Chapitre 1: L'annonce de la maladie

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"Merci pour vos retours sur le prélude. voici le chapitre 1, avec tout mon coeur. N'hésitez pas à me dire ce que vous ressentez."

En rentrant ce soir-là, je m’arrêtai devant une boutique de vêtements, sur la rue du quartier de Djorobité. Une robe en vitrine avait tout de suite attiré mon attention. Elle était sobre, d’un bleu nuit, mais séduisante et raffinée. La dame au comptoir me sourit quand elle me vit la dévisager. Elle m’ouvrit la porte avant même que je ne frappe.

— Bienvenue à vous madame…

— Bonsoir…

— Bonsoir madame, vous voulez l’essayer ?

— Je ne pense pas qu’elle m’irait… et (avec un sourire gêné dans le coin des lèvres) je n’aime pas porter de gaine.

— Elle vous ira très bien, et vous n’avez pas besoin de gaine. Essayez-la !

Je lui lançai un regard, comme pour percer le mensonge à travers ses yeux, mais elle avait l’air sûre d’elle. Je me levai du canapé, puis pris la robe qu’elle me tendait. Je rentrai en cabine et l’enfilai. Elle m’allait bien. Étrange…. J’étais dedans comme à mes trente ans, avec un peu plus de rondeur, mais j’adorais. Je sortis de la cabine tout doucement.

— Vous êtes belle !

— Merci !

— C’est à quelle occasion ?

— Notre anniversaire de mariage.

Son regard s’illumina.

— Attendez…

Elle ouvrit un coffre et en sortit des boucles d’oreilles assorties.

— Oh non ! Ça va faire trop…

— Trop pour quoi ? me demanda-t-elle en me tendant les boucles. Trop pour un jour comme celui-ci ? Et vous fêtez combien d’années de mariage ?

— Vingt ans.

Elle écarquilla les yeux.

— Désolée, mais quel âge avez-vous ?

Je souris, presque gênée. Son regard surpris et sincère me troublait.

— J’ai quarante-quatre ans.

Elle s’assit lentement sur le canapé.

— Vous êtes magnifique ! Vous êtes très belle !

— Vous exagérez…

— Vous êtes l’une des plus belles femmes que j’ai vu franchir cette boutique, et je vous le dis. Tous âges confondus. Cette robe n’est même pas à votre hauteur. Attendez.

Elle chercha dans l’armoire. Moi, surprise par ses paroles, je la regardais patiemment. Elle sortit une robe blanche en soie. Elle était tellement belle et éclatante que j’avais du mal à ne pas la toucher, à ne pas la caresser.

— C’est celle-là qu’il vous faut. Faites-vous plaisir.

— C’est trop, dis-je, gênée mais complètement séduite par la robe.

— Essayez-la !

— Non, continuai-je à refuser, sans cesser de la caresser.

— Si vous ne prenez pas cette robe, je prierai pour que jamais vous n’ayez la paix !

Je répondis en riant :

— Pas jusqu’à là !

— Si…

J’essayai la robe, puis je la pris avec une paire de boucles d’oreilles en argent fin.

Une fois à la maison, dans la chambre, je trouvai un mot de Boni : "Trouve-moi à la Claza à vingt heures trente. Je suis allé faire une course." Je souris. Apparemment, cette journée allait être un peu différente des autres.

Flora m’aida à m’habiller et à me maquiller, pendant que les garçons jouaient autour de nous en criant. Une fois prête, je me rendis à la Claza. J’y allais souvent avec Hermine, mon amie et collègue. Elle disait qu’il y avait des hommes fortunés qui fréquentaient cet endroit. Mais le matin, je ne voyais que des gens pressés, trop souriants, qui avaient besoin de se faire remarquer. Bref ! J’y étais.

— Bonsoir Madame ?

Un serveur s’approcha tout de suite.

— Marceline Aka… Bonsoir.

— Attendez deux secondes, je regarde.

Il tenait une tablette dans laquelle étaient notées les réservations. Il leva la tête, fronça les sourcils et me regarda d’un air interrogateur.

— Monsieur Boni Aka ?

— Oui…

Je faillis lui demander pourquoi. Mais son :

— Ah.

…en disait trop pour ne pas semer le doute en moi. Il m’installa ensuite à une table, au centre du restaurant.

— Monsieur a dit qu’il revenait, me dit-il avant de s’éloigner.

Alors, Boni avait réservé lui-même. Je souris.

Un jour, j’avais fait un rêve : dans ce rêve, Boni m’invitait dans un restaurant chic, et au moment de servir la nourriture, il sortait lui-même de la cuisine, habillé en chef, avec les plats à la main. Boni était un très bon cuisinier. Avant qu’on ne se marie, il préparait souvent pour me faire plaisir. Mais dès le premier jour où nous avons emménagé ensemble, et pendant vingt ans de vie commune, il n’avait touché une casserole que pour la pousser dans l’évier, afin de prendre une cuillère.

Et pourtant, j’avais dit à une de mes copines : "Marier un homme qui sait cuisiner, c’est romantique." (Rires) Je n’en avais jamais fait l’expérience.

Le restaurant était beau, tamisé, presque silencieux malgré le monde.
Je regardais autour de moi comme une invitée dans un rêve qui ne m’appartenait pas. J’avais beau essayer d’être légère, quelque chose en moi se serrait. Cette attente... Je n’aimais pas attendre.

