Chapitre 41

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Je suis angoissée à l’idée de rencontrer un nouveau prétendant. Et s’il était comme Hiro ? Lorsque nous pénétrons dans le temple, les gardes informent mon père que l’homme que je dois rencontrer – Tao – n’est pas encore arrivé.

- Aria, commence mon père. Je ne te forcerai pas à te marier avec lui. Je veux juste que tu fasses un effort, que tu y réfléchisses sérieusement. Tao est digne de confiance, c’est le fils d’un des amis de ta mère. Il est très gentil.

J’acquiesce.

- D’accord.

- Oh, et s’il te plait, souris un peu. Tu es plus belle quand tu souris.

Je grimace avant de hocher la tête.

- Oui.

* * *

Tao est un jeune homme au teint mat, aux cheveux sombres et aux yeux bleus. Il a une peau lisse et brillante, un long nez fin et aux longs cils.

- Je suis originaire d’une contrée du sud, m’informe-t’il. C’est un pays très riche, très beau. Je te conseille d’aller le visiter. Évidemment, j’ai parcouru beaucoup de chemin pour venir te voir, et je suis sûr que tu seras charmée par tout ce que j’ai à offrir. Je veux dire, qui ne le serait pas ? Tu sais, Aria, beaucoup de jeunes femmes aimeraient être à ta place. Je séduisais les filles de mon pays, mais aucune n’était à ma hauteur. Je suis sûr que tu as entendu parler de mon domaine au sud. Il y fait chaud, les jardins sont magnifiques.

En réalité, je n’en ai jamais entendu parler. Je ne savais même pas qu’il existait des territoires au sud.

- Je pourrais t’offrir une vie de luxe, de confort et bien plus encore. Imagine-toi, dans mes jardins, entourée de tout ce que tu désires : bijoux, vêtements, nourriture… Je sais apprécier les belles choses. Je suis également un homme de goût. J’ai fréquenté les plus grandes écoles, j’ai été éduqué par les meilleurs. Je suis sûr que tu seras impressionné par mes compétences et par ma capacité à faire tourner les têtes.

Je laisse échapper un soupir d’exaspération.

- D’ailleurs, j’ai repoussé une femme dernièrement… magnifique, pourtant mais il me manquait…

Je n’écoute pas la suite. Son monologue de prétentieux m’énerve. Je fixe les feuilles tomber, les fleurs se faner...

- Tu comprends ce que je veux dire par là ?

Je tourne la tête vers lui.

- Oh, oui, tout à fait, mens-je. J’aimerais vraiment voir votre domaine ensoleillé, mais… je suis navrée, je ne peux pas accepter votre proposition.

- Aria, tu ne peux pas refuser !

- Je vous remercie, Tao, mais je n’accepterai pas votre proposition.

- Allez, Aria. J’ai même un cerisier dans mon jardin.

Je secoue négativement la tête.

- Un magnifique cerisier. Plus grand que ceux ici. J’ai aussi un lac à l’eau turquoise, des servants… La cuisine est incroyable… Tu pourras même devenir amie avec ma sœur !

- Vous ne me ferez pas changer d’avis.

- Tu m’auras moi, ajoute-t’il. Je te comblerais de bonheur.

Je ris sarcastiquement. Comme si avoir ce genre de personne à mes côtés me rendrait heureuse.

- Écoutez, Tao… Je n’accepte pas votre proposition, ça ne sert à rien d’essayer de me faire changer d’avis.

Il grommelle.

- Aria… tu ne sais pas ce que tu perds. Je te laisse une dernière chance. Acceptes-tu de m’épouser ?

- Non, grincé-je.

Tao soupire et grimace.

- Bien, comme tu voudras. Je ne veux plus entendre parler de toi. Tu es trop aveugle pour voir à quel point je…

- Je t’ai dit non ! Maintenant, va-t’en !

Il croise les bras et me toise du regard avant de souffler à nouveau. Après quelques secondes, il tourne les talons en marmonnant des choses incompréhensibles.

Je me retourne pour rentrer dans le pavillon central et mon père apparaît.

- Aria… commence-t’il. Je t’ai demandé de faire un effort.

- J’en ai fait un ! Mais il est insupportable. Je me demande comme tu procèdes pour me trouver des fiancés aussi…

Je ne finis pas ma phrase. Mon père mordille sa lèvre inférieure, soucieux.

- D’accord. Alors… je te laisserai choisir ton mari seule.

- C’est vrai ?

- Oui. Mais choisis le bon, soupire-t’il.

- Merci, réponds-je en inclinant la tête.

Il me sourit et je l’étreins rapidement.

Quelques minutes plus tard, mon père reparti, je me mets à penser à Hyujin. Je n’arrête pas de me demander ce que nous allons devenir, lui et moi. Est-ce qu’on va vraiment continuer notre vie comme si rien ne s’était passé ? De toute façon, est-ce qu’on a le choix de faire autrement ? Je n’en ai pas envie. On aurait dû se douter que ça s’arrêterait un jour. On ne peut pas être indéfiniment ensemble, avec nos obligations. Et pourtant, j’aimerais rester avec lui pour toujours.

