Pour démarrer la nouvelle année, voici un petit chapitre. Je vous souhaite à toutes et tous une belle et heureuse année 2021!

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- Voilà.

Ally et moi nous nous penchâmes avec une belle harmonie vers la photo que Snoog venait de glisser sur la table, devant nous.

Nous étions attablés, les quatre garçons et nous deux, les filles, au Blue Limon qui était devenu la base de repli du groupe à Manchester. Nous y étions tranquilles, c'était le milieu d'après-midi, par un froid samedi de fin d'automne.

Les garçons étaient tout juste rentrés de Londres, dans la semaine, et c'était la première fois que nous nous retrouvions tous ensemble. L'enregistrement du deuxième album était terminé et ils n'étaient pas fâchés de regagner leurs "pénates", bien contents aussi du travail effectué, surtout après des débuts pour le moins difficiles. Il restait à peaufiner quelques à-côtés et notamment la pochette du disque. Treddy avait prévu de regagner Glasgow quand ces derniers détails seraient réglés avec Gordon. Et c'était en partie à ce propos que nous nous étions tous donnés rendez-vous au Blue Limon.

- On a trois propositions, reprit Snoog. Trois photos très différentes. On veut votre avis aussi, les filles. Celle-là, c'est la plus classique, un rien basique. Tous les quatre, avec un décor épuré à souhait.

- Pas très différente, fit remarquer Ally, de celle du premier album, finalement.

- Oui, c'est ce qu'on pense aussi, dit Treddy.

Nous restâmes un moment à regarder la photo qui avait été tirée en assez grand format. Les garçons posaient devant un mur de briques, avec de vieilles affiches déchirées dont il n'était pas possible d'identifier la teneur : on ne pouvait savoir s'il s'agissait d'affiches de concerts, d'affiches publicitaires ou politiques. Lynn se trouvait à gauche, Snoog et Stair au milieu, et Treddy à droite. Et ils étaient tous les quatre debout, contrairement à la première pochette sur laquelle Snoog était accroupi. Devant eux, il y avait de vieilles cannettes, un bidon rouillé, quelques herbes de couleur indéfinissable : entre jaune, gris et vert.

- Il est prévu que le nom du groupe s'affiche en surimpression, précisa Stair, comme s'il barrait nos torses.

- Hum, je vois, fis-je simplement.

- La deuxième ? proposa Snoog.

Nous hochâmes la tête.

Cette deuxième photo était assez amusante : les garçons posaient dans un vieux bus rouge, à impériale, garé devant l'entrée du stade du club de football de Manchester. Si Snoog et Treddy avaient la tête qui sortait par l'une des fenêtres, Stair avait pris place au volant et Lynn, assis à l'arrière, semblait se faire conduire. Le titre de l'album barrait en lettres noires le côté du bus d'un "Dark Death". La peinture semblait avoir un peu bavé sous les lettres, formant comme des dégoulinures soulignées d'un trait blanc. On aurait presque dit le titre d'un film d'horreur. Mais ce qui rendait la photo amusante, c'était que sur la surface du grand bâtiment s'étalait le nom du groupe à la place du nom du stade. C'était une sorte de détournement de plusieurs symboles de l'Angleterre profonde : la musique, le football, l'autobus.

- Elle est assez rigolote, fis-je. Pourtant, les chansons ne sont vraiment pas drôles. Ca va former un méchant contraste. Les gens ne vont pas s'attendre à ce qu'ils vont entendre...

- On aimait assez ce côté décalé, dit Lynn.

Ally ne fit aucune remarque, releva simplement la tête en faisant un petit signe à Snoog pour qu'il nous montre le dernier cliché.

Cette fois, on ne voyait pas du tout les garçons et nous ouvrîmes toutes les deux de grands yeux. La réaction la plus parlante fut celle d'Ally :

- Qu'est-ce que t'as fait à ta basse ? s'étonna-t-elle en regardant Stair.

Il eut un petit sourire en coin. Je compris qu'Ally n'avait pas dû voir l'instrument depuis leur retour de Londres.

- Je l'ai customisée, baby, répondit Stair. J'avais envie d'y ajouter un petit quelque chose...

Le petit quelque chose en question était une nouvelle gravure, ajoutée entre les deux micros : un A stylisé, avec une petite rose qui rejoignait ainsi le S qu'il avait fait graver quand il l'avait achetée. Certes, quand il jouerait, on ne verrait pas beaucoup la petite rose, mais là, on ne pouvait la manquer.

Car sur cette photo, au lieu d'avoir les quatre garçons qui posaient, c'étaient leurs instruments qui figuraient. La guitare de Treddy à gauche, la batterie en haut et la basse de Stair à droite, comme les trois pointes d'un triangle : les manches de la guitare et de la basse pointant vers la batterie. Et au milieu, le nom du groupe avec, entre les deux mots, un micro qui pouvait former comme un trait d'union ou qui pouvait aussi rappeler l'éclair séparant les deux parties du nom du groupe AC/DC. C'était comme un petit clin d'œil.

- Pour cette troisième possibilité, on hésite encore sur l'endroit où on mettra le titre de l'album : soit en bas, soit tout en haut. Ca décalera un peu le reste de la composition, mais c'est ça l'idée, dit Snoog.

- Moi, je la trouve géniale, cette pochette ! dis-je.

Ally, elle, restait silencieuse. Je sentis qu'elle était émue. Sur l'album figurerait la chanson Reviens !, mais aussi, si c'était cette troisième photo qui était choisie, l'initiale de son prénom. Si tant était qu'elle avait encore besoin d'être rassurée quant aux sentiments que Stair lui portait, je me dis que cela devrait balayer ses dernières inquiétudes. Pour ma part, j'aimais beaucoup ce petit signe qui ne pourrait être perçu que par quelques rares personnes, vraiment proches du groupe et plus encore, proches d'Ally et Stair.

Snoog sourit, Lynn me regarda avec plaisir : je compris que lui aussi aimait beaucoup cette troisième proposition. Ce fut Snoog qui reprit :

- Y'a juste un hic, avec cette photo : on voit pas ma gueule. Les fans vont être déçues...

Nous éclatâmes alors tous de rire et nous eûmes le réflexe de lancer nos mains vers le milieu de la table pour les frapper toutes ensemble.

- Banco ! dit Treddy. Ce sera celle-là.