Par hasard par passion
Il y a définitivement quelque chose de germanique qui coule en moi. Chevelure blonde, teint très clair, les yeux comme un saphir et cette histoire qui commence très tôt. Ma grand-mère qui partage sa vie avec un monsieur allemand. Un soldat venu de Mannheim, fait prisonnier en France et qui est resté pour rester travailler dans une usine dans la vallée de l'Arve. Il est traducteur, interprète et moi je bois ses paroles. Il est le seul grand-père dans ma vie et je grandis auprès de lui, comme Heidi auprès de son grand-père. Il fait rêver la petite fille que je suis, rentre de trois semaines en Allemagne avec le coffre de l'Opel rempli : chocolat, pain d'épice, Marzipan, des stylos, des produits qu'on ne trouve pas encore en France. A chaque fois, c'est Weihnachtsmann, un papa noël qui écorche mon prénom trop compliqué à prononcer. Il rigole de mes confusions, lui se mélange la langue entre le français et l'allemand, parle français à sa famille et répond en allemand à ma mère, qui le regarde, éberluée.
Il est témoin de mes premiers balbutiements dans la langue de Goethe.
Notre ville se jumelle avec une ville en Allemagne, au sud de Stuttgart, mes parents reçoivent un couple de pompiers, ainsi qu'un monsieur tout seul, également pompier. La barrière de la langue est difficile à franchir mais Pépé Bessler est là et tout va bien, autour d'une raclette ou d'une fondue. Le langage du cœur et de l'amitié est universel.
En Allemagne, un an après, je rencontre une fillette, qui a mon âge. 38 ans après, nous sommes toujours amies, que dis-je. Elle est ma sœur. Nous avons la même tête et nous avons passé notre enfance ensemble, avec un petit dico pour jouer à la poupée et se faire comprendre.
J'ai tant d'amis, d'amies de l'autre côté de la frontière. J'ai cette sensation que l'identité allemande est liée à mon ADN et la généalogie vient de me le trouver. Des collatéraux de mon papa viennent d'outre-rhin, sud de Stuttgart. Filles ou garçons, ils sont venus se marier dans la région où je vis maintenant. Pas étonnant qu'on finisse par me dire que je parle super bien français pour une allemande. Tu m'étonnes, j'adore brouiller les pistes.
Collège, lycée, université, j'ai poursuivi des études d'allemand, j'ai exploré l'histoire, la littérature, la civilisation germanique, cela fait de moi la personne que je suis aujourd'hui.
La musique allemande, ce n'est pas ce à quoi on pense en premier quand on pense à l'Allemagne. D'où ma quête, samedi matin, pour trouver une musique, une mélodie pour le spectacle d'école de fin d'année. Google, barre de recherche, accès à You tube. Curieuse, je tape "german music" et là, la magie opère. Je vois cette jeune femme avec une couronne de fleurs dans les cheveux et une flute dans la bouche. J'appuie sur lecture et là je me fais cueillir, quel enchantement. Mes pieds quittent le sol, je suis embarquée dans un voyage qui a des parfums celtiques, alors que la civilisation est germanique. Et là mes cours d'histoire me reviennent, et tout cet enlacement ancien entre Gaule Romaine, empire romain et tribus germaniques. Clovis, premier roi des Francs, Franken, oui, ça donne Frankreich : royaume des Francs. On s'appelle toujours comme ça dans la langue Allemande. C'étaient les Francs qu'on hissait sur un bouclier, n'en déplaise à Mr Obélix.
Cette mélodie tourne en boucle dans la pièce, je suis envoûtée par la mélodie, c'est comme la clé qui ouvre la porte sur un monde merveilleux. Je suis captivée.
N'en déplaise à certains, la langue allemande sait être douce et mélodieuse. Et dans ce cas là, elle est ensorceleuse.
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