Se connaître
Nous déménageons peu de temps après. Louis a fait réaliser les très gros travaux, ceux qu'ont ne peut pas apprendre sur Youtube. Nous ferons les détails. Sur cette planque, nous devrons utiliser un minimum la magie pour pourvoir y rester. Mes amis en ont marre de déménager tous les six mois. Ils aimeraient se poser un peu, pouvoir avoir enfin une routine et un quotidien.
Alors que je tente de toucher le fin dôme lumineux que je perçois autour de notre nouvelle demeure, Arthur m'explique que les sorts de dissimulation peuvent être lancés sur des bouts de territoires. Pour cacher une maison par exemple. Cependant, ces protections sont très fragiles et nécessitent un savoir-faire et une puissance assez importante. Pour être efficace, le lieu doit être inconnu du maximum de gens, car quiconque connaît le lieu, pourra traverser le dôme.
C'est ainsi, ayant vu dans mes rêves leurs précédentes cachettes, je pouvais y entrer à leur insu. J'avais une sorte de clé d'accès mental, les rendant fous à chaque fois. Arthur me détaille les forces et les faiblesses de ce genre de champ de déformation de réalité. Notre groupe fait un enchevêtrements de sorts. Les six plus anciens, Louis et Marie, Arthur et Isabelle, Gontran et Inès, mêlent leurs magies et leurs puissances pour parvenir à un résultat qui fonctionne pas trop mal. Je suis leur seul échec.
Avant de pénétrer définitivement dans ce lieu, Inès me demande si j'accepte qu'elle me lance un enchantement afin de masquer mon « odeur humaine », c'est d'ailleurs ainsi que leurs précédentes planques avaient été trouvées. Des sorciers m'avaient repéré et me suivaient, les guidant jusqu'au groupe lorsque je cherchais Léa. Si je perçois les auras de magie, les magiciens et sorciers sentent mon odeur différemment de celle des êtres pourvus de magie.
Je m'excuse aussitôt en apprenant cela, mon intention n'était pas de les mettre en danger. L'immeuble a pu rester dissimulé plus longtemps que les autres planques puisque cette fois-ci, j'avais été plus prudente et qu'aucun sorcier ne m'avait filait aux fesses avant mon arrivée comme les fois précédentes. De plus, le bâtiment étant situé dans une ville grouillant d'humains, ma flagrance était noyée parmi celle de mes compatriotes sans pouvoirs.
Inès a nettoyé mon odeur dans la rue le soir même et comme je ne sortais plus, je ne pouvais plus indiquer leur position. Le parfum, dont Léa m'avait aspergée avant ma première sortie, avait le même but de tromperie olfactive, mais un enchantement serait bien plus efficace et plus sûr. Alors j'accepte et Inès lève la main en direction de ma tête. Ça chatouille un peu, mais c'est très supportable et je suis entourée moi aussi d'un halo lumineux dans les tons verts.
Je prends conscience doucement de l'énorme danger que je leur fais courir et combien ils sont tolérants à mon égard. On pourrait presque parler de racisme antihumain chez les magiciens et sorciers, mais ce groupe est différent, plus ouvert et plus respectueux. Dans un autre groupe, on m'aurait tué sans acceptation de mon lien avec Léa, et ce, dès la première rencontre. Les magiciens haïssent les humains pour les crimes de leurs ancêtres comme certaines communautés noires extrêmes reprochent les crimes de l'esclavagisme aux blancs d'aujourd'hui. Louis et sa bande sont des gens bien et intelligents, je les apprécie davantage chaque jour même si j'ai une petite préférence pour Arthur, le plus indulgent à mes bêtises.
Nos quatre anciens vont à l'encontre des recommandations des autres vieillards en me tolérant parmi eux. J'ai vraiment beaucoup de chance et je fais mon maximum pour leur être utile et agréable, même si cela implique de me mordre la lèvre à sang pour ne pas répondre à Mushu parfois. Léa est impressionnée par le self-control dont je fais preuve, elle qui ressent mes émotions et entend mes injures mentales. Isabelle a tenté de m'enseigner le yoga et la méditation sans succès. Le plus efficace reste le punching-ball avec une photo de Mushu.
