Les dernières pièces du puzzle m'apparurent au moment où Eulalie puis Lisbeth utilisèrent leurs pouvoirs sur moi. Elles comblèrent les dernières lacunes et me remplirent de magie. J'ai en moi les pleins pouvoirs de cinq sorciers de mille six cents ans ainsi que ceux de plusieurs de neuf cents ans. Aucune attaque ne peut me blesser et je suis en mesure de tuer tout le monde sauf deux personnes. Je suis de sang royal, la dernière descendante de sang royal. La fille de Matthieu.

À l'énoncé de ces mots, Louis, Marie, Arthur, Isabelle, Inès, Gontran et Gaëtan mettent un genou à terre et s'inclinent. Devant leurs gestes d'allégeance, une grande partie des sorciers et des magiciens se prosternent alors selon leur fichu code de royauté. Ils me proclament Reine. Je souris d'un air machiavélique et demande aux magiciens et sorciers encore debout de s'agenouiller devant leur Reine. Tous le font mis à part Léa et Mushu.

Ma douce amie sourit à ma révélation et comprend qui sont les deux que je ne peux tuer. Depuis le début de mon récit, elle me tient la main et reste droite en face de moi, écoutant mes paroles les yeux dans les yeux. Cependant, elle ne croit pas une seconde à mes histoires de sang et préfère penser que c'est l'amour qui m'empêche de faire du mal aux deux exceptions que j'ai cité. Cette chipie se fiche de moi mentalement et nous nous disputons silencieusement en nous regardant avec un grand sourire. À la plus grande surprise de l'assistance, elle éclate de son rire enfantin et se met à danser tout en me tenant la main.

- Tu peux crever la gueule ouverte, je me prosternerais jamais devant quelqu'un et sûrement pas toi petite peste, me murmure Mushu qui se rapproche en souriant.

- Je le savais. Je le savais. T'es dans la merde Choupette. Se réjouit Léa.

- Ce que tu peux être fleur bleue chérie. Tu te trompes. Vous êtes de mon sang. Rien à voir avec ce que tu penses, luis dis-je.

- N'oublie pas que je lis dans tes pensées et sans utiliser mon pouvoir bécasse, me répond t'elle d'un air insolent.

Mickaël réalise enfin l'objet de notre dispute et se met à rire aussi. Nos amis pigent instantanément eux aussi et se mordent les lèvres, mais pas le reste de l'assemblée qui ne comprend rien à notre charabia de gamines. 

Tandis que je continue de me disputer avec Léa, Louis tente d'expliquer la situation aux autres qui sont totalement perdus. Ils assistent à la chamaillerie de deux enfants turbulents. Léa est ma sœur, de cœur certes, mais ma sœur. La magie empêche de blesser ou tuer ses frères et sœurs. Léa pense que Mickaël est mon destiné, ce qui expliquerait mon incapacité à lui faire mal, mais moi, je soutiens que la magie considère Mickaël comme mon frère.

- Je n'ai toujours pas de marque. Je n'ai pas de destiné, espèce de rêveuse. Regarde mon look. Tu le trouves romantique ? En plus, c'est mon cousin, bonjour l'inceste, fais-je d'une air dégouté.

- Arrêtes Morticia. Tu vas me faire pleurer si tu continues. C'est la coutume dans les familles royales de se marier entre cousins pour préserver la pureté du sang. En plus, saleté que tu es, tu utilises sûrement un sort de dissimulation, me dit Léa en tirant la langue.

- Non, mais je rêve. Tu crois que j'ai que ça à faire ? d'un air offusqué je lui réponds.

Je vois Mushu qui s'avance en riant du coin de l'œil, mais je ne lui prête aucune attention, trop occupé à chercher des noises à Léa. Je sens soudainement une brûlure sur ma poitrine, pas douloureuse, mais chaude, très chaude. Le feu follet s'enfuit en courant et je regarde mon décolleté. Cet abruti a modelé un morceau de métal et m'a brûlé au fer rouge. Une étoile.

- Je rêve. Il m'a marqué comme du bétail. Non, mais sérieux ! Je crie de fureur.

