Nous entrons dans la cité du Lotus, et arpentons les ruelles. Sunhee nous conduit à la boulangerie de Min, un petit bâtiment délabré. Lorsque nous entrons, la salle est vide. J’entends du bruit dans une pièce à l’arrière, et je peux voir la lueur d’une bougie.

Un homme apparaît, et je tourne la tête vers Sunhee pour lui demander si c’est lui que nous cherchons. Elle secoue la tête.

- Min est-il là ? questionne-t’elle.

- Non, il sera là dans quelques instants, normalement. Que voulez-vous ?

- Il faut que nous lui parlons, répond Sunhee.

- Attendez-le ici, alors.

Il désigne un coin et nous nous y dirigeons.

- C’est ici que tu as grandi, Hyujin, remarque la jeune femme en observant dehors. Ce n’est pas très gai.

Hyujin ne dit rien, même son expression ne change pas. Sunhee se renfrogne et se penche vers mon oreille.

- Ça va être compliqué d’être amie avec lui.

- Il faudrait déjà qu’il en ait envie, soupiré-je.

- Quoi ?

- Non, rien.

Elle plisse les yeux avant de hausser les épaules.

- D’accord.

Lorsque Min rentre, il nous lance un regard méprisant. Il s’avance vers nous et fronce les sourcils.

- Tiens, voilà Sunhee, grince-t’il.

- Tu te souviens de moi, répond-elle.

Min attrape les cheveux blonds de la jeune femme.

- Évidemment.

Je détaille l’homme qui se tient face à nous. Il correspond à peu près aux descriptions que Hyujin avait obtenu au marché noir. Min est grand, pas très musclé mais pas non plus très mince. Il a l’air d’avoir la vingtaine, comme l’avait affirmé la femme de leur groupe.

- Qu’est-ce que vous faites ici ? Vous êtes… oui, vous êtes les héritiers… Et elle, elle est avec vous… Notre chef nous avait dit que c’était une traîtresse.

- C’est vous qui avez tué ma mère, murmuré-je.

- Pourquoi dis-tu ça ? demande Min.

- Parce que Sunhee nous l’a dit, raille Hyujin.

- Allons parler de ça ailleurs. Ici, les gens peuvent entendre…

Nous le suivons dans l’arrière-boutique, une petite pièce remplie d’étagères.

- Alors ? C’est vous qui l’avez tué, n’est-ce pas ?

Il hoche vigoureusement la tête.

- Oui, c’est vrai.

Je fronce les sourcils, étonnée qu’il l’admette aussi facilement.

- Pourquoi est-ce que vous vous dénoncez ? questionné-je.

- Je me fiche d’aller en prison ou d’être condamné à mort. Je sais pertinemment que vous ne trouverez jamais notre chef. Tant qu’il est en vie, notre plan pourra fonctionner.

- Et si nous le trouvons ? demande quand même Sunhee.

- C’est impossible. Personne ne se doute que c’est lui.

- C’est donc un homme ? lance Hyujin.

- En réalité, ils sont deux. Je ne vous en dirai pas plus.

Un silence s’installe.

- Alors, qu’allez-vous faire maintenant ? Me tuer ? Prévenir les autorités pour m’arrêter ?

- Oui, répond Sunhee.

- Toi, je te conseille de te taire, crache-t’il. Tu étais aussi une criminelle. Tu as aussi tué des gens, tu es autant coupable que moi.

Sunhee le fixe, décontenancée et blessée.

- Qui sont ces deux hommes ? redemandé-je.

- Je n’ai jamais dit que c’étaient deux hommes.

Je soupire. On tourne en rond, et c’est insupportable.

- Bon, prévenez les autorités si vous voulez. Je suis là toute la journée, alors ils sauront me retrouver facilement. Maintenant, partez. J’ai du travail.

J’acquiesce et me dirige vers la sortie, suivie par Hyujin et Sunhee. Une fois dehors, elle se tourne vers nous.

- Alors, on les prévient vraiment ?

- Oui, réponds-je. Il le faut.