Je fais toujours rire mes camarades quand ils me voient investir une pièce en traînant mon défouloir. Ils organisent même des concours entre eux et des paris pour savoir qui de moi ou Mushu sera le premier à craquer et au bout de combien de temps. Léa évidement est hors concours. Arthur fait assez juste. Sauf quand j'ai connaissance de leurs paris et truque les résultats juste pour leur casser les pieds.
Je me rappelle la fois où j'ai surpris , ou devrais je dire espionner, les garçons qui blaguaient Mushu. Celui ci a alors juré qu'il se tiendrait tranquille durant une semaine et qu'il me ferait criser chaque jour. Manque de bol, comme je les ai entendu, j'ai été d'un zen incroyable face aux piques de Mushu tout en lui cassant les pieds au maximum en lui fournissant des plats trop salés ou contenant des mélanges douteux beurre de cacahuètes / jambon. Trois jours plus tard, on a perdu tout les deux en faisant surprendre en train de se taper dessus en pleine nuit dans la salle de combat. Exaequo du manque de contrôle.
Notre quotidien s'organise plutôt bien et les quelques sorties que j'effectue n'entraînent pas de problèmes. Léa a essayé de sortir une fois, mais dès qu'elle se retrouve en présence d'autres personnes que le groupe, elle est submergée d'émotions, perd le contrôle et s'évanouit. Mes facultés d'humaines rendent bien des services à mes amis et les aident à mieux se dissimuler dans la foule. Je deviens un atout camouflage. Comme aucun magicien ou sorcier ne me détecte, mes amis passent encore plus inaperçus parmi les humains grâce à moi.
Un jour, un ami d'Arthur vient nous rendre visite, c'est un supplice pour Léa. Je suis en ville avec Louis et je perçois sa douleur. Je saisis la main de mon vieil ami et lui broie. Je lui murmure que Léa ne va pas bien et que je dois rentrer tout de suite. J'ai l'impression qu'elle est en danger. Louis m'écoute et me croit sur paroles bien que une communication sur cette distance lui parait invraisemblable.
Nous rentrons à toute vitesse et une chose incroyable se produit au moment où je la prends dans mes bras. Je sens sa peine, elle parvient à m'envoyer les émotions qui la traversent, son pouvoir d'empathie. Léa me transmet son don pour que je le partage et l'aide à tenir. Je suis capable de gérer tout un tas d'émotions. J'encaisse la déferlante de pensées sans broncher.
Quand je prends la main de Gaëtan pour entourer de câlins ma sœurette, il parvient aussi à soulager Léa qui ne s'évanouit pas pour une fois, pour la première fois. Elle viens d'apprendre à transmettre des émotions, elle n'est plus submergée et peut se délester sur des personnes de confiance. Au bout de quelques minutes, elle n'a plus besoin de contact physique pour nous envoyer son trop plein. J'en profite pour aller voir "l'ami".
Le magicien en question est quelqu'un de gentil en apparence et tellement plein de bons sentiments en façade que ça en est écœurant. Ignorant que grâce à Léa, je ressens les émotions qu'il peut avoir, il me fait un discours très chaleureux sur ma merveilleuse amitié et mes incroyables talents culinaires, tout en étant dégoûté par mon statut d'humaine.
Face à mes remarques sarcastiques, et pour éviter que je ne mette une baffe au type devant tout le monde, Léa pose sa main sur celle d'Arthur pour qu'il puisse comprendre le sens caché de mes remarques acerbes. Arthur se choque de sentir le fond de la pensée de son ami ainsi que son profond mépris pour les sorciers de moins de deux cent cinquante ans. Cet ami ne revient plus dans notre planque, Arthur s'excuse mille fois pour cette visite désagréable, mais personne ne lui en veut tellement il est bienveillant avec chacun de nous. L'utilité du don de Léa fait l'unanimité.
Pouvant assurer un lien entre la planque et les gens en extérieur via Léa, je suis de plus en plus autorisée à sortir avec l'un ou l'autre de mes compagnons. Aujourd'hui, exceptionnellement, Louis ne m'accompagne pas, car nous faisons une sortie entre filles, les garçons étant partis de leur côté. Au programme, shopping, esthéticienne et petit resto. Mes amies sont si jolies que nous avons le malheur de nous faire suivre par deux lourdauds, aux remarques graveleuses.
