La proposition

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Appréciant un regain d’assurance, Léo traîne une chaise sur le sol, pour la planter pile devant Malo. Ce dernier, la tronche toujours déglinguée, le regarde s’asseoir, curieux. Il semble ne pas souffrir, ce qui étonne grandement le Distributeur.

Léo croise les jambes, et s’autorise un sourire au moment de reprendre sa conversation :

— Conduisez-moi à l’Élaboratrice. Votre mari s’y refuse obstinément, malgré tous mes moyens de persuasion. Mais, puisque vous la connaissez, le problème est réglé…

— N’en soyez pas aussi certain, le contredit Sol. Il n’est pas dans mon intérêt d’aller contre elle.

— Je croyais qu’il s’agissait d’une amie à vous ?

— « Amie » est un terme très relatif dans ce milieu, Léo. Vous devez bien le savoir, non, vous qui êtes « ami » avec mon mari ?

À cela, Léo ne réprime pas un rire. Ami, il n’est pas censé l’être. Surtout pas maintenant. Mais ami, il l’est peut-être, un peu, au fond. Parce que — et il l’a déjà dit — Malo est un chic type. Un peu déglingué, certes, toujours en vadrouille dans des contrées imaginaires, c’est certain, mais ce n’est pas un méchant. Juste un type quelque peu fracassé. Léo le trouve même amusant, dans toute sa candeur chimique, son engouement pour l’irréel.

Au fond, Léo trouve Malo fascinant.

Un instant, il se demande ce que Malo pense de lui ; ce qu’il peut bien se dire là, maintenant, attaché à sa chaise. Que pense-t-il du fait que son ami — un ami tout frais, certes, un ami vieux de six mois, mais un ami tout de même — l’enlève, le séquestre et le malmène pour atteindre un objectif froid et précis ? Un objectif impersonnel.

— Mais, j’ai l’impression que vous êtes déterminé, Léo.

La voix de Sol arrache l’interpellé à ses réflexions troubles. Le Distributeur ne doit pas se disperser, s’il veut remplir sa mission. Malo, aussi sympathique soit-il, reste un criminel ; et les criminels savent à quel genre de danger ils s’exposent.

— Votre impression est la bonne, Sol, confirme Léo en rajustant sa confiance. Comment procédons-nous ?

— Je vais vous communiquer une adresse. Vous vous y rendrez, avec Malo, et vous y trouverez votre Élaboratrice. Vous aurez alors tout le loisir de déballer vos doléances à ses pieds, et moi je repartirai sans autres tracas avec mon mari. Sommes-nous d’accord ?

Léo réfléchit un instant : c’était un échange, le Synthétiseur contre l’Élaboratrice. C’était sa chance, sa fenêtre, son angle de tir. Alors, arrimant le regard de Malo, il dit :

— Tout à fait d’accord.

— Parfait. Rendez-vous à la Rose des Vents, tour Nord, dixième étage. Vous pouvez venir accompagné.

Sur ce, elle raccroche.

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