Chapitre 33
Nous rejoignons le jardin, où Sunhee nous attend. Elle s’est assise contre le cerisier centenaire et a posé une couronne de fleurs sur ses cheveux blonds. Elle lève ses yeux verts vers nous et sourit.
- C’est bon ? Ils vont arrêter Min ?
- Mon père va envoyer des gardes et les autorités.
- Est-ce que tu as parlé de moi au Seigneur Seji ?
Je secoue la tête.
- Non.
Sunhee opine du chef.
- Maintenant, on doit trouver leur chef.
- Tu ne nous es plus d’aucune utilité, lance froidement Hyujin. Tu ne sais rien d’autre que ce que tu nous as dit, n’est-ce pas ?
- Oui, mais…
- Donc nous n’avons plus besoin de toi.
Sunhee blêmit. Son sourire disparaît instantanément.
- Pourquoi dis-tu ça ? souffle-t’elle, les larmes aux yeux.
- Parce que c’est la vérité.
- Je peux vous être utile, je vous assure.
Je les fixe tour à tour. Je me rapproche de Sunhee pour poser ma main sur son épaule, mais elle la repousse et se lève.
- Sunhee… murmuré-je.
- Non. Il ne comprend rien à ce que je peux ressentir.
Elle avance en me bousculant au passage et disparaît dans les jardins. Je me tourne vers Hyujin.
- Tu n’avais pas à lui parler comme ça, dis-je, en colère mais aussi perplexe.
- Elle n’est pas digne de confiance, combien de fois je dois te le répéter ?
- Elle ne t’a rien fait de mal, elle veut juste nous aider.
- Elle était amie avec Hiro. Elle est peut-être aussi dangereuse que lui. Elle est peut-être folle, elle aussi.
- Ou alors elle est normale.
Je soupire et lui aussi. Je repense à Sunhee. Elle a vraiment été blessée par les propos de Hyujin. Je ne peux pas croire qu’elle ait fait semblant. Elle semble si gentille.
- Je vais la voir, lancé-je.
Il attrape mon poignet et baisse les yeux vers moi.
- Tu es sérieuse ?
- Oui, il faut que j’aille vérifier qu’elle va bien. Après ce que tu lui as dit, elle doit être bouleversée. Si tu n’avais pas sous-entendu que tu ne voulais plus qu’elle soit avec nous, je n’aurai pas besoin d’aller la voir.
- Est-ce trop demander de vouloir être seul avec toi ?
Je suis prise de court par sa question. Il avait déjà évoqué dans ma chambre son envie d’être seul avec moi, mais je pensais qu’il n’était pas sérieux.
- Hyujin, il faut que j’aille la voir. Mais je reviens juste après.
- Tu es trop gentille avec les gens.
- S’il te plait. Je dois lui parler.
Il hoche la tête, me lâche et me laisse parcourir les jardins à la recherche de Sunhee.
* * *
Je la trouve, assise sur un petit banc en bois, les yeux rivés sur un ruisseau. Je m’approche et m’assois à ses côtés.
- Sunhee.
Elle pose son regard sur moi. Ses yeux sont remplis de larmes, et je me demande à quel point les mots de Hyujin l’ont blessés.
- Quoi ? lance-t’elle sèchement.
- Je suis désolée qu’il t’ait dit ça, je suis sûre qu’il ne le pensait pas, je t’assure que…
- Non, il le pensait, ça se voyait. Ça ne sert à rien d’essayer de me faire croire le contraire, m’interrompt-elle en détournant le regard.
- Mais non, je…
- Arrête de me dire ça ! Il s’en moque, de moi et de ce que je peux penser ! Il te préfère toi, ne fais pas l’innocente, Aria !
Elle se lève brusquement, les larmes roulant sur ses joues, mais elle les balaie rageusement d’un revers de la main. Je ne comprends pas pourquoi ça la met aussi en colère.
- Il te préfère toi, Aria, tu ne le vois pas ? C’est évident. Vous n’êtes pas juste amis, comme tu ne cesses de répéter.
Je me lève à mon tour et me tourne vers elle.
- Sunhee, ce n’est pas ça… soufflé-je. Tu ne comprends pas.
- Non, c’est toi qui ne comprends pas.
- Je ne te mens pas, Sunhee. Tu dois juste comprendre que Hyujin et moi nous connaissons depuis deux mois déjà, alors que toi, il t’a rencontrée avant-hier.
