66 - Fields of Desire (2/2)
Il me repousse d'un geste sur le lit. Ses mains attrapent fermement mes deux poignets et les plaque contre le matelas. Sa bouche embrasse le creux de mon cou, écrase mes lèvres entrouvertes. Il glisse sa langue sous la mienne, l'enroule dans un baiser qui n'a de fin que la supplication que je laisse échapper. D'instinct, j'agrippe ses hanches et plaque son bas-ventre contre le mien. S'il pense qu'il est le seul à désirer cet instant, il se trompe. Je referme mes jambes autour de lui, ma main remonte d'un geste jusqu'à ses cheveux ; je m'applique à lui rendre son baiser avec autant d'ardeur que celui qu'il m'a servi. Il n'y a plus rien de doux et de mesuré dans mes gestes. Je mords sa lèvre, avale sa langue, cherche à posséder ce qui de lui n'a jamais appartenu à un autre.
Il est à moi.
Dans un soudain désir, mon corps ondule sous le sien, ce qui ne fait que l'exciter davantage.
– Ah bon, tu veux jouer à ça...
Sa voix est teintée d'une légère trace d'humour. Je resserre mes jambes autour de sa taille en guise de réponse. La sienne ne se fait pas attendre ; ses dents se referment sur mon cou, ses doigts s'enfoncent plus profondément en moi. Pendant un instant, je savoure, les yeux clos, les frissons qui me parcourent. Mon corps se relâche et se tend à la fois ; j'inspire fortement, l'odeur de Corentin, son odeur, celle du désir qu'il me porte tandis qu'un coup de rein m'échappe. Corentin riposte en mordant mon téton de plus belle. Il est si dur que je me demande encore comment il parvient à se retenir quand j'ai moi-même du mal. Impatient, j'écarte volontairement un peu plus les jambes. Il n'en fallait pas tant pour le pousser à l'action. Je finis par le sentir contre moi, bandé du plaisir qui l'anime. Il s'enfonce doucement, presque trop fébrile. Mon coeur manque un battement tandis que nos regards se trouvent. C'est le roulement d'une vague qui déferle dans ma poitrine, un raz-de-marrée qui manque de m'asphyxier. La sensation de n'être plus lié à lui que par ce fil qui nous connecte dans ce que nous avons de plus intime. Celle de me fondre en lui, de le sentir en moi dans tout ce qu'il y a de plus beau et de plus douloureux.
Une décharge dans les bas reins me ramène à la réalité. Je grimace. Corentin se fige aussitôt, ce qui a le don de m'agacer.
Je détourne la tête et respire.
– Si tu veux savoir, oui, ça fait mal, mais non, je ne veux pas que tu arrêtes.
Je préfère clarifier les choses d'emblée : je n'ai pas l'intention d'en rester là.
– Tu es sûr ?
– Tu vas finir par me vexer, rembrayé-je. Tu veux vraiment t'arrêter là ?
Je donne un coup de rein et resserre mes jambes pour lui faire comprendre que je ne suis pas d'accord, ce qui me fait gémir d'emblée. De douleur, bien sûr. Corentin fait une drôle de tête. J'enroule mes bras autour de son cou pour lui faire comprendre.
– Ce sera la même chose la prochaine fois, et la fois d'après, susurré-je à son oreille. Donc autant régler ça aujourd'hui.
J'embrasse ses lèvres tremblantes. Il est mignon quand il doute. Il est certain que je ne serais pas rassuré de le savoir en train de souffrir à ma place et c'est bien pour ça que les choses sont parfaites ainsi. C'est pas comme si souffrir m'était étranger, et je préfère de loin cette douleur-là à celle de la solitude qui m'a toujours tenu pour compagnon.
Joignant le geste à la parole, mes mains glissent sur ses fesses qu'elles empoignent. Corentin ne se fait pas prier plus longtemps. Me voir allongé sous lui suffit à attiser ses ardeurs. Ses doigts parcourent amoureusement ma joue tandis qu'il m'admire, un petit sourire satisfait aux lèvres. J'attrape sa bouche entre mes dents, dévore sa langue ainsi que chaque parcelle de chair à ma portée ; j'aime quand son corps recouvre le mien. J'aime deviner ses muscles rouler sous l'effort, sentir sa respiration s'échapper de sa gorge, sentir son souffle glisser sur ma peau. Ses reins ondulent entre mes jambes, se pressent dans un mouvement de va-et-vient qui m'arrache un grognement. Et de grognement de me mets à gémir tandis que des décharges irradient dans mon bas ventre. La chaleur monte, trop agréable. Corentin est si profondément en moi que tout le reste semble ne plus avoir d'importance. C'est le monde qui s'efface, à moins qu'il n'y ait jamais eu de monde. Qu'il n'y ait jamais eu que nous depuis le départ : lui, moi, et cet intense désir qui nous lie. Il se penche à mon oreille, le souffle court. Mes doigts se crispent sur ses bras, je me raccroche à son dos tandis qu'il s'enfonce en moi, qu'il se retire, pour se fondre à nouveau dans ma chair.
– Corentin...
Ma voix résonne bizarrement. Je peine à aligner deux mots, ça ne me ressemble pas. Une vague de plaisir remonte subitement dans ma poitrine, me volant un long râle. Mon corps se tend, mes pieds se crispent. Corentin m'embrasse dans le cou tout en retenant un gémissement. Je ne sais pas pourquoi je pense subitement à ça, mais une phrase me revient : "nulle oeuvre ne se joue parfaitement a cappella". Et soudain, je prends conscience de cette vie entre mes bras, de cette âme que je serre de toutes mes forces, que je désire tant ; il n'y a d'union parfaite que celle de deux cœurs qui s'aiment. Et je m'agrippe si fort à lui que l'air me vient à manquer.
– Corentin, parviens-je à articuler tandis que nos corps s'arquent de concert.
La jouissance envahit chaque parcelle de mon être. Chaque parcelle de son être. Pendant quelques secondes, ni lui ni moi ne laissons échapper un souffle. Il finit par grogner et se laisser retomber, épuisé. Puis tourne la tête vers moi. Son regard me parait alors si profond que si je ne le connaissais pas, je jurerais qu'il fût en train de remettre en cause tous ses choix de vie.
– Tu sais, tu peux rester aussi longtemps que tu le veux... marmonne-t-il.
Ses doigts attrapent les miens. Son silence en dit long. Mon cœur bat encore à cent à l'heure, et j'ai du mal à résister au regard de chien battu qu'il me porte. J'attire son visage au mien et l'embrasse tendrement.
– Même sans ça... je t'aime, murmuré-je.
Sa main passe alors dans mon cou et il m'embrasse doucement sur la joue :
– Si j'avais su qu'il ne suffisait que de ça pour t'entendre prononcer ces mots, jamais je n'aurais attendu aussi longtemps. Moi aussi je t'aime.
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