Histoire magique
Ps: à mes chers lecteurs anonymes : Merci.
Après une bonne nuit de sommeil, je me sens mieux. C'est étrange. Mushu me tape sur les nerfs mais quand je suis avec lui, j'ai l'impression de reprendre des forces comme jamais. Cette nuit, je n'ai fait aucun cauchemar. Comme si Mushu m'en avait protégé. J'ai un sentiment étrange. La personne qui m'attaque semble avoir du mal à m'atteindre quand Léa ou Mushu est dans les parages. Si je comprends que Léa, ma sœur de cœur, et ayant un don pour sentir les émotions, puisse me protéger d'attaques visant à me brouiller l'esprit, en revanche, je ne saisis pas pourquoi le feu follet bloque lui aussi les mauvais sorts.
Mes amis dorment tous les uns après les autres dans ma chambre malgré mes protestations. Les seules fois où je ne fais pas de cauchemars sont quand je dors avec ma sœur ou l'autre affreux. Cependant, lorsque Léa dort avec moi, c'est elle qui fait des cauchemars, bien qu'ils ne soient pas aussi violents que les miens. Je fais tout pour cacher l'effet somnifère du feu follet mais très vite, mes amis le comprennent et il est décidé à mon grand regret que je devrais partager ma couette avec M. Grincheux tous les soirs. Nous nous disputons comme du poisson pourri toute la journée, et la nuit, nous dormons paisiblement l'un à coté de l'autre.
Je potasse les livres d'histoire de la magie à la recherche d'éléments sur ce monde inconnu et en particulier d'infos utiles sur les sorciers. Je me dis que peut être je comprendrais mieux ce qui m'arrive en effectuant des recherches. La chose qui m'intrigue le plus depuis que je suis arrivée, c'est le couple bizarre formé par Lisbeth et son époux. Je me renseigne donc sur les méthodes pour trouver son destiné et surtout si les erreurs sont possibles.
À l'époque, il y a mille six cents ans, les magiciens étaient au courant pour les taches similaires des destinés, mais pas pour leurs dates de naissance identiques. Or, la date des cinq plus vieux magicien / sorciers n'est évoquée nulle part. Les registres des naissances ayant étrangement brûlé à la même époque où Matthieu, Erwan et Eulalie devenaient de puissants sorciers tout comme Lisbeth. Je ne peux donc pas savoir si Eulalie a un lien privilégié avec les deux sorciers. Une des théories de leur passage à la magie noire est que les trois n'ont pas trouvé leurs destinés et que le manque d'amour ait ruiné leurs cœurs.
L'époux de Lisbeth n'a accompli aucun acte héroïque, aucun acte de magie puissante ou ne s'est pas démarqué depuis ce temps. Il est né au printemps. La seule information intéressante trouvée est son ascendance dite royale ce qui fait qu'aujourd'hui, il est le roi. À l'époque de l'enfance de nos cinq dinosaures, il était le meilleur parti possible, un magicien que toutes les filles voulaient pour époux, comme le prince charmant des contes de fées. Erwan et Lisbeth étaient des nobles alors que Matthieu ou Eulalie ne sont évoqués nulle part. Ils devaient être du peuple. C'est tout ce que je sais.
En revanche, les récits des exploits de Lisbeth foisonnent et encensent cette magicienne. Elle a sauvé des enfants magiciens, s'est battue contre des dragons pervertis par Matthieu. Sa puissance est telle qu'elle dissimule toute seule cette forteresse et plusieurs lieux refuges aux yeux des humains et surtout des sorciers. Lisbeth aurait réussi à ramener dans le droit chemin de très nombreux sorciers débutants en effaçant de leurs mémoires les actes atroces qu'ils ont été forcés à commettre ou subir et qui avaient noirci leurs âmes. Elle seule semble en capacité de tenir tête à Erwan et Matthieu. Elle est l'espoir des magiciens, leur Élue qui les sauvera tous et qu'ils suivent sans réfléchir.
Lisbeth me parait trop merveilleuse pour être vraie. Ma piste doit être poursuivie. Je m'incruste le plus possible auprès de Lisbeth qui ne peut pas me supporter, adorant cette impression d'être une chieuse dont on ne peut se débarrasser. Je joue l'admiratrice éperdue pour satisfaire son ego démesuré, espionnant le maximum de discussions possibles. Après deux mois d'efforts, je suis dans une situation favorable. J'obtiens en quelques jours un grand nombre d'informations utiles.
