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Arian poussa un râle de soulagement en quittant sa selle. L’accueil réservé par les prêtresses du Temple de Bagradïn fut courtois, à défaut d’être chaleureux. En revanche, les adeptes, étudiants en théologie et zélatrices le dévisagèrent sans aménité. Il rejoignit les quartiers dévolus aux Héritiers, le poids des regards pesant sur ses épaules. Les autres prétendants au titre de Cornu, réunis en assemblée de « préparation spirituelle », le toisèrent avec dédain. D’habitude, ils se montraient narquois, voire insultants, à son égard. Cette fois, une étrange atmosphère régnait au sein du groupe. Arian devait apprendre plus tard qu’un drame avait frappé la Maison du Chanfrein : Osvald, l’aîné, s’en remettant aux antiques traditions, avait enlevé une jeune vierge afin de la livrer au Temple pour le rituel. Malheureusement pour lui, l’affaire avait mal tourné. On avait retrouvé son corps déchiqueté, entouré de son escorte, dans une clairière, sur la route de Valorne. C’était son cadet, Baptix, un garçon à peine pubère, qui avait pris sa place pour affronter l’épreuve du rituel.

Arian préféra éviter la compagnie des autres Héritiers. Au bout du hall des Cornus, une rangée de stèles de porphyre rose attira son attention. Des centaines de noms couraient en gravures fines, organisées par dates, depuis des siècles. Il avait sous les yeux la liste de tous les Héritiers à avoir honoré le rituel, ainsi que le nom de chaque Vierge associée. Il remonta dix-sept ans en arrière, poussé par la curiosité. Le nom de son frère, Sand Longcrin, figurait en face de celui de sa sœur, Livine Longcrin. Tous les deux présents lors du même rituel. Le nom de son frère s’ornait du titre de Premier Cornu : celui qui avait pénétré en premier dans le Cirque sacré, et obtenu le privilège de libérer la Vierge. Troublé, Arian fit un pas en arrière. Une voix surgie d’un souvenir enfoui résonna à ses oreilles, déformée par le temps : « Pas un mot ! Silence, à jamais ! Oublie ce que tu as vu… ». Le son ténu de roucoulements lointains s’effaça tandis qu’il revenait à la conscience.

Les jambes flageolantes, il se remit en quête de sa cellule, l’esprit englué. Quelques mois après cette Chasse, à la fin de l’été 3472 du calendrier des Demi-terres, Livine était partie, et Sand aussi, bien qu’il fût incapable de se remémorer cette époque lointaine, sa mémoire ressemblant à un épais brouillard. Chaque fois qu’un souvenir remontait à la surface, sa conscience le chassait comme un mauvais rêve. De son enfance, il ne conservait qu’une effroyable sensation d’oubli et d’angoisse : Sand et Livine, les deux jumeaux adorés, l’avaient abandonné au milieu de l’immense obscurité de ce monde, sans même un au revoir. La gorge nouée, il traversa les corridors sombres du Temple, serrant contre lui la pochette de cuir qui contenait ses précieuses notes pour Palys.

Quand il poussa la porte de sa cellule, une silhouette cornue l’attendait à l’intérieur, adossée au mur.

— Bonsoir, mon mignon.

D’un geste, la zélatrice le tira par la ceinture et referma la porte. Il reconnut Tara, l’une de ses deux tortionnaires.

— J’ai apprécié caresser tes jolies fesses avec mon fouet, l’autre jour. J’aime les hommes qui souffrent avec dignité. Mais ça m’a laissé sur ma faim.

Elle le plaqua contre le mur et plongea sa langue dans sa bouche. Surpris et incapable de réagir, Arian se figea. Dans la pénombre, il pouvait à peine distinguer les traits de son visage, surplombés par la corne plantée dans son front. Elle fit glisser les bretelles de sa robe, dévoilant deux orbes pâles aux aréoles conquérantes. Ensuite, tout alla très vite. Dominé par le désir ardent de cette femme, il la laissa user de son corps, désorienté et honteux des réactions éveillées par ses caresses. Dès qu’elle s’installa sur son ventre, un orgasme inopiné emporta Arian.

— J’aurais dû m’en douter ! ragea-t-elle en se dégageant. Un puceau caché dans le corps d’un homme…

Elle remonta sa robe sur ses épaules et, comme si la réaction d’Arian l’avait mortifiée, le gifla d’un revers de la main. En descendant de la planche qui faisait office de lit, elle mit le pied sur la pochette en cuir. Intriguée, elle en extirpa un feuillet et plissa les yeux. Arian demeura prostré, le cœur affolé.

— Tu ferais mieux d’apprendre à baiser, au lieu de perdre tes journées dans des bouquins. Qu’est-ce que tu cherches, Arian ?

Comprenant qu’il ne répondrait pas, elle froissa le feuillet et quitta la cellule. Arian se jeta sur le sol pour rassembler ses notes, mais ne trouva aucun feuillet froissé…

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