Voyeur.
Albert était fui dans tout son village parce qu'une rumeur avait couru sur lui, et sa réputation d'homme gentil et attentionné était passée à celle d'homme voyeur et pervers. Tout ça, parce qu'une vieille femme n'ayant plus toute sa tête et qui s'ennuyait dans sa vie, s'était fait des films et avait ensuite raconté de fausses histoires à tout le monde.
Il fallait avouer qu'en tant qu'humain, on avait tous une petite part de voyeurisme et que ça serait hypocrite de dire le contraire. Tout le monde avait déjà regardé la façade d'une maison et son jardin en passant devant, ou avait laissé ses yeux voir l'intérieur d'une maison pour la curiosité de voir la décoration, mais ça ne faisait pas de l'individu un voyeur dangereux et hostile.
Et pourtant, Albert avait l'étiquette d'être un dangereux homme qui avait bien caché son jeu pendant des années, en se faisant passer pour une très gentille personne, afin de faire le voyeur de plus près.
Albert ne comprenait pas comment son entourage proche avait pu croire de telles histoires alors que l'homme avait été fidèle, gentil et n'avait jamais donné d'éléments sur lesquels douter. Ce fut comme une armée de poignards venant l'attaquer lorsqu'il vit très rapidement les gens qu'il aimait l'éviter, puis lui tourner totalement le dos.
Jamais dans sa vie, il n'avait agi de façon malsaine comme le disaient les rumeurs. Bien au contraire, Albert avait toujours été mystérieux, ne se livrant pas souvent sur sa vie personnelle, sauf lorsqu'il se sentait vraiment en confiance. Il était calme et très gentil, toujours d'accord pour aider et rendre service sans rien demander ou attendre en retour. Il ne sortait pas beaucoup de chez lui, en dehors de l'aide apportée et des quelques invitations de ses anciens amis et pour faire les courses.
Et c'était bien pour ce côté mystérieux et casanier que la population du village préférait croire et répandre des rumeurs de plus en plus ridicules et blessantes. Albert se sentait trahi, comme jamais il ne l'avait été, et il savait que quoi qu'il puisse dire, il serait moqué et fui.
Alors après des mois à vivre un calvaire à cause des personnes bêtes qui venaient même jusqu'à chez lui pour le harceler et vandaliser sa maison, Albert fit une longue lettre expliquant tout ce qu'il avait sur le coeur.
Il prit son courage pour enregistrer une vidéo dévoilant sa vie remplie de tristesse, réchauffée par l'aide qu'il partageait dans le village et l'amour qu'il pensait recevoir en faisant tout ça.
Puis, après avoir expliqué tout ce qu'il voulait, il recula un peu afin d'être entièrement vu devant la caméra de son téléphone. Il n'avait plus la force de vivre de cette façon, il avait besoin d'être en paix. Il leva sa main droite, un pistolet à la main, déjà prêt à tirer. L'approchant de son crâne, il posa l'arme entre ses deux yeux, puis après un soupir lourd de sens, il appuya sur la gâchette.
Sa cervelle explosa dans un mélange de bruits visqueux et de la détonation du pistolet. Le sang gicla presque jusqu'à sur le téléphone. Son corps tomba lourdement sur le sol, puis l'arme chuta de sa main dans un écho métallique. Le téléphone n'étant pas calé solidement, tomba au sol à son tour et un silence paisible et à la fois chargé résonna dans l'entièreté de la maison.
Les personnes ayant entendu la déflagration ne s'étaient pas risquées à aller voir ce qu'il se passait, persuadées que le dangereux homme venait de tuer une victime et ne voulant pas être la prochaine.
Albert fut retrouvé une heure après son suicide, alors qu'un de ses anciens amis s'était inquiété de ne pas le voir en ville le jour même. Cet ami se mit à hurler en découvrant Albert dans cet état, il savait déjà que c'était trop tard pour penser le revoir vivant dans ce monde, regrettant déjà de lui avoir tourné le dos à tort.
Uniquement son ancien entourage proche eut le droit d'assister à la cérémonie suivant l'incinération pour une question de respect, même si les personnes présentes se sentaient terriblement coupables de ne pas avoir été fidèles à Albert.
Chacun rendit hommage au décédé en enquêtant et faisant éclater au grand jour la vérité, même si le concerné n'était plus présent corporellement pour le voir. Et la vieille femme, sous pression, finit par avouer qu'elle avait gonflé ce qu'elle avait vu un jour qu'elle se trouvait derrière sa fenêtre, o regarder les passants. Par la suite, cette femme fut à son tour détestée pour avoir été le commencement de l'histoire et ses enfants l'avaient ensuite mise dans une maison de retraite afin qu'elle se repose et ne colporte plus des rumeurs.
Quelques villageois reconnurent cependant, avoir été autant fautifs que la vieille dame, en partageant les rumeurs sans même savoir si les histoires étaient vraies et en développant de la méchanceté gratuite envers Albert, qui avait été si gentil avec eux. Ils se promirent de ne plus parler sur ce qui ne les regardait pas, et sans affirmation des concernés.
Annotations