Chapitre 22
Je me réveille, les joues trempées de larmes et mes cheveux plaqués sur mon visage. Ma vision se brouille de nouvelles larmes et je les essuie avec ma main.
Pourquoi j’ai rêvé du corps inerte de Namki alors que celui de ma mère non ? Je n’étais même pas proche de lui.
Il a été torturé avant de mourir, et je pense que c’est ce qu’il me serait arrivé si Hyujin ne m’avait pas sauvé. Hyujin. Je repense à hier soir et mon coeur s’emballe. Pourquoi a-t’il fallu que j’y songe ?
Automatiquement, je tourne la tête vers lui. Il ouvre les yeux à ce moment-là et je détourne le regard. Un servant entre dans la pièce.
- Bonjour Demoiselle Aria, bonjour Seigneur Hyujin. Je vous dérange ?
Je le fixe, peu habituée à ce qu’il l’appelle «Seigneur Hyujin».
- Non, pas du tout, lancé-je en me relevant. Vous vouliez quelque chose ?
- Votre père me demande de m’assurer tous les matins que vous êtes là. Et comme vous aviez disparus, il s’inquiétait encore plus. Je suis sûr qu’il sera très heureux de vous savoir en vie.
- Oh. Dites-lui que je le rejoins dans le pavillon central avec Hyujin, s’il vous plait.
- Bien.
Il s’incline et repart. Je me coiffe rapidement puis invite Hyujin à sortir de la pièce pour aller au pavillon central. Je redoute un peu nos retrouvailles. Mon père va sûrement s’énerver, me confiner au temple et m’interdire de rester avec Hyujin, alors que plus le temps passe, plus je m’attache à lui. Ce que je ne peux évidemment pas lui dire.
Je prends une profonde inspiration et fais coulisser la cloison. L’appréhension me serre le ventre. Quand j’entre dans la pièce, mon père me fixe avec une intensité qui me donne envie de repartir.
- Aria, où étais-tu ? Combien de fois dois-je te dire de ne pas partir ? tonne-t’il.
- Désolée… Je voulais juste prendre l’air, je…
- Ne me prends pas pour un idiot, Aria. Tu as disparu environ quatre jours. Je me suis inquiété.
Un silence pesant s’installe. Je perçois la colère dans son regard, et je frémis. Je me tourne vers Hyujin, cherchant son soutien, mais il regarde la scène, impassible.
- Je comprends, mais je suis en sécurité maintenant.
- Je ne veux pas te perdre, toi aussi.
- Oui, soufflé-je.
- J’ai besoin que tu sois en sécurité tout le temps, pas que maintenant. Tu ne peux pas rester seule.
Cette fois-ci, Hyujin prend la parole :
- Seigneur Seji, j’ai promis à votre fille que je resterai avec elle et que je la protégerai.
Mon père l’observe attentivement, cherchant à savoir s’il peut avoir confiance en lui. Je crois qu’il n’aime pas la tournure qu’a pris ma relation avec Hyujin, tandis que moi je peine à la comprendre.
Je me demande ce qu’il pense de Hyujin. Je suis sûre qu’il le voit comme Seok et Hana.
- Hyujin… Qu’est-ce que je fais ?
Il s’apprête à parler mais mon père le coupe :
- Vous n’avez pas à intervenir dans cette conversation. Et puis, vous n’êtes pas de taille à protéger quelqu’un.
- Père, je sais que vous vous inquiétez, mais je sais prendre soin de moi.
- Et tu penses que passer du temps avec lui va t’aider ? Je ne peux pas lui faire confiance, c’est un inconnu. On le déteste, Aria.
Je pense à ce qu’il m’a dit hier. J’ai perdu la seule personne qui ne me détestait pas. La colère monte en moi. Mon père n’a pas le droit de dire ça. Hyujin est un être humain, il a aussi des sentiments et ce qu’on dit peut l’affecter.
- Ce n’est pas juste, Père ! Comment pouvez-vous dire que vous le détestez alors que vous ne le connaissez pas ?! Vous l’avez dit vous-même, c’est un inconnu ! Je… J’ai appris à le connaître, et je ne le déteste pas !
Il se fige, les yeux écarquillés. Hyujin reste en retrait, son regard posé sur le sol.
- Laisse-tomber. Tu ne comprends rien, je te l’ai…
- C’est vous qui ne comprenez rien ! Vous ne pouvez pas le juger, vous n’avez pas le droit !