- Ne comptez pas sur l’aide des autorités d’ici. Ce sont mes parents qui les dirigent, et ils se préoccupent peu de ce genre de choses, soupire Hyujin.

- Donc que on ne peut rien faire, déclare Sunhee.

- Exact, dit-il.

J’essaye de canaliser ma colère. On vient de trouver l’assassin de ma mère, et on ne peut pas le faire condamner. Je ne comprends pas. Seok et Hana devraient quand même faire mettre en prison les criminels. Ils s’en fichent de leur cité au point de laisser des tueurs en liberté ? C’est normal que les habitants ne sortent pas. Avec des dirigeants comme les parents de Hyujin, qui ne se préoccupent que d’eux, je comprends mieux pourquoi la cité du Lotus est si triste.

- Rentrons à la cité des Cerisiers et parlons-en à mon père. Il pourra faire quelque chose, lui.

Ça sonnait comme un reproche, et je m’en veux d’avoir utilisé ce ton. J’ai peut-être blessé Hyujin.

Je m’approche de lui pour lui demander avant de m’excuser.

- Non, ça ne me fait rien. De toute façon, tu as raison.

- Vous parlez de quoi ? lance Sunhee.

Dès qu’elle arrive, Hyujin s’éloigne et je soupire. Ça va être compliqué d’enquêter avec eux deux.

- Dis, Aria. Si ton père ne fait rien, qu’est-ce qu’il se passera ?

- N’y pense pas, lancé-je en secouant la tête. Je suis sûre qu’il fera quelque chose. Mais tu sais… s’il condamne Min, il y a des chances pour qu’il te dénonce et donc que mon père te mette aussi en prison.

Sunhee hausse les épaules.

- Je l’aurai mérité. Si je n’avais pas écouté Hiro, je n’aurai pas eu de problèmes…

* * *

Nous arrivons au Temple des Cerisiers, et la première chose que je fais, c’est de rejoindre mon père avec Hyujin.

- Je viens, déclare Sunhee.

- Non, il vaut mieux que tu attendes dehors.

- D’accord, soupire-t’elle. Hyujin, tu attends avec moi ?

- Non.

Elle baisse les yeux et nous laisse regagner le pavillon principal.

- Tu es sûre que tu veux continuer avec elle ? me demande Hyujin tandis que nous marchons.

- Oui. Elle est gentille, et elle sait des choses sur les criminels. Elle nous a aidés à trouver l’assassin de ma mère. Grâce à elle, nous avons atteint notre objectif principal. Bien sûr, depuis qu’on a découvert le gang, on veut en savoir plus mais… on a réussi, Hyujin. Je suis sûre qu’on va bientôt trouver leurs chefs.

- Ne sois pas trop optimiste.

Je hoche la tête et ouvre la cloison du pavillon.

- Père. Nous savons qui a tué Mère.

Il lève les yeux vers Hyujin et moi et le fixe d’un air méfiant.

- Vraiment ? questionne-t’il.

- Oui. C’est un homme du nom de Min, boulanger dans la cité du Lotus. Nous l’avons vu et il a admis avoir assassiné Mère.

- Et… vous voulez que je fasse quoi, concrètement ?

- Que vous le condamniez.

- Mais, Aria… Pourquoi Seok et Hana ne s’en chargent pas, eux ?

- Ils ne veulent pas.

Il soupire et gratte sa tête.

- Bien. Donnez-moi l’adresse de la boulangerie, j’enverrai des gardes.

Je saute au cou de mon père.

- Merci.

- Alors c’est bon, tu as fini ton enquête, Aria ?

Je grimace.

- Pas tout à fait. En réalité, Min est lié à un groupe de criminels, alors on doit encore trouver leurs chefs.

- C’est plus compliqué que ce que je pensais, soupire-t’il. Mais bon, vous avez fait du bon travail, même si techniquement, ce n’est pas le votre. Merci, Aria.

Mon père se racle la gorge et lève les yeux vers Hyujin.

- Hum… Merci à toi aussi, Hyujin. D’avoir aidé ma fille et de l’avoir protégé.

Hyujin hoche la tête pour le remercier. Je souris légèrement, espérant que leur relation finira par changer.