Un seul de ses regards me ravit. J'observe son profil délicat dessiné pas un rayon de soleil pour le graver au plus profond de mon âme.

Je sais qu'il ne me regarde même pas mais je m'en fiche complètement. Je profite seulement de ce que personne ne me dévisage avec mépris pour le contempler.

La première chose que j'ai remarquée, c'est son silence. Cela peut paraître étrange, mais tous les autres garçons sont tellement bruyants qu'il en paraît encore plus réservé.

Pour autant, je ne le crois pas timide. Il peut être très intéressant quand il s'exprime en cours, par exemple, et il ne rougit pas quand il doit parler, ni ne bégaie d'ailleurs.

J'aime aussi ses yeux. Ce n'est pas tant leur couleur et leur brillance, mais leur profondeur. Quand il me fixe, j'ai l'impression qu'il lit jusqu'au fond de moi. Alors je souris en rougissant.

Je ne sais pas si je l'intéresse ou si mon insistance le gêne. Il n'a pas l'air de me trouver désagréable, aussi j'espère que ce n'est pas mon imagination qui me joue des tours.

La semaine prochaine, a lieu la fête du lycée aussi j'ai décidé de prendre mon courage à deux mains et de l'inviter à être mon partenaire.

Il est là, devant moi, penché sur son carnet à dessin. J'ai beau vouloir y aller, j'ai peurqu'il m'annonce avoir déjà quelqu'un. Pire qu'il me prenne en pitié. Alors je ne bouge pas.

Il lève la tête. Il m'a forcément vue. J'y vais ? Je n'y vais pas ? Non, non, non, non. Il se lève. Il part ? Il vient vers moi ? Je ne suis pas prête !

• Salut.
• Salut.

Je suis sûre que je suis toute rouge. J'ai les oreilles brûlantes et les mains humides. Mon courage vient de s'évanouir comme neige au soleil.

Il se racle la gorge. C'est moi ou il a l'air gêné ? Je ne sais pas si je dois sourire de son attitude confuse si différente de l'ordinaire ou si je dois m'inquiéter.

• Tu es là depuis longtemps. Tu attends quelqu'un ?
• Oui. Je voulais te parler.
• Ah.

Je n'y crois pas, il semble encore plus embarrassé que moi. Je ne sais pas pourquoi mais cela me rassure un peu. Aussi je me jette à l'eau.

• Tu as quelqu'un pour la soirée ?
• Non, enfin pas encore.
• Ah. Tu sais déjà qui tu veux inviter ?
• Oui. Mais je ne sais pas si cette personne est d'accord. Encore que, à en juger par son attitude et sa présence, elle a l'air de vouloir la même chose.

Je suis interloquée. Il parle de moi là ! Et ce petit sourire ! Mon dieu, je crois que je suis définitivement amoureuse.

• Alors, hum, est-ce que tu veux bien être ma partenaire ?
• Oui ... Je voulais te le demander aussi, tu sais, mais je n'ai pas osé.

Il rit.

• J'ai dit quelque chose de drôle ?
• Non, c'est juste que si je ne m'étais pas décidé, on y serait encore.
• Pourquoi ?
• Avoue que tu m'observe depuis une demi-heure !
• Je ... Attends quoi ?
• Oui. Regarde ce qu j'ai eu le temps de faire.

Il m'attrape par le poignet et m'entraîne vers son bureau. Sur une page de papier blanc, il a dessiné mon visage, les cheveux qui tombent devant les yeux et un sourire doux.

Je reste en contemplation. Est-ce donc possible d'avoir autant de talent ? Est-ce mon visage ? Et ce sourire ...

• Ca te plaît ?
• Oui ... Je ne sais pas quoi dire.

Il se rasseoit, griffonne trois mots au dos de la feuille et me la tend avec un sourire.

• C'est pour moi ?
• À ton avis ?
• Je te remercie, vraiment, ça me touche beaucoup.
• Je t'en prie.

Ce garçon fait chavirer mon coeur. Je deviens folle. Je suis folle de lui. J'ai les mains qui tremblent à la seule idée qu'il va m'accompagner à la soirée.

• Il se fait tard. Je te raccompagne chez toi

Ahhh ! Je vais mourir de joie ce soir !

• Bien sûr !

Le trajet jusque chez moi ne m'a jamais semblé aussi court. Il est vraiment passionnant quand on le lance sur le sujet de l'art. Je suis heureuse juste en l'écoutant parler. En plus, il a insisté pour porter mon sac, ce qui est définitivement adorable.

• Voilà, on y est.
• Je vais te laisser alors.
• Tu veux rentrer boire quelque chose ?
• Non, non, je ne veux pas déranger.

La porte s'ouvre, c'est ma mère.

• Bonsoir les jeunes ! Rentrez donc vous mettre à l'abri avant qu'il ne pleuve !
• Tu viens ?

Je l'entraîne à l'intérieur sans qu'il ait le temps d'encore refuser poliment notre invitation. Ma mère me lance un clin d'oeil. Je souris et le lui rends.

Installés à la table de la cuisine, nous discutons tous les trois. Je le regarde discuter avec elle. Son ton assuré et son aplomb me fascine. Au visage de maman, je comprends qu'elle l'approuve implicitement.

Il se lève.

• Je vais vous laisser, mes parents vont m'attendre pour le dîner. Merci beaucoup pour cet accueil chaleureux, madame.

Il se tourne vers moi et je rougis.

• On se voit demain au lycée. Passe une bonne soirée. Merci pour ton temps.
• À demain.

Je l'accompagne à la porte. Il commence à partir mais se ravise. Il grimpe une marche du perron et m'embrasse sur la joue.

• Cette fois je pars vraiment.

Je rougis de plus belle et agite la main tandis qu'il s'éloigne.

Je rentre à peine que ma mère m'interpelle.

• Alors raconte, je veux tout savoir.

Je ris et on se pose sur le canapé elle pour m'écouter et moi pour tout lui narrer.