Chapitre 27

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Durant la semaine, Hiro vient souvent me voir au temple pour me parler, faire des promenades ou encore m’offrir des cadeaux. Et tous les jours, je dois me lever aux aurores pour me préparer.

J’ouvre le premier tiroir de ma coiffeuse et en sors une brosse en bois que m’a offert Hiro avant-hier. Je démêle mes cheveux et la repose. Je me retourne pour observer mon jardin. J’ai pris l’habitude d’y aller tous les soirs pour verser les larmes que j’ai contenu toute la journée.

Devant le miroir, je fixe mon visage que je tente de rendre souriant. Une fois que je suis prête, je regagne le jardin. Je vois Hiro arriver et je ne peux pas m’empêcher de pousser un soupir d’exaspération.

- Aria, tu vas bien ?

- Oui. Marchons.

Nous déambulons dans les jardins tandis qu’il se met à parler de la poésie qu’il écrit et du fait qu’il écrira pleins de poèmes sur moi une fois mariés.

- Je pourrai même peindre ton portrait, suggère-t’il. Avec un cerisier en arrière-plan. Ce serait magnifique, j’en suis sûr.

Je lui adresse un petit sourire avant de me recentrer sur mes pensées. Pourquoi il ne parle que du moment où nous serons mariés ? Ne veut-il pas changer de sujet ?

- Oui, ça pourrait être une bonne idée, réponds-je.

Hiro continue d’évoquer ses projets avec enthousiasme et je sens une distance entre nous.

- Tu es silencieuse, Aria. Tu écoutes ce que je te dis ?

- Oui, je réfléchis à ce que tu dis, justement.

Il fronce les sourcils.

- Je te promets que je vais faire de mon mieux pour te rendre heureuse.

Je hoche la tête, même si je ne suis pas convaincue. Je ne veux pas de cette vie.

- Aria, dis-moi… Qu’est-ce que tu ressens pour moi ?

Je me fige. Hyujin avait dit exactement la même chose. Mon coeur se serre et je sens un nœud dans mon estomac.

- Je suis encore en train de m’adapter à tout ça, alors…

- Je comprends, mais je veux juste que tu sois honnête avec moi.

Je mords mes lèvres, essayant de me concentrer sur la conversation plutôt que sur Hyujin.

- Hiro, je ne suis pas sûre d’être prête à ça.

- Prête à quoi ? Prête à être ma femme ?

- Oui.

Il détourne le regard, et je me demande un instant si je l’ai blessé.

- Je veux juste que tu sois heureuse, Aria.

Je me retiens de lui dire que je ne serai jamais heureuse avec lui.

- De toute façon, je n’ai pas le choix. Je dois t’épouser.

Hiro hausse les épaules et répond :

- C’est vrai. Je vais te laisser, je ne veux pas t’ennuyer plus que ça. Nous nous verrons pour la cérémonie de fiançailles après-demain.

Je baisse les yeux.

- Oui.

Hiro repart et me laisse seule dans les jardins. Je soupire et marche jusqu’au pavillon central, dans l’espoir de trouver mon père, mais il n’y est pas. Je fixe la bague à mon doigt et la retire pour la jeter dans la rivière. Je n’en veux pas. Je n’en ai jamais voulu.

* * *

Le soleil décline à l’horizon, et je n’ai toujours pas vu mon père. Je ne l’ai pas trouvé dans tout le temple, et je me suis d’abord dis qu’il était parti voir des dirigeants, mais ensuite, j’ai pensé qu’il m’aurait prévenu. L’inquiétude s’immisce en moi alors que les heures avancent.

Deux coups frappés à la porte de ma chambre me sortent de mes pensées. Je me lève et ouvre. Je tombe nez à nez avec Hyujin. Mon coeur recommence à s’accélérer tandis que Hyujin esquisse un sourire qui disparaît aussi vite qu’il est venu.

Hyujin s’avance pour me serrer dans ses bras avant de s’éloigner un peu.

- Qu’est-ce que tu fais ici ? soufflé-je.

- J’ai une mauvaise nouvelle.

Je grimace et lève les yeux vers lui. Il plante son regard dans le mien en disant :

- Ton prétendant… il appartient au gang.

Je mets quelques secondes avant de saisir ce qu’il me dit. L’homme que je dois épouser fait parti d’un groupe de criminel qui a assassiné ma mère.

- Mais ce n’est pas tout. Je l’ai vu sortir du temple quand je suis arrivé ici. Il portait ton père évanoui. Il l’a kidnappé. J’ai essayé de le rattraper, mais il a disparu. Hiro… c’est ça ? Il veut t’épouser pour se rapprocher de ton père et toi et vous tuez quand vous serez mariés. Comme ça, il aura le pouvoir, et les criminels qui ont assassiné ta mère auront atteint leur objectif.

Mon sang se glace à l’idée que mon père finisse comme Namki.

- Comment tu sais tout ça ?

- J’ai continué de mener l’enquête. J’ai cru qu’il t’avait déjà assassinée. Et après, je me suis dit qu’il ne le ferait pas tant qu’il ne serait pas dirigeant. Après, c’était évident. J’ai réfléchi et j’ai vite compris leur plan. Tu ne dois en aucun cas te marier avec lui.

Je tremble. Il va tuer mon père. Il va le torturer. Mais pourquoi ? Qu’avons-nous fait pour mériter ça ? Les larmes embuent mes yeux et dévalent mes joues. Je visualise mon père dans la même position que Namki et j’ai envie de vomir.

