Chapitre 62 : Jenna
C'était un grand jour. Un très grand jour. Je fêtais mes 22 ans. J'avais mon permis moto en poche depuis six mois et j'avais conduit le plus souvent possible une petite moto fiable et peu puissante, une occasion que Lynn avait dénichée auprès d'un vendeur spécialisé. Je l'avais bien prise en main, de même que j'avais pris la mesure de la route. Il fallait être encore plus attentif qu'en voiture : une erreur, un écart, en moto, ça pardonnait rarement.
Ce jour-là, installée derrière Lynn, je retrouvai la place que j'avais longtemps occupée, mais que j'avais abandonnée au cours des derniers mois, ne montant plus qu'occasionnellement avec lui, puisque j'avais utilisé le plus possible ma petite moto et que Lynn ne se trouvait que rarement à Manchester, du fait de la tournée. En cette veille de l'été, le groupe marquait une courte pause après avoir joué tous les concerts prévus sur le continent et nous en avions profité. Après mes hésitations du début, je m'étais montrée très assidue aux cours et, à l'automne dernier, j'avais obtenu mon permis au premier essai. Lynn était très fier de moi et, ma foi, je l'étais aussi. J'avais longtemps craint de paniquer, de perdre mes moyens, en repensant à Ruggy. En fait, c'était un peu l'inverse qui s'était produit : quand ces pensées m'effleuraient, je me montrais encore plus attentive, encore plus prudente.
Lynn nous conduisit à l'extérieur de la ville et, durant quelques minutes, nous longeâmes les entrepôts et magasins de plusieurs vendeurs de voitures, avant de nous arrêter sur le parking d'un vendeur de motos. Nous avions déjà préparé cet achat, en consultant des sites spécialisés, en lisant des avis. Il me fallait une moto pas trop puissante - moins que celle de Lynn -, mais maniable et réactive. Confortable aussi et pas trop haute. Et, bien entendu, pas question d'acheter ce que Lynn qualifiait de "tracteur", c'est-à-dire, une Harley Davidson.
- Les Harley, ce sont des motos de voyous, Jenna, m'avait-il dit. Et tu vas tirer sur les bras à conduire ce genre de trucs. Sans compter que ça avance à deux à l'heure... Je serais tout le temps obligé de t'attendre !
- Bon, ok, pour la Harley. De toute façon, je trouve cela assez moche, avais-je répondu. Et dans les européennes, qu'est-ce qu'il y a ?
- Les italiennes sont pas mal, par contre, t'es rendue chez le mécano tous les quinze jours. Y'a toujours un truc qui foire. Mais je reconnais qu'elles ont de la gueule. Non, le mieux, c'est de viser une japonaise. Ils ont une large gamme, elles ne sont pas trop hautes en général. Et elles sont fiables. On devrait trouver.
Nous avions donc repéré trois ou quatre modèles qui pourraient me convenir et avions pris rendez-vous avec un vendeur pour des essais. Les deux premières furent vite mises de côté : elles étaient trop hautes pour moi et j'avais un peu de mal à monter dessus, même si la deuxième convenait un petit peu mieux. Mais les poignées étaient assez écartées, et je sentis vite que j'allais tirer sur les bras. Je commençais presque à regretter ma petite moto d'occasion. Je ne les mis même pas en route et nous passâmes alors aux deux autres modèles.
- Les deux premières sont des modèles qu'on vend principalement à des motards qui ne sont pas très grands, expliqua le vendeur. C'était un bon choix, mais je pense que l'une des deux dernières que vous aviez envie d'essayer conviendra mieux.
Il avait raison. Sur l'une comme sur l'autre, je pus m'installer facilement. Nous fîmes un petit tour de quartier, Lynn suivant derrière moi, pour que je les prenne un peu en main. Mon choix se porta vite sur un modèle un peu sportif dans son allure, racé, mais tenant la route. Apparemment, c'était une moto qui se vendait très bien et qui était très prisée par les motardes.
Lynn régla la transaction, je n'avais pas mon mot à dire. Le permis, la moto, c'étaient des cadeaux. Des cadeaux qui lui permettaient d'oublier l'accident de Ruggy, de refermer encore un petit peu plus la blessure, même si cette dernière ne serait jamais totalement guérie.
Nous repartîmes alors vers notre quartier, moi toujours devant et lui assurant mes arrières. En arrivant, je laissai le contact et lui dis en relevant simplement ma visière :
- On va faire un tour un peu plus long ? Elle me plaît vraiment !
- Ok, baby ! Mais pas trop, faut pas que tu fatigues.
