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Comme convenu, Palys l’attendait aux Deux Griffons, le visage dans l’ombre de son chapeau, installée à une table au fond de la salle. À son approche, elle libéra ses boucles ambrées, désormais coupées à la garçonne. Un mince sourire éclairait son visage.

— Tu as trouvé…

Arian confirma d’un hochement de tête, intimidé par le visage de la jeune fille. Toutes les nuits, depuis leur séparation, il n’avait pensé qu’à elle, à son regard d’onyx, à son corps souple pris dans les reflets de la cascade. Il posa la pochette de cuir sur la table et la poussa vers elle. Une lueur raviva les prunelles de Palys.

Le soir, après le dîner, elle le retrouva dans sa chambre et s’assit au bord du lit, une boîte entre les mains. Ses cheveux courts révélaient la finesse de sa nuque, mettant Arian au supplice.

— J’ai lu tes notes. Le Maître de Chasse va probablement réclamer une compensation pour autoriser mon accès au rituel.

Elle posa une main sur le bras d’Arian.

— Ne t’inquiète pas, j’offrirai ma chevalière en garantie. Valorne n’est pas dénué de ressources. La Matriarche est sensible à l’ivoire de licorne… « l’or des liches », comme on l’appelle chez nous. Mon père possède quelques trophées, du temps où notre Maison s’adonnait à la Chasse.

Pourquoi « or des liches » ? gratta Arian sur son ardoise.

— Tu ne sais pas ça, toi, fils de la Gardienne des cornes ? C’est pour la poudre d’éternité, cette denrée que s’arrachent les sorciers ayant trop joué avec leur essence de vie…

Bien sûr, il connaissait les vertus supposées de la corne de licorne. En revanche, c’était la première fois qu’il entendait parler de liches, comme si Palys accordait la moindre foi à ces légendes.

La jeune fille posa sa boîte sur le lit. Le coffret s’ornait d’un fermoir doré et de gravures végétales entrelacées. Arian l’observa avec curiosité.

— Je t’avais parlé d’un cadeau.

Elle retira une chaîne dorée de son cou et lui tendit la petite clef qui pendait au bout. Arian, étonné et curieux, glissa la clef dans la serrure. Dans la boîte, au creux d’un mouchoir de soie noire, reposait une corne torsadée. Arian la tira de son écrin et la tourna vers la fenêtre, captant les dernières lueurs du soir. À sa base, une inscription gravée dans l’ivoire indiquait « Sand Longcrin – solstice d’été 3472 ». C’était la corne de son frère ! Ses yeux s’embuèrent.

— Je suis sûre que Sand aurait souhaité que tu en sois le dépositaire.

Comment as-tu obtenu la corne de mon frère ? écrivit Arian.

— Par ma mère. Livine de Longcrin. Elle l’avait avec elle quand elle a trouvé refuge à Valorne.

Arian écarquilla les yeux de surprise.

— En vérité, Livine et Sand n’étaient pas les enfants de la Matriarche. Ta mère est arrivée à Aguil après la mort de ma grand-mère.

Arian s’acharna sur son ardoise, rempli d’un soudain espoir.

Livine est à Valorne ?

Palys baissa la tête.

— Ma mère est morte. Je ne l’ai jamais connue. Mais toi… si seulement tu pouvais m’en parler… m’aider à élucider le mystère de son exil !

Une voix déformée résonna dans sa tête, le frappant de vertige. Pas un mot ! Silence, à jamais ! Oublie ce que tu as vu…

Les images rejaillirent avec une netteté effroyable. Les pieds de son frère pendouillant au-dessus du sol, ses bras inertes, sa tête de biais, violacée, accrochée à la corde, les oiseaux affolés autour de la dépouille qui oscillait dans leur pigeonnier. Arian poussa un gémissement. Son frère… mort pendu. Pourquoi ? Malgré l’afflux de souvenirs, il ne pouvait relier les événements. Il était si petit, ce jour lointain où sa vie avait basculé.

Palys dut comprendre les émotions qui le traversaient. Elle prit sa main et déposa un baiser dans son creux, avant de s’éloigner. Il ne l’entendit même pas fermer la porte.

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