Je me transforme en glaçon géant et je fonce sur lui. Une tempête de feu bleu et de glace noire s'abat sur l'assistance. Je suis en colère et je lui envoie tous les sorts que j'ai en réserve. Ni la glace, ni les éclairs, ni l'eau, ni les couteaux n'arrivent à l'atteindre et à l'affaiblir. J'attrape son bras et tente d'absorber ses pouvoirs, mais jamais ne l'épuise. Au contraire, plus j'essaye de lui piquer sa force, plus il devient puissant. Plus j'essaye de le congeler vivant, plus il me réchauffe la peau et les sens. Exaspérée, je l'envoie voltiger dans les airs et retourne voir Léa.

- N'empêche, tu n'effaces pas la marque alors que tu pourrais te guérir. J'ai raison, allez, avoue Choupette, sautille Léa.

- Tu fèches Coccola. C'est juste que notre lien de sang fait que nos pouvoirs ne peuvent rien l'un contre l'autre et se renforcent mutuellement. Noble Louis, auriez-vous la gentillesse de vous relever et de venir botter les fesses de ces deux idiots en tant que Premier Conseiller de la reine ? Dis-je de mon ton le plus prétentieux.

Louis se redresse avec un sourire aux lèvres. Ce n'est pas le poste important qui le réjouit autant, mais la pointe de gaminerie sous-jacente. Il sent que malgré mon apparence, je reste le sale gosse qu'il connaît si bien. Il s'approche de Léa hilare qui ne se débat pas et rejoint son Gaëtan d'amour en riant. Mes amis se relèvent, les autres restent agenouillés de peur.

- Premier ordre royal. Dame Inès et Seigneur Gontran, je vous commande de concevoir incessamment sous peu une héritière qui sera la destinée de mon crétin de cousin, je continue de mon ton prétentieux.

- Alors ça non. C'est hors de question. Si Sa Majesté croît que je ne sais pas que sa demande est uniquement motivée par l'envie d'appeler le premier Conseiller Louis Papy, elle se trompe lourdement, ricane Arthur.

- Rhoo soit pas jaloux Seigneur Arthur, je te nomme..... Conseiller en charge de la santé na !

- Pratique vu son pouvoir, mais je ne sais pas pourquoi j'ai l'impression que l'assemblée des conseillers de la reine risque d'être assez hétéroclite, sourit Louis.

- Puisque vous êtes si malin, Premier Conseiller, nommez vous-même un autre membre du gouvernement.

- J'hésite entre nommer Mickaël Conseiller en charge des caprices royaux ou bien Marie Conseillère en charge de la relance de la natalité, me susurre Louis.

- Mushu n'a pas les épaules pour une si lourde charge, mon cher Louis. Je prends l'option numéro deux. En plus, je veux un conseil mixte respectant la parité. Dames Inès et Isabelle qui qui veut être conseillère ? Allez, je prends les deux. On verra plus tard leurs fonctions. OHHHH et Gontran, Conseiller en charge des transports, ça serait chouette !

Mes amis sont en pleurs tellement ils rient de bon cœur. Je suis en train de concevoir un gouvernement n'importe comment. Heureusement que Louis est là et mettra un peu de sérieux plus tard. Un vieux sorcier se lève, exaspéré par le ton moqueur de la discussion et lance un sort puissant de pétrification vers mon groupe d'amis. Sort qui rebondit sur un de mes boucliers de protection et lui revient en pleine face tel un boomerang. Je lévite vers lui en prenant mon air le plus sinistre possible et commence à planter un ongle dans son cou pour lui envoyer des petites décharges électriques.

- Stop. Arrête de tuer tes sujets, reine de pacotille. Tu n'auras plus personne à gouverner si tu continues tes conneries, me sort Mushu en m'agrippant par la taille et en m'éloignant du sorcier.

Je résiste, de mauvaise foi, et tente de lui compliquer la tâche le plus possible. Aucun de mes sorts n'agira sur lui et il faut que je trouve un autre moyen pour lui casser les pieds. Je passe mes bras autour de son cou pour qu'il me traîne et formant avec mes mains des glaçons, je les fais glisser le long de son dos avec un grand sourire.

- J'exige une augmentation de salaire, Monsieur le Premier Conseiller. Le bébé que je dois surveiller est particulièrement casse bonbons, crie Mushu à Louis.

- Je n'ai jamais dit que tu serais payé Mickaël. Par contre, je t'offre une assistante si tu veux, mais elle est aussi gamine que Sa Majesté bébé reine, lui réponds calmement Louis.

