Chapitre 34
J’entends des pas, alors je redresse la tête et me détache de Hyujin pour m’appuyer contre le cerisier. Quand j’ose lever les yeux, je peux voir mon père, les bras croisés et les sourcils froncés. Il se racle la gorge.
- Ce n’est peut-être pas l’endroit adapté pour… Laissez-tomber.
Je penche la tête sur le côté et réfléchis. Le rouge me monte aux joues quand je comprends de quoi il parle.
- Je venais vous voir pour vous dire que des gardes sont en chemin pour se rendre à la cité du Lotus. Dans deux jours, nous assisterons au procès de Min, à la cité du Lotus aussi. Soyez prêts. En attendant, libre à vous de continuer votre enquête ou… ou ce que vous faisiez.
Je m’empourpre encore plus et mords mes lèvres. Une lueur d’amusement passe dans les yeux de Hyujin et je peux voir mon père le fixer, choqué qu’il n’ait pas levé les yeux au ciel ou soupiré. Après tout, il n’est pas encore habituer à voir autre chose que de la froideur et de l’exaspération sur le visage de Hyujin.
- Je vous laisse, j’ai d’autres affaires à régler.
- D’accord, réponds-je alors qu’il commence à s’éloigner.
* * *
Le lendemain matin, quand je me réveille, une violente pluie frappe la cloison en verre qui sépare ma chambre du jardin. Le ciel est sombre, et je peux entendre les gouttes s’écraser au sol.
Je tourne la tête vers Hyujin, debout près de la porte, appuyé contre le mur. Je lui souris et me lève pour m’approcher de lui. Je m’apprête à parler, mais il se redresse, se penche et effleure mon visage, me caressant les joues avec ses cheveux. Ses lèvres cherchent les miennes et finissent par les trouver. À ce moment-là, il attrape mes hanches pour m’attirer doucement contre lui. Mon coeur fait un bond dans ma poitrine et commence à s’affoler. Je sens mon visage chauffer et mon ventre se tordre.
Je suis tellement peu habituée à cette façade de lui que quand il s’éloigne lentement, je le fixe, incrédule. Il se contente de me sourire faiblement avant de me presser contre son torse.
- Je… enfin… allons prendre le petit-déjeuner, bredouillé-je.
- Je n’ai pas faim, souffle-t’il. Mais je peux t’accompagner, si tu veux.
- Euh… non, c’est bon. Je vais demander à un servant de me l’apporter ici.
Il hoche la tête et j’ouvre la porte de ma chambre. Je m’apprête à parler à la jeune femme venant de passer dans le couloir, mais je soupire et referme la cloison, renonçant à manger.
Je me laisse glisser contre le mur, les mains posées sur les genoux, les jambes repliées contre ma poitrine. Je n’arrive pas à m’enlever Sunhee de la tête. Où est-elle allée ? Que va-t’il lui arriver ? Est-ce qu’elle est en danger ? Je n’aurai sûrement jamais de réponses. Et même si j’ai l’impression que c’est de la faute de Hyujin, je n’arrive pas à lui en vouloir.
- Tu penses qu’on saura bientôt qui sont les chefs de Min ?
Hyujin tourne la tête vers moi et me sonde quelques instants.
- Non. Je pense que même si on le torturait, Min ne dirait rien.
- Tu crois vraiment que des gens vont le torturer ?
Il hausse les épaules.
- Il sera enfermé dans une prison de la cité du Lotus. Mes parents sont capables de tout.
- Ce n’est pas… illégal ?
Il secoue négativement la tête.
- Pas là-bas. Enfin, ça l’était sous le règne de mes grands-parents. Mais quand mon père est arrivé au pouvoir, il a changé la loi.
Je reste silencieuse quelques instants. Chaque chose que je découvre sur Seok le rend encore plus cruel à mes yeux. Comment Hyujin peut-il être aussi différent de lui ?