Nous n'avons pas peur, ce ne sont que deux humains éméchés et guère développés intellectuellement. Ils sont particulièrement casse-pieds alors qu'ils nous lâchent un peu la grappe, je leur file le numéro spécial lourdaud d'une grande radio nationale. Ils s'en vont tout contents, persuadé d'avoir obtenu le 06 d'une fille. Ils déchanteront dans quelques jours quand leurs voix seront diffusées sur les ondes à une heure de grande écoute.
Sur la Grand-place, il y a l'élection du plus beau mec de la ville, une sorte de version provinciale de Mister France. Forcément, nous admirons le spectacle lors du défilé en maillot de bain et je ne peux m'empêcher de prendre des photos compromettantes pour faire chanter les filles plus tard. Toute occasion est bonne pour être une chipie.
Puis lors du défilé, nous repérons le sosie de Mushu avec des yeux bleus, et là, nous devenons de vraies gamines. Les filles se mettent en tête de le faire gagner absolument, et ce, malgré mon opposition totale. Je me choisis un autre candidat et nous parions des corvées pour corser l'enjeu. Je crois que le but des filles est de redonner confiance en lui à Mushu.
Léa prend des photos et fait des mini films pour les montrer aux garçons plus tard. Les voilà qui crient comme des folles pour inciter le public à voter en sa faveur, mais je ne vais pas me laisser faire ainsi. Elles parviennent à le faire arriver dans le top dix des finalistes. Il faut dire qu'il est assez agréable à regarder.
Au moment où les candidats sont interrogés, j'entre en action. Je fais un scandale au moment de son discours pour attirer l'attention, je le traite de goujat sortant avec plusieurs filles en même temps et qui a abandonné ma sœur enceinte qui maintenant se prépare à une vie de mère célibataire de moins de vingt ans. Bref, je ruine sa crédibilité alors que le pauvre type ne m'a jamais vu de sa vie.
Léa tente de m'empêcher d'éliminer son chouchou en me faisant passer pour une comédienne et redore l'image du jeune homme, mais le soupçon est là, il se fait éliminer au passage du top cinq. Maintenant, il faut que mon candidat gagne pour avoir une victoire écrasante.
C'est le public qui va voter à bulletin secret durant la soirée. Je repère les bulletins pour mon protégé et en prétextant une pause pipi, je subtilise l'urne de vote et remplace tous les bulletins par ceux pour mon protégé. Il gagne avec cent vingt-six voix contre seulement douze pour le dauphin, cinq pour le troisième, deux pour la quatrième et le cinquième. Léa perçoit ma tricherie. Elle me dénonce aux filles.
De retour à la, maison, je crie ma victoire avec tellement de jubilation et les filles hurlent si fort au complot, que les mecs viennent aux nouvelles et doivent nous départager. Léa montre les preuves emmagasinées dans son téléphone. Elle raconte l'histoire à sa manière, et moi à la mienne. Nous nous chamaillons, rendant la vérité difficile à cerner.
Quand les garçons apprennent mon mini scandale et ma tromperie aux bulletins, ils réagissent différemment. Louis et Gontran se frappent le front, désespérés et tentent de me gronder pour mes mauvaises actions. Arthur et Gaëtan sont hilares et me félicitent pour mon esprit de compétition à toute épreuve. Mushu me traite de sale peste non pas pour avoir fait perdre un candidat qui lui ressemble, mais pour l'esprit, particulièrement retord, dont j'ai fait preuve pour arriver à mes fins. C'est lui qui départage au final et mon manque de bagarre à la loyale me vaut cinq jours de corvées.
Je me vengerais. Il faut que je trouve un moyen pour faire payer à Mushu son vote décisionnaire. Son célibat va m'aider. Je planque la télécommande de la télé et à chaque fois qu'il entre dans la pièce, je mets en douce la chaîne porno pour faire croire qu'il a les hormones qui travaillent. Quand je sors, j'achète des play-boys et je les dissimule dans sa chambre dès qu'il sort de manière à ce que les garçons les trouvent quand ils rentreront dans la pièce. J'enregistre des bruits suspects et les diffuse dans le couloir quand Mushu est seul dans sa chambre.
Mon petit jeu dure deux bonnes semaines avant qu'Arthur ne comprenne ma blague et me botte les fesses en riant. Il me fait avouer toutes mes bêtises au groupe qui a plus envie de rire que de me gronder. Même Mushu se marre de ce petit jeu puéril.
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