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 Jonathan, quel joli nom, si beau et si ordinaire à la fois. Il allait parfaitement bien à son propriétaire. Elle profita de cette poignée de main pour se rapprocher un peu de sa cible. Les odeurs qu'il rejetait pénétrèrent les narines de la jeune femme, l'envoûtant et la transportant dans un autre monde, loin, très loin de cette petite bibliothèque puante. Ses paupières s'abaissèrent quelques instants, imaginant un monde où elle pourrait se baigner dans des bains de sang, en boire à longueur de journée. Un monde dans lequel elle n'aurait plus à tuer pour combler ses envies.

 Le jeune homme, quant à lui, examina fébrilement la jeune femme, ne comprenant pas ce qu'elle venait faire ici et ce qu'elle voulait. Son comportement était bizarre, n'ayant pas de moyens de comparaison à cause de son manque de sociabilité, il ne se méfia pas, la laissant dans son délire. Jonathan lâcha sa main, action qui la fit revenir immédiatement parmi les humains. Elle souriait bêtement et passa une main dans ses cheveux, gênée.

 — Ça va ? s'inquiéta Jonathan.

 — Oui, je suis sincèrement désolée, vous devez me prendre pour une folle...

 — Un peu, à vrai dire, mais ce n'est rien. Grâce à vous, je pourrais dire que ma journée a été différente des autres, pour une fois...

 — Je suis contente d'avoir chamboulé votre quotidien alors !

 Jonathan sourit dévoilant une dentition jaunâtre, très mal entretenue, dont certaines dents manquaient de tomber, la plupart étant cassées. Cette vision d'horreur répugna la jeune femme, mais elle essaya tant bien que mal de ne pas le dévoiler. Elle lui rendit simplement son sourire et se dirigea vers une rangée de livres, elle tomba sur une sélection d'écrits historiques. Ses mains s’emparèrent d'un vieux livre à la couverture rouge écarlate, quelques reflets dorés faisaient briller sa couverture. Sur celle-ci, un grand dragon japonais s'envolait, souhaitant très certainement s'enfuir de ce bouquin et partir vers de nouvelles contrées. Son visage afficha un grand sourire, elle venait de trouver un livre qu'elle allait adorer. Elle se tourna vers le jeune bibliothécaire et elle lui montra le fameux livre.

 — Vous vous intéressez à la culture Asiatique ? demanda le jeune homme en prenant le livre entre ses doigts.

 — Elle me passionne, confia Jade. Depuis toute petite, leur coutume, leur tradition... Je trouve qu'ils ont une vision du monde et des esprits tellement différente. J'aurai aimé y naître et y faire ma vie. Au Japon, plus particulièrement.

 — Intéressant, vous me paraissez jeune, il est peut-être encore temps de recommencer votre vie là-haut.

 — Non, je dois rester en France, j'ai quelques choses à accomplir avant de m'envoler vers ces terres sacrées.

 — D'accord, répliqua Jonathan quelque peu déconcerté. Vous voudriez l'emprunter ?

 — Avec grand plaisir !

 — Je vous laisserai me suivre, il y a quelques formalités.

 Le livre toujours entre les mains, il se dirigea vers l'arrière-boutique et entra dans une pièce qui s'apparentait à un bureau. Jade le suivit, esquivant les quelques détritus qui bloquaient son avancée. Elle ne fut qu'à moitié surprise en découvrant l'atelier de ce jeune mordu de littérature, à l'image de son lieu de travail. Une vraie caverne d'Ali Baba, il y avait de tout et de n'importe quoi dans ce lieu. Une petite table en plein milieu de cette minuscule pièce, sur laquelle étaient éparpillés une grosse pile de papier jaunit par le temps. Sur la petite fenêtre, qui était la seule source de lumière naturelle, trônait de vieille plante pourries qui dégageaient des effluves de vieille moisissure se répandaient dans l'habitacle. Jade porta un mouchoir qu'elle avait imbibé de parfum à son nez, ne supportant pas les odeurs qui se trouvaient dans ce lieu miteux.

 — Asseyez-vous, je vous en pris, dit-il en désignant une chaise en face de lui.

 Jade prit sur elle et alla s'asseoir sur le petit tabouret, après avoir dégagé le siège de la couche de poussière et des quelques débris qui s'y trouvait, elle y déposa ses fesses et regarda avec attention son opposant. Comment pouvait-il travailler dans un tel foutoir ?

 Le jeune homme plongea sa main dans la pile de documents et en sortit un papier tout chiffonné, les écritures y étaient à peines lisibles. Il le défroissa à l'aide de son avant-bras, laissant quelques traces et déchirant par endroits le papier. Il attrapa un crayon et commença à lire le document pour la jeune femme, griffonnant ici et là. Sa vision se bloqua sur le bout de ses doigts, ses ongles n'avaient pas été coupés depuis un long moment, ils étaient encore plus longs que les siens. Ils étaient jaunis par le manque d'entretien, des dépôts noirs se cachaient en dessous, elle déglutit une nouvelle fois. Qu'est-ce qu'il pouvait être dégoûtant, jamais elle n'aurait imaginé trouver quelqu'un qui correspondrait si bien à la définition du rat. Un vrai petit rongeur vivant dans un habitat qui lui allait bien.

J'ai hâte d'ôter la vie de ce corps si sale, pensa-t-elle, je suis sûre que son âme trouvera un meilleur endroit où loger, et elle me remerciera de l'avoir libérée.

 Jonathan lui tendit les papiers et le stylo qu'il avait entre ses doigts, elle l'attrapa en évitant ses griffes. Malgré l'excitation qui s'emparait de son corps à l'idée d'envoyer sa vie dans le néant, elle n'avait qu'une seule envie : déguerpir d'ici et retrouver le confort de son petit appartement. Elle pourrait relativiser maintenant, il y avait pire que chez elle.

 — Bien, je vous laisserai inscrire vos noms, prénoms, numéro de téléphone et signer en bas de la page, annonça le jeune homme.

 — Mon numéro de téléphone, qu'allez-vous en faire, demanda-t-elle d'un air charmeur.

 — Simplement dans l'hypothèse où vous ne rendriez pas le livre, pour vous retrouver plus facilement.

 — Même pas pour m'inviter à un rendez-vous galant ?

 Le rouge monta immédiatement aux joues du jeune homme, dérouté par la suggestion de Jade. Elle lui sourit gentiment en posant, malgré elle, sa main sur la sienne pour le rassurer et le mettre en confiance.

Ne t'inquiète pas, mon beau rat, je ne te ferai rien de mal...

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