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En même temps, parfois, je travaille mieux avec un ultimatum. Du coup, je me dis que si je me donne une heure avant d’aller au spa, l’inspiration pourrait se délier d’un coup. J’envoie un message aux filles : « Très sympa. J’avance dans mon chapitre et j’arrive. Donnez-moi une heure. ;-) »
Et ça fonctionne. La perspective d’être empêchée d’écrire me délie les idées. Les mots fusent sur mon petit écran. Ma page se noircit. Je tape au kilomètre sans faire de corrections. On peaufinera les détails après.
Ça fait quarante-cinq minutes que je tapote sur mon clavier et ça paye : j’ai enfin un brouillon de premier chapitre ! Trop contente, je relance la Bialetti en glissant, au passage, mon bikini dans mon sac. Il me reste quelques minutes pour relire mon ébauche en savourant ma victoire et mon breuvage fumant. C’est à ce moment-là qu’on frappe à ma porte et qu’une voix se fait entendre à travers la mince cloison :
- Bonjour ! Vous êtes Caroline, l’amie d’Estelle ? Je suis Richard, votre voisin de gauche.
J’ouvre. Un homme est là, sous un parapluie. Il poursuit :
- Estelle m’a parlé de vous. Elle m’a dit que vous veniez passer quelques jours ici cette semaine. Vous n’avez pas de chance ! Il fait une météo à ne pas mettre un chat dehors !
- Oui. Enfin, ce n’est pas si grave. Je…
- Je suis allé acheter des croissants au village. J’en ai pris pour deux. Ça vous dit ?
Ah non. Si le voisin s’y met aussi, je ne vais jamais arriver à écrire mon bouquin. Les uns au petit-déj, les autres à l’apéro… C’est fou !
- C’est gentil, mais j’ai des copines qui m’attendent. J’allais justement partir.
Le mec a l’air sceptique. Il regarde ma Bialetti fumante. Ses narines frétillent. Il insiste :
- Mais vous avez bien quelques minutes ! Je sens l’odeur du café tout chaud. Vous venez de le préparer ? Vous n’allez tout-de-même pas partir sans l’avoir bu !
Mais de quoi je me mêle !
- Bien sûr que non ! J’allais le verser dans mon thermos pour le boire en chemin.
Ni une, ni deux, je sors ma gourde en métal et y vide celle qui, de ces douces volutes, vient de me trahir. D’un coup sec, je ferme mon laptop, boit ma tasse d’une traite et en route !
- Désolée, ce sera pour une autre fois. J’ai des amies qui m’attendent.
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