Je finis par me lever pour me diriger dans les jardins. Hyujin me rattrape en trois pas et m’agrippe le poignet juste avant que je sorte.
- Attends-moi.
Je m’arrête, surprise par la douceur de sa voix. Il lâche mon poignet et ouvre la porte pour me laisser passer.
- Ce n’est pas la peine de faire cette tête. Je t’ai juste demandé de m’attendre.
Je rougis et détourne le regard.
La pluie ne s’est pas calmée et je prends plaisir à sentir les gouttes rouler sur mes joues. Je tourne la tête vers Hyujin et éclate de rire en remarquant ses cheveux plaqués sur son visage. Il fronce les sourcils et repousse quelques mèches avant de laisser tomber.
- Pourquoi tu tenais à sortir ?
- C’est toi qui a voulu me suivre, ris-je.
- Tu vas tomber malade.
Je hausse les épaules et continue de parcourir les jardins, l’eau détrempant le bas de ma jupe. Hyujin me suit, et je peux sentir son regard posé sur moi.
- Pourquoi tu fais ça ? demande-t’il.
Je me retourne pour le regarder. Environ deux mètres plus loin, il me regarde avec une telle intensité que des nœuds se forment dans mon estomac.
- Je fais quoi ?
- Pourquoi tu te laisses tremper alors que tu pourrais rester à l’intérieur ?
- Tu n’aimes pas la pluie ?
- Je n’aime pas être mouillé.
Je recommence à rire et je me retourne vers les jardins, profitant du son de l’eau qui ruisselle et qui tombe.
J’entends des pas qui se rapprochent de moi. Hyujin attrape à nouveau mon poignet, me forçant à me tourner vers lui.
- Qu’est-ce que tu veux ?
Il ne répond pas et continue de me fixer dans les yeux. Il lève son autre main pour repousser les mèches trempées qui tombent sur mon visage. Il hésite un peu avant de dire :
- Rien.
Hyujin laisse retomber sa main contre sa cuisse et me lâche avant de reprendre la marche. Frustrée, je reste quelques instants sans bouger.
- Aria ! Rentre à l’intérieur !
J’aperçois mon père, posté sur le perron du pavillon central. Il me fait un signe pour me dire de venir.
- Rentrons, indiqué-je à Hyujin.
Je peux le voir lancer un regard en direction de mon père.
- D’accord, répond-il.
Il me suit et nous pénétrons dans la salle. Un servant s’approche et nous tend deux serviettes. Hyujin frotte ses cheveux avant de passer le linge autour de son cou et de remercier le servant.
- Je tenais à vous dire que Min a été capturé, nous informe mon père.
- Il se fait torturer ? demandé-je, ce qui me vaut un regard noir de Hyujin.
- Bien sûr que non. J’ai demandé à Seok et Hana de ne pas le blesser.
- Et ils ont accepté ? questionne Hyujin, étonné.
- Oui. Bon, je vais y aller. Je dois rencontrer un prétendant pour Aria. Restez à l’intérieur, d’accord ?
- Père. Je ne veux pas de prétendant, gémis-je.
Mais il a déjà disparu. Je me tourne vers Hyujin en soupirant, mais il n’a pas écouté ce que mon parent a dit.
- C’est étrange que mes parents acceptent de ne pas torturer Min.
J’opine du chef.
- Si tu le dis. Au fait…
- Oui, j’ai entendu, m’interrompt-il. Ton père te cherche encore un mari.
- Il avait pourtant dit qu’il laissait tomber.
- Il espère sûrement que tu m’oublieras en te présentant un homme beaucoup plus âgé que toi qui te couvrira de cadeaux pour te séduire, lance-t’il froidement.
Je soupire à nouveau et mords mes lèvres.
- Je vais aller me changer, je commence à avoir froid, dis-je en me dirigeant vers la porte.
- Je t’avais prévenue.
J’acquiesce et indique à un servant de trouver des vêtements pour Hyujin, de préférence noirs, puis je pars en direction de ma chambre.
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