* * *

Les jours passent. Ça va faire trois semaines que Hyujin est dirigeant, et donc trois semaines que je ne l’ai pas vu. J’en meurs d’envie. Si ça ne tenait qu’à moi, je serai partie vivre dans la cité du Lotus, ou je serai allée le voir tous les jours. J’espère qu’il va bien et qu’il ne m’a pas oubliée. Et s’il avait tourné la page ? Pourquoi il y arriverait, alors que moi non ? Et s’il devait se marier ? Je verrai ça comme une trahison envers lui d’épouser un autre homme, mais est-ce qu’il partage mon point de vue ? Je ne suis peut-être pas importante pour lui.

J’observe les premières neiges tomber en refermant ma veste autour de ma robe. Les flocons se déposent sur les arbres morts, sur les chemins humides et sur les bâtiments. La ville est recouverte d’un drap blanc, je distingue à peine les maisons à travers la brume et la neige.

- Demoiselle Aria.

Je me retourne pour regarder le servant.

- Oui ?

- Quelqu’un aimerait vous voir. Je peux le faire entrer ?

- Oui, merci.

- D’accord.

Je fixe la silhouette du jeune homme qui disparaît vers l’entrée du temple et me reconcentre sur les jardins enneigés. J’aime être dehors quand il neige.

- Aria.

Mon coeur fait un bond dans ma poitrine. Je me tourne vivement vers Hyujin. Ses joues sont rougies par le froid et des flocons se sont posés sur ses cheveux noirs. Un léger sourire se dessine sur son visage.

- Tu vas bien ? questionne-t’il.

- Oui… et toi ?

- Oui. Je suis désolé de ne pas être venu te voir ces dernières semaines. J’avais beaucoup de travail et Shan ne voulait pas que je sorte du temple.

Il grimace à l’évocation de son adjoint avant de retrouver une expression neutre.

- Au fait… je pars pendant deux jours dans un temple à quelques heures d’ici. J’ai une réunion avec d’autres dirigeants pour parler de l’avenir.

- D’accord.

Je lui souris et jette un coup d’oeil par-dessus son épaule aux gardes qui l’accompagnent.

- Je ne peux pas me déplacer sans eux, ajoute-t’il en les désignant du menton. Shan dit que je suis trop faible pour me défendre si je me fais attaquer. C’est n’importe quoi.

Je ris sarcastiquement, me remémorant le nombre de fois où Hyujin s’est battu. Shan ne sait pas vraiment à qui il a affaire.

- Et toi, tu fais quoi ?

- Euh… je me promène, je mange et je dors. Je n’ai rien de mieux à faire.

- Tu as envie d’être dirigeante ?

- Non, raillé-je.

Hyujin baisse les yeux et hoche la tête.

- Je pensais que tu aurais voulu l’être.

Je secoue négativement la tête. Comment a-t’il pu penser ça ? Je déteste l’idée d’être l’héritière du Temple des Cerisiers et de ne pas pouvoir être avec Hyujin.

Il ne parle plus et fixe le sol avec concentration. Je décide de relancer la conversation :

- Tu voulais me voir ? Enfin, comme tu es venu et que…

- Ah, oui. En fait, je devais te demander quelque chose. Mais…

Il ne finit pas sa phrase.

- Mais ? Tu devais me demander quoi ?

- Rien d’important, laisse-tomber.

- Mais si, maintenant, je veux savoir. Tu n’es quand même pas venu jusqu’ici juste pour savoir si je voulais être dirigeante ?

- Si. Enfin, non… Mais… oui et non.

Je fronce les sourcils.

- Oui ou non ?

- Non. Mais comme tu ne veux pas être dirigeante… mon autre question n’est plus… utile.

J’opine du chef et dirige mon regard vers les arbres.

- Simple curiosité… C’était quoi, ton autre question ?

Hyujin lève ses yeux vers moi et hésite avant de dire :

- En fait… tu… enfin… je… je me demandais si… si tu… si tu voulais bien que… enfin… si tu voulais bien m’épouser… répond-il tout bas.

J’éclate de rire puis reprends mon sérieux. Il rougit et détourne le regard.

- Je suis sérieux, marmonne-t’il.

Mon coeur fait un raté avant de s’accélérer. Le rouge me monte rapidement aux joues et je mords ma lèvre. Est-ce que c’est pour ça qu’il m’a demandé si je voulais diriger ? Gênée, je me mets à jouer avec mes ongles et le pan de ma jupe. Est-ce que je peux dire oui ? Ou alors, ça aurait trop de conséquences négatives sur les deux cités ? Et surtout, que se passera-t’il si l’on se marie ? Est-ce qu’on réunira la cité du Lotus et la cité des Cerisiers ?

Je croise rapidement son regard avant de baisser les yeux. En fait… je me fiche des conséquences. Mon père m’a dit d’épouser qui je veux, et j’ai choisi Hyujin.

- Euh… en fait… oui, balbutié-je, mes yeux ne quittant pas le sol.

Quand j’ose le regarder, je peux voir qu’il est encore plus rouge qu’avant. Je réprime un petit rire et lui souris timidement.

Hyujin se penche pour m’embrasser puis se décale.

- On se voit dans deux jours, alors.

Il tourne les talons, suivi de près par ses gardes, me laissant seule et complètement perdue. Je le fixe disparaître avant de prendre une grande inspiration.

Je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie.

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