- Il n’a pas essayé de me connaître. Il n’a fait aucun effort. Dès que je suis arrivée, il m’a repoussée. Pourquoi ? Parce que je ne suis pas toi ? Parce que je n’ai pas la même place que toi dans sa vie ? Dans son coeur ?
- Ce n’est pas ça. Je ne peux pas t’expliquer pourquoi Hyujin agit ainsi, même moi je ne sais pas.
Elle me fixe longuement. Ses yeux passent de la rage à la tristesse.
- Je sais que tu essayes d’être gentille, Aria. Mais je l’admets, je suis jalouse, et ça m’empêche de t’apprécier autant que tu le mérites. Mais je ne suis pas jalouse que de toi. De vous deux, en fait. Hyujin et toi. Vous êtes toujours tous les deux, vous vous parlez, vous échangez des regards… Et je ne suis pas stupide. Je comprends, Aria. Et ça me fait mal, parce que…
Elle se tait et je réalise ce qu’elle essaye de dire.
- Sunhee… Tu le connais à peine…
- Je sais, je n’y suis pour rien. Je n’ai pas choisi. Crois-moi que si j’avais pu le faire, je n’aurai pas choisi Hyujin. Mais c’est comme ça. Et s’il te plait, arrête de me dire que c’est juste ton ami, je n’en peux plus des mensonges qu’on me raconte. Dis-le moi, je m’en fiche. Avoue-moi que tu l’aimes, que c’est réciproque. Je m’en moque.
- Sunhee…
Les mots restent bloqués dans ma gorge. Je la regarde, le coeur serré.
- Sunhee, je… Je comprends que ça te fasse mal. Je ne voulais pas te faire souffrir.
Elle secoue la tête.
- Tu vois, Aria, j’aimerais être toi. Tu es belle, tu es l’héritière, tu es respectée… Et Hyujin… il te regarde comme si tu étais la seule chose qui compte vraiment.
- Sunhee, répété-je.
- Non. Ne dis rien, s’il te plait. Tais-toi. Je ne veux rien entendre, rien savoir. Pourquoi dès que je m’attache à quelqu’un, je suis obligée de le perdre ?
Elle murmure sa question. Je continue de la sonder, espérant savoir ce qu’elle ressent réellement. Aime-t’elle vraiment Hyujin à ce point ?
- Je vais y aller, je ne veux pas t’embêter plus que ça. Au revoir, Aria. Ce fut un plaisir de faire la connaissance de l’héritière du Temple des Cerisiers. Et peut-être même de celle qui va réunir la cité des Cerisiers et la cité du Lotus.
J’aimerais pouvoir l’empêcher de partir, mais je n’arrive pas à bouger. Je peux juste la regarder partir et disparaître au loin.
* * *
Je rejoins Hyujin à côté du cerisier.
- Elle est partie, murmuré-je.
Il ne dit rien et fixe le ciel, pensif. Puis il lance :
- D’accord.
- Tu as eu ce que tu voulais.
Hyujin tourne la tête vers moi et soupire.
- Je ne voulais pas la faire souffrir, je voulais qu’elle parte. C’est tout.
- Elle t’aimait.
Il se tourne entièrement vers moi et prends une grande inspiration.
- Et bien pas moi. Moi je t’aime toi, et tu le sais. Et elle aurait pu le savoir si tu n’avais pas tenu à garder le secret.
- Elle l’a compris, de toute façon.
Hyujin se rapproche un peu et je détourne le regard.
- Je n’aurai pas dû la repousser comme ça, c’est ça ? Tu aurais préféré la voir me tourner autour ?
Je ne réponds pas et continue de fixer le sol.
- Moi, ça m’insupportais. C’est pour ça que je ne voulais pas lui cacher que je t’aimais, Aria.
Je sens mon coeur faire un bond dans ma poitrine.
- Je ne compte mentir à personne sur ce que je ressens pour toi. Peu importe leur réaction.
Il se penche et effleure mes lèvres des siennes. Il les appuie lentement avant de poser ses mains sur mes hanches pour m’entraîner contre lui. La chaleur de son corps près du mien, la douceur de ses lèvres… Tout m’envahit et m’empêche de penser à autre chose. Il n’y a plus que lui et moi.
Mon coeur bat la chamade et une sensation indescriptible naît dans mon ventre. Lorsqu’il retire ses lèvres de miennes, je me retourne et aperçois des gardes. Je recentre mes yeux sur lui tandis qu’il murmure :
- Tu as compris ? Je n’en ai rien à faire que des gens nous aient vu, là.
Je hoche la tête timidement et lance un dernier regard aux gardes avant de poser ma tête sur son épaule et de fermer les yeux.
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