Je consultai discrètement l’heure. 20h52.
Boni avait écrit “20h30” sur le mot.
Il avait pourtant réservé, je l’avais entendu. Alors, où était-il ?

Je jouais doucement avec la serviette blanche posée sur mes genoux.
Puis, mon regard glissa sur la robe. Je me trouvais belle, ce soir. Pas par vanité. Mais parce que pour une fois, je m’étais vue. Vraiment vue. Et je m’étais plu.

Un serveur passa, me proposa un cocktail.
— Je vais attendre, merci.
Il repartit avec un sourire poli.

À 21h05, Boni entra. Je le vis à travers la baie vitrée. Il marchait vite, comme s’il avait couru. Il portait sa chemise bleue, celle qu’il mettait rarement. Celle que j’aimais bien.

Il entra, me vit, me fit un petit signe de la main et s’approcha, essoufflé.
— Pardon, j’ai été retenu... Tu es... waouh.
Je souris, juste un peu.
— Tu aimes ?
— J’adore.

Il m’embrassa sur la joue. Une vraie. Pas une de ces bises sèches qu’il lançait parfois à la va-vite. Il semblait nerveux.

— Tu as commandé ?
— Non. Je t’attendais.
— Merci...

Le silence s’installa, un peu trop long. Il tapota ses doigts sur la table, comme à son habitude quand il voulait parler sans savoir par où commencer.
Je le regardais. Il évitait mes yeux.

— Tu vas bien ? lui demandai-je.
Il releva les yeux vers moi, puis regarda autour, cherchant ses mots.

— J’ai été à l’hôpital ce matin, dit-il.
Il ne me regardait toujours pas.
— Pour faire mes examens de routine. Tu sais, ceux que je repousse depuis des mois...
— D’accord... Et alors ?
Je sentis mon cœur se serrer, comme si mon corps savait avant lui.

Il inspira.
— Ils ont trouvé quelque chose.
— Quelque chose ?
— Une masse... dans mon estomac. Ils pensent que c’est un début de cancer.
Le mot était tombé comme une pierre dans un verre de cristal.

Je ne répondis pas tout de suite. Je le regardais. Je regardais cet homme que je connaissais depuis vingt ans. Je scrutais son visage, son front plissé, sa bouche sèche.
Et au fond de ses yeux, j’ai vu quelque chose que je n’avais pas vu depuis longtemps : de la peur.

Il baissa la tête.
— Ils doivent encore faire d’autres examens. J’ai un scanner vendredi. Et peut-être une biopsie.
Je n’arrivais pas à parler.
Je voulais lui dire que ça allait. Que ce n’était rien. Que les médecins se trompent parfois. Mais je n’en avais pas la force.
Alors, j’ai posé ma main sur la sienne. Et j’ai murmuré :
— Je suis là.

A cet instant, il baissa la tête, comme plongé dans une mer de questionnements. Puis, il leva la tête soudainement pour me sourire et dit :

— Tu te souviens de ce rêve… ?

— Quel rêve ? demandai-je, encore sous le choc de la nouvelle qu’il venait de m’annoncer.

— Attends.

Excité subitement, il se leva et se dirigea vers les cuisines du restaurant. Les serveurs me souriaient, comme complices de son acte. Et moi, je gardai les sourcils froncés, errant entre peur, espoir et surprise. Il sortit de la cuisine, vêtu d’une tenue de chef, un chapeau blanc sur la tête et les plats en main. Il s’approcha de notre table, puis posa le premier plat devant moi et le second à sa place.

— Madame, nous allons vous faire déguster notre côtelette de veau à la sauce blanche et aux épices africains.

Il tendit la main et le serveur s’empressa de lui donner une bouteille de vin blanc.

— Celui que tu préfères, chérie… me chuchota-t-il en me fixant droit dans les yeux.

Puis, reprenant son rôle de chef cuisinier :

— Que dis-je, celui que vous préférez, madame.

Il versa un peu de vin dans ma coupe.

— Dégustez !

Ma main tremblait en se dirigeant vers la coupe. Je sentis son sourire vaciller. Il voyait bien que… que je n’étais plus sereine. Je pris le verre, le portais à mes lèvres, le sentis lentement avant de laisser le vin les effleurer. C’était celui-là, celui que j’aimais. Nous l’avions bu le premier jour où nous étions allés en couple en Espagne. Nous l’avions ensuite importé, un temps, puis nous avions arrêté.

Quand je levai les yeux pour le regarder, son regard était plein de souvenirs, plein de mélancolie.

— Chéri… dis-je, qu’est-ce qui se passe ?

Mes yeux se remplirent de larmes. Je les sentais chercher un chemin pour se rendre sur mes joues.

Il posa sa main sur ma joue, puis dit simplement :

— Tu es ma plus belle réussite.

Il retira lentement ses accessoires de cuisinier et s’assit en face de moi. Puis, évitant mon regard, il se mit à manger.

— Joyeux anniversaire de mariage à nous.

"Et si l'amour, le vrai, celui qu'on croyait éteint... pouvait renaître dans la douleur ? 

Dans le prochain chapitre, Marceline redécouvre un homme qu'elle ne reconnaissait plus : Boni. 

Plus tendre. Plus fragile. plus humain. une nuit, un regard, un geste... Et soudain, tout vacille. 

Chapitre 2 - Boni 

A paraître bientôt

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