusqu’à pleurer – ce n’est pas son genre – mais ses yeux brillent. Je reste debout, face à lui, ne sachant pas si je dois parler ou me taire.

- Hyujin…

- Aria, me coupe-t’il. J’ai perdu la seule personne qui ne me détestait pas.

- Eh, je t’ai déjà dit que je ne te détestais pas non plus.

Hyujin se rapproche, resserrant l’espace entre nous. Sans que je m’y attende, il m’attire contre lui. Je sens mon coeur s’accélérer. Son geste me surprend, alors je ne bouge pas. Je me sens toute petite dans ses bras, ma tête arrivant à ses épaules.

Il me serre doucement tandis que je commence à m’inquiéter à l’idée qu’il sente mon coeur s’affoler. Surtout que je n’arrive toujours pas à comprendre ce que je ressens pour lui. Tout ce que je sais, c’est que ça va au-delà de la reconnaissance que j’éprouvais envers lui il y a à peine deux semaines.

Quand il se décale, je prends une grande inspiration. Je n’ose pas parler, surtout que je n’ai rien à dire.

- Ça va mieux ? demandé-je, un peu gênée.

- Oui.

- Je ne savais pas que me prendre dans tes bras allait te sortir de ta culpabilité. Tu penses que ça t’a aidé ?

Ma tentative de détendre l’atmosphère a échoué. Je crois qu’au final, c’est encore plus gênant maintenant.

- Peut-être. Ou peut-être que je cherche juste une excuse pour te tenir près de moi.

Je mets quelques instants avant de saisir le sens de sa phrase. Le rouge me monte aux joues, et j’ai juste envie de disparaître. Comment peut-il dire ça dans le plus grand des calmes ? Pensé-je.

L’air sérieux de Hyujin disparaît et il sourit.

- Je plaisante, lance-t’il.

- Ah… Oui… évidemment. Bon, dormons.

J’éteins rapidement la bougie et me glisse dans mon lit, le coeur battant.

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