Chapitre 29
Au Temple des Cerisiers, le médecin soigne mon père. Pendant ce temps, je le questionne sur le comportement de Hiro.
- Hm… Je ne suis pas spécialisé en psychologie, et nous savons peu de choses sur ce domaine, répond le soignant. Mais il est fort probable qu’il soit fou, comme vous dites.
Je hoche la tête et commence à quitter la pièce lorsque mon père me retient :
- Aria… je veux te voir après le repas au pavillon central. Avec Hyujin.
Je sens le rouge me monter aux joues et j’acquiesce.
- Oui, père.
- Bien.
Je m’en vais rapidement et rejoins le cerisier centenaire. Hyujin est assis dessous. Il attend patiemment que je revienne du pavillon des soins. Je lui souris et viens m’asseoir à côté de lui.
- Hiro était fou, soupiré-je.
- Oui, j’ai fini par comprendre.
- Je me demande combien de temps il nous faudra pour trouver le tueur. On ne sait pas grand-chose sur lui.
Hyujin opine du chef.
- Ah, et mon père veut nous voir tout à l’heure.
- À propos de ce qu’a dit Hiro sur nous deux ?
- Sûrement.
- On ne l’aura pas gardé secret longtemps.
- C’est peut-être mieux comme ça. Je n’aime pas l’idée de mentir à mon père. Et puis, s’il sait que… que je…
Les mots restent coincés dans ma gorge.
- S’il sait que je t’aime, finis-je par réussir à articuler, il arrêtera peut-être de me chercher un époux.
- Après ce qu’il vient de se passer, tu crois vraiment que ton père va recommencer à te chercher un mari ?
Je hausse les épaules.
- Il en serait capable juste pour nous séparer, raillé-je.
Hyujin tourne la tête vers moi et se penche un peu.
- Il n’a pas le droit de faire ça, murmure-t’il avant de déposer un rapide baiser sur mes lèvres.
Je m’écarte et rougis subitement.
- Hyujin, tu ne devrais pas…
Je m’interromps pour regarder autour de nous, cherchant à voir s’il y a quelqu’un.
- Pourquoi pas ? lance-t’il. Il n’y a personne et de toute façon, on ne peut pas garder ça secret indéfiniment. Tu l’as dit toi-même, tu n’aimes pas l’idée de mentir à ton père.
J’essaye de déchiffrer quelque chose dans son regard, mais il est toujours aussi impénétrable. Je me demande bien comment il fait pour masquer ses sentiments.
- Aria, je tiens à toi. Peu importe ce qu’en pensent mes parents ou ton père.
- Mais il veut que je me marie…
- Ce n’est pas lui qui doit choisir ta vie, répond-il froidement.
- Et tu crois vraiment que je peux lui dire ça ? Que ça va changer quelque chose ?
- Oui.
Il marque une pause avant de reprendre :
- Et si tu lui dis que tu m’aimes, peut-être qu’il comprendra… ou du moins, qu’il réfléchira avant de prendre des décisions pour toi. Il était amoureux de ta mère, il sait ce que c’est d’aimer quelqu’un.
J’opine du chef. Peut-être qu’il comprendra… ou peut-être pas.
* * *
Comme prévu, après le repas, Hyujin et moi regagnons le pavillon central. Stressée, je joue avec un bout de ma jupe.
- Asseyez-vous, grince mon père.
Nous obéissons.
- Bon. Hyujin, je voulais te remercier pour nous avoir sauvé de Hiro.
Hyujin hausse un sourcil, sceptique. Par rapport aux autres fois, il n’a pas fait grand-chose. On était tous en mesure de faire comme lui, au final.
- Je ne l’ai pas fait pour vous, répond-il.
La bouche de mon père se referme et il pince les lèvres.
- D’accord. Et pour ce qu’a dit Hiro par rapport à votre relation ? J’attends des explications.
