Chapitre 93 : Jenna
Un léger murmure me parvint, me tirant du sommeil. J'étais profondément endormie et une part de moi-même refusait d'ouvrir les yeux, alors qu'une autre me forçait au réveil. J'avais été ramenée dans ma chambre quelques heures plus tôt et j'avais reçu la visite de mes parents et de nos amis. Mais la sage-femme qui allait me suivre au cours des prochains jours avait vite fait sortir tout le monde pour que je puisse me reposer. Seul Lynn avait été autorisé à rester avec moi et depuis, il veillait sur Thilia et sur mon propre sommeil.
Et du sommeil, j'en avais besoin : je n'avais pas dormi depuis vingt-quatre heures, du fait de l'accouchement dont une grande partie s'était déroulée dans la nuit. J'entrouvris à peine les paupières pour constater que le jour était levé et même plus : il faisait grand soleil, je pouvais le deviner malgré les rideaux tirés. Je refermai les yeux, replongeant dans les brumes d'un repos bienfaisant.
Mais le murmure, dans la pièce, continuait. Ce n'était pas un chant, plutôt une sorte de ritournelle. Je finis par percevoir, de temps à autre, un petit bruit de contentement et je reconnus alors la voix de notre fille. Un faible sourire se dessina sur mes lèvres. Malgré les voiles qui m'attiraient et me renvoyaient dans les bras de Morphée, une part de ma conscience parvint à saisir quelques mots :
- Chut, bébé, chut... Maman dort. La réveille pas. Faut qu'elle s'repose. Pour toi. Chut...
Puis il y eut un petit silence, seulement ponctué par quelques bruits de succion. Une légère tension naquit dans mes seins, comme s'ils avaient eu leur vie propre et se préparaient déjà pour une tétée.
- Tu sais, bébé... T'as la maman la plus formidable du monde. La meilleure. La plus belle aussi. Et toi... Toi, tu s'ras belle comme elle. Ouais, ça, j'en suis sûr. Moi... Moi j'essayerai d'faire un papa correct. Mais c'qu'est sûr, bébé, c'est qu'toi, tu s'ras pas battue. T'auras pas un père ivrogne et une mère indigne. Ou l'inverse. T'auras une vraie maman et un vrai papa. Mon p'tit bébé...
Quand je me réveillai vraiment, j'eus un peu de mal à ouvrir les yeux : des larmes avaient collé mes paupières. Je les frottai légèrement, puis me tournai vers le berceau de Thilia. Il était vide. J'entendis la voix de Lynn :
- Tu t'réveilles, baby ? J'crois qu'elle a faim...
Un petit pleur ponctua ses derniers mots, comme pour en souligner la véracité. Il s'approcha du lit en portant précautionneusement Thilia.
- Ca fait longtemps que tu la berces ? demandai-je en tendant les bras.
- Non, pas tant. P'têt' dix minutes. T'as bien dormi ?
- Oui, ça va. Mais je crois que je vais vite recommencer.
- Faut qu'tu récupères, fit-il en me déposant Thilia au plus près.
Je la berçai à mon tour un moment, mais je compris vite qu'elle cherchait mon sein. Je le dégageai alors aisément, puis la mis contre moi, en essayant de me souvenir des gestes indiqués par la sage-femme. Elle tira un peu, je grimaçai. La douleur passa quand je compris qu'elle prenait plutôt bien. Comme Lynn restait penché au-dessus de nous, je finis par lever les yeux vers lui. Il me sourit.
- Vous êtes les plus belles du monde, baby. Ma baby et mon bébé. Ouais, les plus belles du monde.
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