Chapitre 84 : Lynn
Lynn se tourna dans le lit, lâcha un long soupir. Sa main tâtonna, cherchant Jenna. Il finit par ouvrir les yeux, ne la trouvant pas : la place à ses côtés était vide.
Le jour entrait largement par la grande fenêtre de la chambre d'hôtel où ils logeaient depuis trois jours. La journée devait déjà être bien avancée, milieu ou fin de matinée. Le concert de la veille avait été si particulier qu'ils s'étaient tous couchés assez tard. Et, pour une fois, Snoog n'était pas accompagné. Jenna et Ally avaient dû s'employer pour parvenir à apaiser un peu les cinq garçons, tant ils avaient été touchés par les réactions du public. Même s'ils s'attendaient à quelque chose de fort, ils n'auraient pu imaginer ce qui s'était passé. Et, déjà, ils savaient qu'ils ne revivraient sans doute jamais un tel moment. A moins, comme l'avait souligné Jenna avec justesse, qu'un jour, ils puissent se produire à Pékin. Mais là encore, entre la retenue asiatique et l'exubérance sud-américaine, il y avait une telle différence que ce serait sans doute autre chose.
Il se redressa un peu et vit que Jenna se tenait debout devant la fenêtre, qu'elle regardait, songeuse, vers le dehors. Elle portait juste un des peignoirs blancs de l'hôtel, en coton léger, et sa chevelure coulait dans son dos. Il ressentit aussitôt l'envie d'y glisser les doigts. C'était toujours un tel élan en lui, une pulsion presque primitive, un besoin instinctif.
Il demeura cependant à l'observer un moment, puis, comme elle restait aussi immobile qu'une statue, il finit par se lever et la rejoindre. Bien qu'il fût certain qu'elle l'avait entendu approcher, elle n'avait pas bougé. Il l'entoura tendrement de ses bras, posa son menton sur son épaule et lui dit :
- Ca va ce matin, baby ?
- Doucement, mais ça va.
Il fronça légèrement les sourcils. Depuis qu'ils avaient quitté le continent nord-américain pour se rendre au Mexique, puis en Amérique du sud, elle était parfois sujette à des nausées et à des troubles intestinaux. Ils y étaient tous passés, mettant cela sur le compte de la chaleur, du changement de nourriture. Treddy avait été le plus touché des cinq musiciens, au point qu'ils s'étaient demandé s'il allait pouvoir assurer la prestation prévue à Lima. Trois heures avant le concert, il était encore couché, un peu fiévreux. Gordon l'avait bourré de médicaments, une des employées de l'hôtel, une sorte de "mama" au visage buriné, Indienne des hauts plateaux, lui avait fait avaler une préparation de son cru et il avait pu tenir les deux heures trente du show. Néanmoins, il avait fallu le ramener très vite à l'hôtel. Après deux bonnes journées de repos, il avait récupéré. Mais Jenna, elle, était toujours un peu sensible.
Le regard de la jeune femme perdit de sa rêverie et un mince sourire éclaira ses lèvres. Lynn ne la quittait pas des yeux, la trouvant toujours aussi belle et se demandant bien, parfois, comment il avait pu se retrouver à ses côtés, aux côtés d'une fille comme elle. Si solide, si douce, si sensible, si attentive, si généreuse. Et si sensuelle aussi. Il resserra un peu son étreinte autour de sa taille et elle se laissa aller un moment contre lui.
- Tu as bien dormi ? s'inquiéta-t-elle.
- Ouais. Même si j'ai fait des rêves un peu étranges. J'm'en souviens pas, ajouta-t-il après un court temps de silence. Et toi ?
- Oui, ça a été. Mais j'ai eu du mal à trouver le sommeil hier soir.
- Le concert était très fort, reconnut-il. J'crois qu'on ne revivra vraiment jamais cela.
- Je le pense aussi. Et je suis très heureuse d'y avoir assisté, dit-elle. Mais... Mais il n'y avait pas que les suites du concert pour me tenir éveillée.
Elle se tourna alors vers lui, glissa ses bras autour de sa taille. Il était nu et elle appuya sa joue contre son torse, l'oreille contre son coeur, et ferma les yeux un instant. Lynn porta la main à sa chevelure, en savoura encore et encore la douceur. Il s'en exhalait un léger parfum, celui du shampoing de l'hôtel, qu'il trouvait très agréable. Même si la fenêtre était fermée, il pouvait presque sentir la vague de chaleur qui montait sur Santiago.
Jenna s'écarta un peu, leva son visage vers lui. Lynn rouvrit les yeux et plongea son regard dans le sien. Il était très doux, assuré, et il y brillait une petite lueur dont il n'aurait pas bien pu donner la signification.