Je baisse les yeux, ne sachant pas trop quoi dire. Hyujin et lui s’observent dans les yeux, avec le même regard noir.
- Alors ? questionne-t’il.
- Père…
Je soupire.
- J’aime votre fille, finit par dire Hyujin.
Ce que mon père redoutait est la réalité.
- Ce n’est pas possible, articule-t’il. Tes parents sont mes ennemis.
- Je m’en moque.
- Et toi Aria… tu l’aimes aussi ? demande-t’il, la voix chevrotante.
Je hoche timidement la tête.
- Je suis désolé, Aria, mais tu as des responsabilités. Je ne veux pas te forcer à épouser un homme. Je veux bien te laisser choisir, mais… choisis le bon.
- Qu’est-ce que vous insinuez ? raille Hyujin en fixant mon père avec dédain.
- Ce que j’insinue, c’est que le choix que tu feras aura des conséquences bien au-delà de nos deux familles, rétorque-t’il.
Hyujin serre la mâchoire.
- Et toi, Aria ? Tu es consciente de ça ?
Je prends une profonde inspiration.
- Oui, je le sais. Mais je ne peux pas choisir de qui je tombe amoureuse, protesté-je.
- L’amour est une chose, mais les alliances en sont une autre. Hiro a essayé de détruire tout ce que nous avons construit. Et si les intentions de Hyujin étaient semblables aux siennes ? Je te l’ai déjà dit, on ne peut pas lui faire confiance.
- J’ai confiance en qui je veux.
- Aria… On ne peut pas se permettre d’être amoureux, tu comprends ? explique mon père. Notre statut nous en empêche. Ça fait partie des sacrifices que l’on doit faire.
- Mais vous avez épousé Mère parce que vous l’aimiez alors que vos parents vous avaient présenté à d’autres femmes avant elle.
Mon père soupire.
- C’était une autre époque. Les choses étaient différentes, la situation du temple était différente. Aujourd’hui… je ne peux pas accepter ça. Tu as des devoirs, Aria.
- Je ne peux pas choisir entre ce que je ressens et ce qu’on attend de moi.
Je baisse les yeux.
- Laissez-nous une chance, supplié-je.
Il se gratte la tête et réfléchit quelques instants. Je ne comprends pas le problème que ça pose. Si je suis amenée à me marier avec Hyujin, ça réunirait nos deux familles, après cinq-cents ans de séparation.
- De toute façon…
Je tourne la tête vers mon père pour écouter.
- Je pense que ça ne sert à rien d’insister avec vous, c’est peine perdue. Faites ce que vous voulez, je laisse tomber. Mais je ne suis pas seul à prendre une décision. Hyujin, tes parents ont peut-être déjà quelque chose de prévu pour toi. Vous devrez leur en parler.
J’opine du chef et me relève.
- Nous ferons ça quand nous aurons trouvé l’assassin. Merci, Père.
- Aria, ça ne sert plus à rien de chercher le tueur. J’ai demandé aux gardes d’arrêter les recherches.
- Moi, je continue de chercher, annoncé-je en quittant la pièce, suivie par Hyujin.
Ce dernier est encore vexé par les paroles de mon père. Sa mâchoire ne s’est pas desserrée et ses sourcils sont froncés.
- Tu ne devrais pas toujours l’écouter, lance-t’il, sa voix trahissant une pointe d’agacement.
- Il s’inquiète juste pour moi…
- L’inquiétude n’excuse pas la manipulation.
Je me fige, blessée par sa franchise.
- Tu es trop souvent à sa merci, poursuit Hyujin, son regard glacial fixé sur l’horizon. Je ne peux pas supporter l’idée qu’il te dicte ta vie.
- Mais là, il a laissé tomber. Il commence à me laisser faire ce que je veux.
- Heureusement. Tu n’es plus une enfant, tu sais prendre des décisions toute seule.
Je hoche la tête, même si d’un côté, le fait que mon père prenne certaines décisions pour moi m’arrange.
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