Chapitre 9 : Maya

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Maya fut aveuglée par une lumière blanche. Instinctivement, elle amena son bras devant son visage pour se protéger. Baissant les yeux, elle réalisa que ses pieds n’était plus sur le plancher ciré de la salle de méditation, mais sur de la pierre. D’un coup, tout le poids de son corps lui revint et elle se sentit vaciller.Flora lui attrapa le bras pour l’empêcher de tomber.

  • Tout va bien ?
  • Oui.

La jeune femme la lâcha pour aller s'enquérir de l’état d’Elios qui la rassura. Flora hocha la tête, satisfaite. Clignant les yeux, la princesse réalisa qu’elle avait été aveuglée par la lumière de lampes accrochées à un plafond. Le contraste entre les ténèbres du portail et la vive luminosité de ce qui était manifestement un couloir avait été un choc visuel. Se tournant vers celle qui était responsable de leur arrivée dans cet endroit, Maya demanda :

  • Où sommes-nous exactement ?
  • Les portails nous transportent dans un de ces couloirs. Il y en a plusieurs qui mènent aux arènes. Au bout, on fait la queue pour payer l’entrée et des personnes sont chargées de vérifier qu’on a rien sur nous qui permette de localiser le lieu. Rassurez-moi, vous n’avez rien de ce genre ?
  • Non. (Maya regarda Elios qui répondit également par la négative). Mais je n’ai pas beaucoup d’argent sur moi. Est-ce que ça ira ?
  • Le prix n’est pas très élevé. Ce n’est pas comme ça qu’ils gagnent de l’argent. Ce sont les paris qui sont leur principale source de gains. Et on ne peux pas parier si on ne regarde pas les duels.
  • D’accord.

Ils marchèrent pendant quelques mètres avant de rattrapper la queue des spectateurs. Le couloir n’avait pas de fenêtre, pas de décoration sur les murs. Juste de la pierre grise et quelques lampes au plafond. Les personnes qui attendaient devant eux semblaient être d’origines sociales variées, mais Maya fut étonnée de voir des jeunes de son âge parmi eux. Elle n’aurait pas dû, après tout Flora avait l’air de fréquenter les Arènes régulièrement, vu l’aisance avec laquelle elle se déplaçait dans cet environnement. Et elle n’avait que dix-neuf ans. Trois ans de plus que Maya.

  • Vous pariez quand vous venez ?

Les épaules de Flora se tendirent. Puis, lentement elle les vit se relâcher et elle répondit :

  • Oui.
  • Je suis surprise de votre honnêteté.
  • Vous avez été vous aussi honnêtes avec moi à propos des disparitions. Je me suis dit que vous méritiez la même chose.
  • Je pourrais vous faire emprisonner pour ça.
  • Je sais.

Ce fut enfin à leur tour de passer. Flora se mit devant pour parler à l’homme qui contrôlait les entrées. Il avait la quarantaine, le visage massif et une carrure plutôt imposante. Maya se dit que même elle aurait eu du mal à le mettre à terre. Flora paya leurs entrées en échangeant quelques banalités avec lui, et finalement ils purent continuer.Les Arènes étaient… immenses : un grand terrain circulaire au sol de terre battue avec tout autour des gradins montant très haut. Et le plafond était encore plus haut. Au centre de celui-ci, un énorme orbe blanc, brillant comme un soleil, illuminait l’arène. Autour, en lettres colorées, défilaient les noms des différents « guerriers » qui combattraient.Maya avait le souffle coupé.

Comment une structure aussi imposante avait-elle réussi à rester secrète ? Et le nombre de personnes présentes était ahurissant. Ce qu’elle avait vu dans les couloirs n’était qu’une fraction des spectateurs assis. Et les sièges se remplissaient de plus en plus à mesure que de nouveaux émergaient des différentes portes d’accès. Flora les conduisit vers des places en hauteur qui offraient une bonne vue du terrain. Ils s’assirent, et un jeune homme à côté d’eux commença à faire la conversation.

  • Alors, Flora ? Toujours le même pari ?
  • Toujours le même, confirma-t-elle.
  • On ne change pas une formule qui marche ?
  • Tout à fait. Et qui peut résister à ce sourire ? Je suis sûre que la moitié des gens parient rien que pour ça.
  • C’est fort possible...