Hyujin m’attire à nouveau contre lui et je pose ma tête sur son épaule. Je sens son coeur battre calmement dans sa poitrine. Mes larmes mouillent sa tunique, la rendant un peu plus sombre aux endroits où les gouttes salées touchent le tissu.

- On doit le retrouver, sangloté-je.

Il me serre un peu plus fort.

- Oui, je te le promets.

- Merci...

Hyujin me regarde dans les yeux et murmure :

- Je t’aime. Je t’assure qu’on va trouver qui sont ces gens.

Je hoche la tête et sèche mes larmes.

- J’ai peur, susurré-je.

- Je sais, mais on doit agir vite. La vie de ton père est en jeu.

- Je… je me fiance à Hiro après-demain.

L’expression de Hyujin devient grave. Je suis en train de réaliser qu’il est peut-être trop tard. Je n’ai pas le droit d’annuler le contrat, seul mon père peut le faire. Sauf qu’il va peut-être mourir.

Je tremble de peur, mais aussi de colère. Pourquoi mes parents n’ont-ils pas vu le danger qui menacent notre famille ? Je ne peux pas croire que ce soit la vie que je suis censée mener, coincée entre un mariage arrangé et la menace de la mort.

- Tu dois trouver un moyen d’annuler tes fiançailles.

- Je ne peux rien faire, Hyujin.

- Commençons par retrouver ton père.

Je me détache de lui et hoche la tête. Il fait nuit dehors, et un corbeau passe pour se poser dans mon jardin.

Nous sortons discrètement de ma chambre et longeons les jardins pour rejoindre la sortie du temple. Hyujin attrape ma main et me tire derrière lui dans la rue.

- Fais attention. Il est probable qu’on tombe sur eux, lance-t’il en scrutant la ville.

- Et si on doit retourner au repère de contrebandiers ?

Les larmes remontent dans mes yeux.

- Il sera trop tard, Hyujin, soufflé-je. S’il meurt maintenant, je devrai aller au pouvoir. Et comme je suis la promise de Hiro, il deviendra dirigeant.

- Il faut briser votre promesse de mariage. Tu sais où sont les papiers ?

Je secoue la tête.

- Non.

Sa prise autour de ma main se resserre.

- Alors il faut retrouver ton père avant qu’il ne meure. Sinon, il sera trop tard et les assassins auront gagné.

Je sens la panique m’envahir.

- Aria, il faut qu’on y aille. On n’a pas de temps à perdre.

Nous avançons rapidement à travers les ruelles. Après quelques minutes de marche, nous atteignons un vieux bâtiment d’où s’échappent des rires.

- Entrons.

Nous nous faufilons dans les couloirs et nous cachons derrière une table. Quand je reconnais la voix de Hiro, je me fige.

- Nous devons faire vite. Une fois que je serai fiancé à elle, elle n’aura plus d’échappatoire. Nous y sommes presque, monsieur.

J’imagine qu’il s’adresse à leur chef. Je tente d’apercevoir quelque chose, mais il fait trop sombre et leurs visages sont masqués.

- Une fois marié avec elle, je pourrai prendre le contrôle.

Je serre les poings, envahie par la rage. Comment a-t’il pu me duper ?

- Qu’as-tu fait de Seji ?

C’est la femme de la dernière fois. Sa voix nasillarde me rappelle quelqu’un, mais je ne parviens pas à savoir qui.

- Ne vous en faites pas. Et qu’en est-il de Hyujin ?

- Il a refusé toutes ses prétendantes, soupire la femme. Seok lui en a pourtant proposé vingt, il les a toutes repoussées sans même les regarder.

L’horreur monte en moi. Ces personnes… comment peuvent-elles le savoir ? Ça signifie que quelqu’un de l’entourage de Hyujin ainsi que du mien fait partie de leur gang. Mais qui ? Je ne me sens en sécurité nulle part.

La femme. Et si c’était Miya ? Elle est suffisamment proche de Hyujin pour savoir ça, et son silence peut paraître suspect, en y repensant.

- Nous devons en savoir plus, chuchote Hyujin en se rapprochant de moi.

Je hoche la tête.

- Allons nous cacher dans la pièce à côté, propose-t’il.

Nous nous y glissons. Des papiers éparpillés traînent au sol, et une lumière faible d’une bougie éclaire les meubles. Hyujin referme la porte.

- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

- On écoute ce qu’ils disent.

- Dès qu’Aria sera à moi, plus rien ne pourra nous arrêter, continue Hiro.

- Nous devons la garder sous contrôle. Elle est la clé de notre réussite, répond la femme. Si Hyujin s’en mêle, il pourrait tout compromettre.

- Je vais m’en occuper. Je vais lui faire comprendre qu’elle n’a pas d’autres choix. Et puis… si j’arrive à la séduire, peut-être qu’elle se laissera faire plus facilement. J’ai déjà commencé en la couvrant de cadeau.

Comment peut-il dire ça ? Hyujin fronce les sourcils et son regard durcit encore plus.

- Crois-tu que tu réussiras à la conquérir ? questionne la femme.

- Oui. Je fais tout pour lui plaire. Des cadeaux, des compliments… même ma femme n’avait pas le droit à tout ça.

- Sa femme ? s’insurge Hyujin. Tu te fiances à un homme marié ?

- Pourquoi t’es-tu fiancé à Aria alors que tu es marié ? On aurait dû demander à Min, il est plus jeune, ça aurait été beaucoup plus simple, peste la femme.

- Elle est morte. Je l’ai assassinée il y a deux mois, répond Hiro.

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