- Lynn... murmura-t-elle.
Il leva légèrement un sourcil et attendit. Son coeur s'était mis à battre un peu plus vite, il n'aurait su dire pourquoi, mais le moment prenait une gravité insoupçonnée. Peut-être était-ce à cause de cette lueur dans le regard de Jenna.
- J'attends notre bébé.
**
Il resta immobile, figé, un long moment. Les mots entraient les uns après les autres dans son esprit, descendaient jusqu'à son coeur. Il l'ignorait, mais son regard était soudainement devenu très sombre, comme un écho étrange à la lueur brillant dans celui de Jenna. Puis soudainement, il la serra fort contre lui, enfouit son visage dans ses cheveux. Et elle sentit une larme couler dans son cou, jusqu'à la naissance de ses seins.
Elle répondit à son étreinte, le serrant fort en retour. Puis Lynn porta les mains à son visage, caressa ses joues et l'embrassa longuement et profondément. Enfin seulement, il parvint à articuler :
- Notre bébé ?
Emue aux larmes, elle hocha la tête à l'affirmative. Avec des gestes très lents, il défit la ceinture du peignoir qui s'entrebâilla aussitôt et glissa la main sur son ventre. Il était en train de prendre conscience qu'une vie nouvelle allait éclore.
Jenna ne le quittait pas des yeux et ses lèvres tremblèrent légèrement quand elle sentit la main douce et chaude de Lynn parcourir son ventre. Et ce fut à son tour de porter les mains au visage du jeune homme, de caresser ses joues à la barbe piquante et de l'embrasser longuement.
N'y tenant plus, il la fit reculer jusqu'au lit où il l'entraîna sous les draps. Mêlant impatience et attention, il la débarrassa du peignoir avant de la couvrir de baisers brûlants. Puis il s'écarta légèrement pour la contempler, étendue, nue, émue. Elle tendit les bras vers lui, l'attira contre elle et ils s'aimèrent avec une passion toute contenue, mais avec une émotion débordante et une sensibilité exacerbée.
**
- Depuis quand t'es sûre ? demanda Lynn alors qu'ils reposaient dans les bras l'un de l'autre.
- Hier, répondit Jenna. Je commençais à avoir des soupçons, avec mes nausées, mais vu qu'on a tous été un peu malades, que je me sentais aussi un peu déphasée avec les derniers vols, j'ai mis un peu de temps à envisager cette possibilité. Je t'avoue que je ne m'attendais pas à ce que cela arrive si vite...
- Tu veux dire, depuis qu't'as arrêté la pilule et qu'on tire plus à blanc ?
Elle sourit, amusée, et répondit :
- Oui. Je pensais que ça mettrait plus de temps... Même si je reconnais que nous n'avons pas ménagé nos ardeurs.
- Ouais, on n'a pas vraiment fait la grève des galipettes, baby, reconnut-il avec humour. Pourquoi tu m'as rien dit hier ?
- Il y avait le concert, fit-elle. Et, comme vous, je me doutais que ce serait un grand moment. Je ne voulais pas ajouter des émotions, te rendre incapable de jouer...
- Je me sens tout sauf incapable de jouer, baby, et surtout, de jouer avec toi...
Et il bascula à nouveau sur elle. Elle rit légèrement, se laissa aller une nouvelle fois entre ses bras.
Quand ils retrouvèrent un semblant d'apaisement, Lynn s'inquiéta cependant :
- Tu risques rien ?
- Qu'est-ce que je risquerais, Lynn ? A quoi ?
- A trop faire l'amour... répondit-il.
- Non, je ne pense pas, le rassura-t-elle. Il est bien accroché, tu sais.
Il demeura face à elle, les sourcils toujours froncés. Son regard s'arrêta sur les ombres bleues qui marquaient ses paupières.
- Cependant, tu fatigues, baby. La tournée, c'est épuisant. Et puis, j'parie qu'tu vas devoir faire tout un tas d'examens, et tout l'bordel.
- Oui, mais on rentre bientôt en Angleterre.
- Pas avant un bon mois et demi. On a encore quasi toutes les dates d'Amérique du sud à assurer, plus la Nouvelle-Zélande, l'Australie... On va pas arrêter de prendre l'avion. J'préférerais que tu repartes avant nous. Ici, avec nous, t'auras aucun suivi...
- Je n'ai pas envie d'être loin de toi, maintenant, répliqua-t-elle en se blottissant un peu plus contre lui.
- Bon, ok, fit Lynn. On en reparlera.
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