En raison de son lien de sang, Lisbeth parvient à suivre le flux magique d'Erwan de manière imparfaite et bien qu'elle arrive toujours trop tard, elle se rapproche de plus en plus vite de lui quand il active ses dons et elle espère arriver très prochainement à temps pour l'empêcher de tuer ou du moins essayer de se battre contre lui. Lors de notre piège, Lisbeth est parvenue sur les lieux à peine deux minutes après l'apparition de son frère. Elle est arrivée pile au moment où Inès disparaissait et aurait permis sa fuite en s'interposant. De rage, son frère aurait assassiné le sorcier avant de s'éclipser à son tour pour ne pas subir le courroux de Lisbeth.
Collant aussi aux bastes d'autres anciens, j'apprends que mis à part les cinq dinosaures, les plus anciens sorciers ou magiciens ont seulement neuf cent ans, soit au moment où la purge effectuée par les humains se termina. J'apprends également qu'à la fin de cette période, la guerre magiciens/sorciers éclata vraiment. Il y avait bien quelques conflits auparavant, mais c'est à ce moment-là, quand les humains cessèrent de les chercher que les sorciers et magiciens s'entre-tuèrent sans merci durant cinquante longues années, il ne resta que des sorciers/magiciens de moins de quinze ans, sauf évidement les cinq dinosaures.
Toutes les informations antérieures à cette période ont été perdues ou sont très succinctes. Bien que l'écriture existait déjà, de nombreux ouvrages ont brûlés ou ont été détruits par la guerre qui décima la population magique déjà affaiblie par les humains. L'histoire de la magie n'est connue que par le récit fait par Lisbeth et son époux. Les seuls en capacité de les contredire sont trois sorciers que personne ne veut croiser sur son chemin. Je me mets à penser que les écrits sont peut être qu'une vaste tissu de mensonges sans personne pour rétablir la vérité.
A la fin de la grande guerre, Lisbeth et son époux recueillirent tous les enfants pour les protéger des trois sorciers et enchantèrent des humaines pour les soins aux plus jeunes, Lisbeth et son époux n'ayant guère la fibre maternelle. Lorsque les enfants devinrent grands, ils eurent leurs propres enfants et l'espèce magicienne survécut. Régulièrement, des magiciens devenaient sorciers après avoir été pervertis par l'un des trois sorciers.
Une rumeur prétend même que les sorciers augmentent leur nombre en forçant leurs jeunes recrues encore capables de l'acte de procréation à se reproduire. L'union de deux sorciers donnant un enfant au cœur noir si on en croît le récit de vieux fous ou de jeunes magiciennes qui ont été capturées, torturées et violées, mais qui ont été secourues par Lisbeth. J'analyse mieux les raisons qui la font passer pour une quasi-déesse. Aucun écrit ne parle de ses défauts ou de ses échecs. Tous la glorifient un peu trop pour être honnête à mes yeux.
Je colle encore plus aux basques de la magicienne héroïque pour trouver les failles dans sa carapace de femme parfaite. Je veux des preuves de ses mensonges. Une magicienne de la cour de Lisbeth est enceinte jusqu'aux yeux et se plaint de la chaleur qui la fait souffrir atrocement. Lisbeth se laisse aller à quelques confidences sur la grossesse de sa mère. Confidences ayant surtout pour but de faire comprendre à sa servante de cesser de se plaindre pour si peu. L'important n'est pour une fois pas le ton sarcastique et hautain de cette prétentieuse de Lisbeth, l'important est le moment où sa mère, enceinte de jumeaux (Lisbeth et Erwan), souffrait elle aussi de la chaleur estivale avant son accouchement en automne. Erwan et Lisbeth sont donc jumeaux. Cela n'était écrit nulle part.
Lisbeth devient presque sentimentale en parlant de sa mère, une femme d'un tempérament et d'une force de caractère impressionnante. On sent que c'est son modèle. La mère de Lisbeth osa, à une époque où les femmes étaient considérées comme du bétail, prendre les armes dans plusieurs grandes guerres et quand son mari mourut, elle régenta ses terres comme un homme, allant jusqu'à épouser puis ôter la vie de l'assassin de son époux pour faire justice et pour s'emparer des propriétés de ce sorcier.