Avant qu’il ne puisse continuer, la lumière devint plus faible et les tribunes furent plongées dans la pénombre. Seul le terrain resta illuminé. Une voix retentit, semblant venir de toutes les directions à la fois.

  • ETES-VOUS PRÊTS POUR LE DUEL ?

Comme subitement réveillée d’une apathie profonde, la foule cria avec excitation, frappant des pieds et faisant trembler les gradins.

  • OUI. CE SOIR NOUS ALLONS VOIR S’AFFRONTER DEUX LÉGENDES DES ARÈNES. JE VOUS PRÉSENTE : DANIL LE TYPHON ET PRIYA L'ÉCARLATE. UNE CLASSIQUE BATAILLE DES ÉLÉMENTS. QUI SORTIRA VAINQUEUR ?

Les combattants entrèrent dans l’arène et les clameurs reprirent de plus belle, encore plus intenses.Danil était un jeune homme d’une vingtaine d’années, peut-être un peu plus. Ses cheveux étaient bruns, coupés courts. Il n’avait pas l’air très imposant, mais vu l’enthousiasme des spectateurs, ses capacités magiques devaient pallier ce détail.

Pour Priya, c’était une autre histoire. Dès qu’elle apparut, tous les regards se dirigèrent vers elle. Chacun de ses gestes, chacune de ses expressions hypnotisait la foule. Elle était d’une beauté dévastatrice. Ses longs cheveux soyeux étaient d’un rose si pâle qu’ils paraissaient presque blancs. Sa peau diaphane était pareille à la surface d’un lac glacé sous le clair de lune. Les courbes de son visage étaient si parfaites qu’elles semblaient sculptées par un artiste. Ses lèvres rouge sang, de la même couleur que ses yeux, s’étiraient en un sourire ensorceleur. Séducteur. Elle s’avança vers son adversaire, la démarche féline.

Elle portait une tenue qui épousait sa silhouette svelte : chemise rouge, pantalon moulant et cuissardes marron à talon. Elle irradiait la confiance. L’arrogance. Elle fit un dernier signe à la foule, ne prêtant pas attention à l’autre combattant. Comme si elle avait déjà gagné. Comme si le duel n’était qu’une formalité.

Maya était stupéfaite. Ses mains crispées sur le bord de son siège, elle n’arrivait pas à détacher ses yeux de Priya. Elle en était incapable. Elle n’arrivait pas à définir ce qu’elle ressentait. Un mélange d’admiration et de fascination et de frustration et de quelque chose d’autre qu’elle n’arrivait pas à nommer. Son cœur battait la chamade. La princesse n’eut pas besoin de tourner la tête pour savoir que les yeux de Flora devaient être remplis d’étoiles. Tout à fait. Et qui peut résister à ce sourire ? Je suis sûre que la moitié des gens parient rien que pour ça.

Maya oublia l’enquête, oublia les disparitions et la raison pour laquelle elle était venue aux Arènes. Ses yeux restèrent fixés sur Priya. Et quand celle-ci remporta le combat, la princesse ne fut pas étonnée. Pas même quand elle invoqua des flammes tellement puissantes qu’elle en ressentit la chaleur depuis les gradins. Non, ce n’était pas étonnant. Priya gagnerait, peu importait l’adversaire. Cette vérité s’était imposée dans son esprit sans même qu’elle s’en rende compte. Et malgré la part d’elle qui était satisfaite de voir sa conviction vérifiée, une autre part, tout aussi importante, rageait de l’injustice de voir incarnées en Priya toutes les qualités qui lui faisaient défaut. Et tandis que les spectateurs se levaient pour applaudir la victoire de Priya, la princesse resta assise, le regard fixé sur le sol. Le souffle court, les mains sur les oreilles, elle essayait de faire taire cette voix qui s’était immiscée dans son esprit. Cette voix qui ressemblait étrangement à la sienne, mais plus moqueuse, plus méprisante.

Regarde-la. Elle est tout ce que tu ne seras jamais. Qu’est-ce ton peuple dira quand il réalisera qu’une criminelle te surpasse en tout point ? Tu es pathétique. Tu l’as toujours été. Elle aurait dû être la princesse, ça aurait épargné des problèmes à tout le monde. Et malgré tous ses efforts pour l’arrêter, la voix répétait encore : Elle aurait dû être la princesse. Elle aurait dû être la princesse. Elle aurait dû être la princesse.

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