- YOUPIIIIII une copine pour faire chier Mushu ! LEA Viens me faire un câlin ! Le feu follet, il ne fait rien que m'embêter.

Gaëtan et Mushu, d'un même geste nous emprisonnent moi et Léa dans un de leurs bras et nous obstruent la bouche de leurs mains restantes. Nous nous tortillons de plus belle pour marquer notre désapprobation. Nous tentons de les chatouiller, de leur écraser les pieds, de leur mordiller la main, comme deux parfaits sales gosses que nous sommes.

Pendant ce temps, Louis a trouvé de véritables fonctions pour nos cinq autres amis et m'indique quelques magiciens, mais aussi sorciers à inclure dans mon gouvernement. J'approuve chacune de propositions en levant le pouce. Je n'ai aucune notion de gestion d'État et surtout pas la maturité pour décider de l'avenir de personnes ayant plus de quarante fois mon âge. J'ai une totale confiance en Louis et en mes amis et en plus, je n'ai aucune envie de m'occuper de politique pour le moment.

Un des magiciens âgés de neuf cent ans commence à chipoter et à critiquer les choix de Louis, il refuse de se soumettre à une gamine de vingt ans et d'être dirigé par un jeunot de trois cent cinquante ans. Il pense que son ton précieux et autoritaire va avoir une quelconque influence sur moi. En plus, je le reconnais, c'est celui qui a critiqué l'aspect physique de Mushu, ses cheveux noirs et ses yeux orange d'avant, lors d'un interrogatoire particulièrement raciste et stupide. En le voyant, Mushu desserre son étreinte pour me laisser ouvrir la bouche. Il sent que ma réponse risque de remettre les choses à plat.

- Oh vieux schnock. Je ne te demande pas ton avis. Ce n'est pas une démocratie, mais une dictature royale. Je n'ai pas de temps à perdre pour philosopher sur la maxime de Corneille : « Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années.» Alors je vais vous faire une petite démo.

Je ferme les yeux et tous les magiciens et sorciers plus âgés que Louis, se mettent à suffoquer, à se crisper, à grelotter et à transpirer. Ils utilisent leurs dons pour essayer de sortir de la mini-tempête personnelle que j'ai créée pour chacun d'eux. Quand ils tombent à genoux, dans un geste de soumission, la tempête disparaît, sauf pour le sale raciste où j'attends qu'il tombe dans les pommes.

Ensuite, je lui retire presque tous ses pouvoirs, colore sa peau en jaune fluo, ses cheveux en rose fuchsia et je l'affuble d'un appareil dentaire et de boutons d'acné comme un adolescent. Quand il reprend ses esprits et réalise sa nouvelle apparence, je le condamne à subir ce nouveau look et ce statut de bébé magicien jusqu'à ce qu'il apprenne le respect et la tolérance.

Léa continue de se débattre dans les bras de Gaëtan. J'entends mentalement leurs chamailleries. Gaëtan décide de faire cesser l'enfantillage de Léa et s'empare de sa bouche pour qu'elle cesse de parler et de penser à la bagarre. Alors que je ricane de cet ignoble moyen d'arriver à ses fins, toujours prisonnière moi aussi, je sens Mushu qui sourit dans mon dos et me murmure que je n'ai pas encore effacé mon marquage au fer. Je me dégage d'un coup en devinant ses intentions.

- Essaye seulement de m'embrasser et je t'envoie l'apocalypse sur ta tronche de cake, dis je en menaçant Mushu.

Il n'a pas peur et se rapproche dangereusement. J'utilise le don de Gontran pour me téléporter et celui d'Inès pour me rendre invisible, mais Léa me trahit et bien qu'occupée à laver les amygdales de Gaëtan, elle lui indique de la main dans quelle direction je suis. Cette traîtresse me le paiera. Notre cache-cache prend fin quand Arthur et Louis m'attrapent et m'immobilisent en riant. Mushu me plaque les hanches d'une main contre les siennes et de l'autre agrippe l'arrière de ma tête et se penche vers moi. Je n'ai le temps que de nous entourer d'un nuage de fumée pour cacher ma honte et mon premier baiser. Je me vengerais de tous ces traîtres bientôt.