Lisbeth utilise des termes élogieux envers sa génitrice, cependant, elle fait très attention, trop attention de ne donner aucun nom sur son père, l'assassin ou le prénom de sa mère. Même sa contrée de naissance reste floue. Lisbeth ne fournit aucun détail que je pourrais recouper avec les récits historiques. Si je l'interroge sur son frère et son meilleur ami Matthieu, elle reste évasive, n'expliquant pas ce qui faisait l'amitié des deux garçons. Elle cache clairement des choses et j'ai beau poser mes questions de mille manières différentes, Lisbeth est une pro de la dissimulation de passé et je n'obtiens que très peu d'informations.
Durant cette discussion, je découvre que Lisbeth et son époux ne voulurent jamais d'enfants. Ils étaient trop occupés avec leurs affaires d'état et la guerre pour se préoccuper de ce genre de choses. Les yeux de la magicienne ancestrale brillent d'un immense dégoût en évoquant la simple vision d'un enfant, puis elle tourne ses yeux vers moi et je comprends qu'elle éprouve à mon égard et celui des humains le même sentiment d'horreur. Ce qui me glace le sang est la phrase qu'elle énonce avant de quitter l'assemblée pour une réunion importante:
- Pour l'instant, à cause de cette fichue guerre, nous sommes trop peu, mais un jour viendra où notre espèce aura les moyens de mettre au pas tous ces cloportes d'humains et où nous les chasserons comme ils nous ont chassés.
Lisbeth vient clairement de me dire qu'elle se prépare à exterminer les humains comme moi dès que l'occasion se présentera. Je m'étonnais d'avoir une si grande liberté pour effectuer mes recherches quand je comprends que Lisbeth fait des entraînements avec Léa et Marie pour les perfectionner. Elle me surveille à travers le lien si particulier entre Coccola et moi, prête à m'effacer la mémoire le jour où je fouinerais trop.
À chaque fois qu'elle pénètre l'esprit d'une de mes amies, je frissonne, glacée. Je ressens ses tentatives contre moi à travers mes amies et chaque souvenir qu'elle perçoit, je le vois aussi. Ses intrusions me frigorifient sans raison. J'ai l'intuition que c'est elle qui m'envoie les cauchemars, cependant, je ne comprends pas comment elle pourrait avoir accès à ce genre d'informations ni comment elle pourrait me les envoyer. Jamais de don de contrôle d'un autre esprit n'a été découvert. Même Léa ne pourrait pas faire ce genre de choses quand elle sera à pleine puissance.
Lisbeth tente de pénétrer mon esprit un soir où je médite seule dehors. Enfin, je crois que c'est elle. Je n'ai aucune preuve évidemment, c'est juste un pressentiment. J'ai un énorme mal de tête. Je ressens une colère inexplicable. Je vois des bouts de mon passé, ceux que Lisbeth a trouvé dans la tête de Léa, me parvenir déformés et douloureux. J'ai du mal à respirer, je suis à quatre pattes et j'avance péniblement. Mes ongles s'enfoncent dans le sol pour m'aider à bouger. La douleur mentale est insupportable.
Je dois mon secours à un réflexe de survie qui me fait plonger dans de l'eau glacée, l'approche de la mort stoppant net la tentative d'intrusion mentale. Cette folie, quasiment du suicide, me vaut d'être secourue et réchauffée par un Mushu enflammé qui n'hésite pas une seconde à se jeter sous la glace tel un super-héros. Dès que je reviens à moi, il me passe un méga savon à peine mes yeux s'ouvrent. J'esquive le sermon en prétendant avoir été contrôlée par une force invisible, ressortant le spectre du loup dans la bergerie afin d'éluder les questions.
Toutefois, le froid m'a donné la force de lutter contre mon agresseur, que ce soit Lisbeth ou quelqu'un d'autre. Je me sentais reprendre le contrôle de mon corps au fur et à mesure que ma peau devenait bleue et froide. J'ai clairement vu une boule de feu nager vers moi et à l'instant où ses doigts ont touché les miens, j'ai senti une bulle de protection se former autour de moi et réduire à néant les dernières tentatives d'intrusions mentales. La chaleur qui m'envahit juste après me fit fermer les yeux de bien-être et de sentiment de sécurité. Tandis que le feu follet me gronde comme une enfant, ses flammes me redonnent chaleur et force et je me sens pleine de vie, comme après une bonne nuit de sommeil, malgré l'attaque que je viens de subir.
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