- C’est bon, Aria ! Tais-toi !
La voix de mon père couvre la mienne. Je baisse les yeux, honteuse d’avoir osé lui tenir tête. Mon coeur se serre dans ma poitrine. Comment peut-il être si aveugle ?
Mon père semble reprendre son souffle. Je m’éloigne légèrement, incapable de le regarder en face. Je n’ai jamais voulu le contrarier, mais je devais défendre Hyujin.
- Aria, je te demande de réfléchir à tes actes, reprend-il, plus calme.
- Oui, Père, mais je vous assure que Hyujin est différent. Il m’a protégé, je vous ai déjà dit que c’était la vérité.
Mon père fronce les sourcils, incertain.
- Tu parles de lui comme s’il était ton ami. Mais tu dois être entourée de gens digne de confiance, pas de…
- Pas de quoi ?! s’insurge Hyujin, sûrement arrivé au bout de sa patience. Jusqu’ici, j’ai protégé Aria, j’ai fait en sorte qu’elle ne soit pas blessée.
- Il m’a prouvé qu’il méritait ma confiance, rétorqué-je.
Un nouveau silence s’installe.
- Fais comme tu veux. Je ne veux juste pas te voir en danger, capitule mon père, excédé.
Je hoche la tête.
- Merci et désolée.
Hyujin se tourne à nouveau vers le dirigeant.
- Je vous promets que je veillerai sur Aria. Même si cela implique de risquer ma vie.
- Bien, bien. Je vous ai dit de faire comme vous voulez. Allez vous-en.
Nous quittons le pavillon central rapidement. Je tourne la tête vers Hyujin, qui me fixe.
- Merci.
Je lui souris et il me le rend. Chaque fois que je le vois sourire, je vacille et mon coeur palpite, et j’aimerais vraiment comprendre pourquoi.
- Hyujin… Tu n’as pas forcément envie de parler de ça mais… est-ce que tu es triste pour Namki ?
Il acquiesce timidement.
- Un peu, je l’avoue. Mais moins que s’il était mort alors que je ne te connaissais pas. Au moins, tu es là, toi. Et tu ne me détestes pas.
Je rougis, me demandant ce qu’il a en ce moment. Ses mots, presque chuchotés, m’arrache un frisson. Et puis, sa voix grave résonne dans ma tête, répétant en boucle la phrase que je peine à oublier. Ou peut-être que je cherche juste une excuse pour te tenir près de moi. Mon rythme cardiaque s’accélère encore, et je respire un grand coup.
- Ça va ? demande-t’il.
- Oui, je vais très bien.
Il me sonde, sceptique.
- Vraiment ? Tu me sembles préoccupée, dit-il en s’approchant un peu.
Je détourne le regard, sentant mes joues s’empourprer.
- Je t’assure que tout va bien…
- Tu es malade ? Tu as les joues rouges. Tu veux qu’on retourne dans ta chambre ?
- Non ! réponds-je un peu trop vite.
Il hausse un sourcil.
- Je ne suis pas malade, merci de t’en soucier, mais je vais très bien.
- D’accord.
Nous allons quand même dans ma chambre pour rejoindre mon petit jardin. J’observe Hyujin du coin de l’oeil, admirant ses cheveux sombres, sa peau pâle et son visage fin.
- On ira où après ? questionné-je.
- Bonne question. Je ne vois pas du tout où est-ce que l’on pourrait chercher pour trouver des informations.
- Et si on n’y arrive pas ? Il va bien falloir arrêter de chercher un jour. Qu’est-ce qu’il se passera ?
- Eh bien… des assassins rôderont.
Je secoue la tête. Il n’a pas compris.
- Je voulais dire, qu’est-ce qu’il se passera pour nous ?
Surpris, Hyujin tourne la tête.
- Tu veux dire… qu’adviendra-t’il de notre relation ?
- Oui.
Je suis gênée, mais j’ai réellement envie de savoir. J’ose lever les yeux vers lui. Il semble déstabilisé.
- Je… je ne sais pas trop…
Pour la première fois, je vois ses joues rosir.
- Je ne sais même pas ce que l’on est en ce moment. Ça dépend. Tu en penses quoi ?
Il tourne la tête vers moi et soutient mon regard.
- Qu’est-ce que tu ressens pour moi ?
Je sens que mon coeur va lâcher, alors qu’il continue de me regarder dans les yeux.
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