Nous filâmes alors faire un tour en campagne et revînmes au bout d'une petite heure. Cette petite "virée" m'avait permis de mesurer les différences avec la moto d'occasion : si elle était plus puissante, elle avait aussi un système de freinage en conséquence et je fus surprise, la première fois que je serrai les freins de me sentir partir légèrement en avant : "Pas la peine de serrer trop fort pour m'arrêter", pensai-je alors. La position que je prenais dessus était agréable : sur la petite moto, j'étais assise un peu comme sur un vélo, là, j'étais plus couchée dessus. Je pouvais reposer mes bras sur le réservoir, si vraiment je fatiguais. Elle répondait très bien aux commandes et était aussi assez aérodynamique, j'avais pu m'en rendre compte sur le trajet aller, en étant face au vent.
Lorsque nous nous arrêtâmes devant notre box, j'avais le sourire jusqu'aux oreilles. Lynn était déjà descendu de moto, ouvrait la porte et rentrait la sienne. J'attendis qu'il ait terminé sa manoeuvre pour faire de même. Mais par sécurité, et parce que c'était la première fois que je me garais avec cette moto dans notre box, je préférai descendre et la pousser à l'abri plutôt que rentrer directement en pilotant.
J'en descendis donc et il m'aida à la pousser, car elle était quand même plus lourde que la précédente. Mais beaucoup moins que la sienne.
- Alors, baby ? me fit-il. Quelles sont tes impressions ?
- Elle est super ! Je me suis sentie tout de suite très bien dessus, comme si elle était à ma taille, comme si je pouvais faire corps avec elle, répondis-je en ôtant mon casque et en passant un peu la main dans mes cheveux, pour les remettre en place.
Il me fixait d'un regard sombre et brûlant à la fois. J'en fus presque surprise, car je connaissais bien ce regard, mais je n'aurais pas pensé que cet achat et cette première sortie l'auraient provoqué. Nous étions encore chacun d'un côté de la moto et il me dit, après avoir mis la béquille :
- Ca se voyait. Enfin, moi qui étais derrière toi, je le voyais.
- Tu voyais quoi ? demandai-je.
- Que tu faisais corps avec elle.
A ce moment, je sortis du box, Lynn aussi, il rabaissa la porte et verrouilla. Nous avions laissé nos casques et nos gants à l'intérieur, mais portions toujours nos blousons. J'eus le réflexe de faire glisser la fermeture éclair du mien et j'eus droit à un nouveau regard encore plus brûlant que le premier. Il s'avança vers moi, me prit par la taille et me dit :
- Mais maintenant, c'est avec moi que tu vas faire corps, baby.
Je lui souris avec tendresse, glissai mes mains autour de son cou et attirai son visage vers le mien pour l'embrasser.
- C'est quand tu veux, répliquai-je.
Et nous ne fûmes pas longs à regagner l'appartement. Nos blousons furent lancés sur le canapé, Lynn s'y assit pour attraper mes jambes l'une après l'autre pour m'ôter mes bottes, puis il retira les siennes. J'en profitai pour faire glisser mon pantalon de cuir et sans façon, je m'assis sur ses genoux. Je repris son visage entre mes mains et l'embrassai à nouveau, profondément et longuement.
Alors que je l'embrassais toujours, il me souleva et me porta dans la chambre. Je nouai mes jambes autour de ses reins, mes bras glissèrent sur ses épaules. Il me fit basculer sur le lit et ne perdit pas de temps à passer ses mains sous mon pull, puis sous mon top. Mes seins se tendaient déjà, mes tétons avaient durci d'un coup, alors même qu'il ne les avait pas effleurés. Je gémis dans sa bouche et je sentis le désir monter en lui. Je savais qu'il réagissait toujours de façon très marquée quand j'agissais ainsi.
Il rompit notre baiser, glissa sur moi, fit voler mes derniers vêtements à travers la pièce, retira dans le même mouvement son pantalon et son caleçon. Je n'étais pas en reste et tentai de lui ôter son t-shirt, mais il ne me laissait pas beaucoup de possibilité.
- Tu vas trop vite, soufflai-je.
- Je te veux, baby. Je te veux, rugit-il dans mon cou.
Mais il avait entendu ma remarque et il me fit basculer sur lui. Je pris alors le temps de le caresser, de sentir les muscles de son torse rouler sous mes doigts, et je parvins à finir de le déshabiller.
- Tu sais quoi, baby ? me dit-il avec un léger sourire et le regard toujours sombre.
- Et quoi ? fis-je en un souffle.
- J'en crevais de te voir ainsi sur la moto. Vraiment. Viens sur moi, baby, s'te plaît...Viens sur moi...
Je ne le fis pas languir plus. Après tout, si son désir était palpable, le mien l'était tout autant.
Et je préférais ne pas imaginer les pensées qui m'assailliraient à chaque fois que je monterais sur ma nouvelle moto, après ce qu'il venait de me dire...
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