Une fois près, on se précipite au garage en se bousculant.

Nous rions comme des gosses et nous enfourchons ma moto pour laisser nos problèmes derrières nous.

En un rien de temps, nous sommes dans la forêt. Je file à toute allure en passant facilement tous les obstacles devant nous. Jon me serre fort la taille et moi je me sens soudainement invincible.

Les branches claquent sur mon casque, les feuilles s'envolent et la terre s'enfonce à peine sous mes roues.

Une fois sur la route goudronée, j'accélère encore et nous prenons chaque virage le cœur aux bords des lèvres. Je frisonne de plaisir et contracte mes mains sur les poignées.

Jon se met à crier de joie :

-Ça m'avait manqué !

A nouveau libre et heureux, nous nous asseyons sur une table d'aire d'autoroute loin de tout.

Le sourire aux lèvres, et aucune chose à se dire. A part se lancer des regards lourd de sens, nous nous contentons d'admirer le paysage qui se réveille doucement.

Mais...mes paroles blessantes me reviennent à l'esprit. Alors je tourne la tête vers Jon qui me regarde presque tout de suite. Je parle les yeux baissés en glissant ma main vers la sienne :

-Je suis désolé pour ce matin. Je...

-Tu n'arrives toujours pas à exprimer tes sentiments je sais.

Je rougis un peu et rajoute en retirant ma main :

-Pardon d'être comme ça.

Mais sa main chaude vient vite rattraper la mienne. Il ne m'en veut pas...

Pris d'un élan de courage, je lève mes fesses et m'approche de lui. Toujours sans le lâcher des yeux, je colle nos fronts. Je le sens s'approcher aussi. Alors nos nez se rencontrent à leur tour. J'ai encore envie de ressentir ce frisson qui m'a parcourus quand j'ai touché sa peau nue du bout des lèvres . Ma langue se délie enfin et je murmure en frôlant ses lèvres :

-Pardon mais je crois que je trouverais jamais les mots pour te dire tout ce que tu représentes pour moi...

Nous bougeons de nouveau et je goûte à son sourire angélique. Le baiser est si délicat et chaste qu'il va me réchauffer jusqu'au plus profond de mon cœur.

J'y suis presque. Le bonheur est à porté de main...

Nos lèvres à peine rosies par le baiser, se quittent finalement. Souriant, nous nous regardons, nez contre nez. Jon demande en riant :

-On aurait peut être dû prévenir qu'on partait non ?

-Tant pis. De toute façon j'ai pas envie de m'en aller d'ici..

-Moi non plus...

-Jon...

-Oui ?

Je perd mon sourire et dit doucement :

-Je crois qu'on devrait rien dire à la maison...

-Oui je sais. Il y a que Dick qui comprendrait. Et si mon père l'apprenait il deviendrait fou.

Je me redresse et demande en riant nerveusement :

-A ce point ?

-Bah...je crois pas qu'il est un truc contre les garçons qui aiment...les garçons, mais le fait que tu sois plus âgé et que tu sois le fils de son meilleur ami, ça pourrait l'énerver je pense. Et puis tu sais combien il est protecteur pour tout et n'importe quoi.

-Je vois...

-Qu'est ce qui a ? Toi c'était pas pour ça que tu t'inquiétai ?

-Je pensais aussi à Sikheõ en fait.

Jon demande d'une voix plus inquiète :

-Pourquoi à lui ?

-J'ai pas vraiment envie qu'il se mette à t'envier et à te rendre la vie dure.

-Et tu ne t'es pas rendu comte qu'il le faisait déjà ?

Je relève la tête abasourdie. Jon continue en regardant l'horizon :

-Tu es décidément pas très attentif... Depuis qu'il m'a vu il y a un peu plus de quatre ans, assis sur tes genoux, dans ta voiture, il ne me lâche plus.

-Il t'as fait du mal ??

-Non pas vraiment... Il fait tout pour me faire croire que je ne t'intéresse pas.

Mon cœur se serre et je chuchote :

-Je ne savais pas...

-Je sais.

Silence. Le vent secoue les cheveux en bataille de Jon et vient me glacer le dos.
Mais deux yeux transparents viennent se poser sur moi. Jon ne laisse rien paraître.

Le petit garçon s'est envolé. Il semble avoir grandit d'un coup.

La déception amoureuse est-elle la pire des douleurs... ? Et lui...il m'aime malgré tout ?