Chapitre 54
Tim continue. De toute façon je n'ai pas la force d'en parler...
-On roulait en moto quand une voiture est arrivé à contre sens. Si Damian n'avait pas eu le réflexe de nous pousser dans le bas côté, on serait passé sous les roues...
Mon père lâche mon frère et s'essuie les yeux d'une main tremblante. Il respire fort et lâche même de petit hoquets. Je ne l'ai jamais vu dans cet état... Ou alors je me suis toujours persuadé que c'était le cas. Il ne montre jamais sa faiblesse. Comme moi, ça l'effraie trop.
Mon père, à bout, nous tends ses bras de géant et nous enlace tous les deux. Je m'agrippe à sa chemise et sanglote sous sa poitrine. Moi aussi je suis faible... Après tout, on est juste humain.
Il nous serre fort en chuchotant d'une voix que je ne lui connaissait pas :
-Mes fils... Me faites plus jamais ça ok ? Je veux plus jamais avoir à subir un autre...
Il renifle et rajoute :
-Mes garçons...c'est moi qui devrait partir en premier...pas l'inverse !
Je lève les yeux, bouleversé par ses paroles et remarque que Jason nous a rejoint. Lui ne pleure pas. Je crois bien qu'il ne l'a jamais fait... Tim tente aussi de contenir ses sanglots, mais rien n'y fait : une larme tranche sa joue en deux...
Je sais pas trop combien de temps on est resté comme ça. A pleurer comme des idiots les uns sur les autres.
Mais Tim fut le premier à se dégager. Je le regarde partir, le nez et les yeux rougis par mes pleurs incessants. Il monte les escaliers, sans lâcher un mot. Jason l'imite. Puis enfin mon père se redresse. Il me prend l'épaule et me fait passer devant lui.
Sans trop savoir comment, je devine tout de suite où se dirige ce petit cortège.
Tim pousse la porte de la chambre de Dick et entre. Nous le suivons tous, toujours en silence. Je les dépasse et me jette à plat ventre dans le lit de mon frère.
Et dire qu'hier soir j'étais là, dans ses bras...
Je renifle et enfoui ma tête dans son coussin. Pardon Dick...j'aurais dû t'empêcher d'y aller ! Je suis tellement égoïste ! Pardonne moi !
Mais je sursaute : un truc lourd et chaud m'entoure. Tim s'est allongé contre moi et a passé son bras sur mes épaules. Jason nous rejoint et se place à côté de moi. La tête appuyée contre le mur, le regard dans le vague, lui n'ose pas nous témoigner un acte de tendresse. Mais peu importe : je suis entouré de mes frères...
C'est finalement mon père qui vient clore la scène. Il s'assoit en tailleur, à côté de Tim et lui caresse la tête. Ce dernier, ne me lâche pas du regard. Ce regard qu'il a sur moi...on dirait Dick... Un regard qui me traduit sa détermination à ne laisser personne me faire du mal.
Merci Tim.
Mais je ne dit rien et me contente de continuer de sangloter en serrant le tissus de son coussin...
Je suis tellement fatigué...j'ai l'impression de pleurer depuis des années
Je veux que ça s'arrête. Je veux voir Dick et Jon... Je veux les voir. Les sentir me serrer contre eux. J'ai besoin d'eux...et de leur amour qui m'a fait changer.
Je ne veux plus pleurer.
Je ne veux plus ressentir cette souffrance de perdre quelqu'un.
Je veux que ça s'arrête...
Le lendemain, je rouvre les yeux.
Mon cœur se serre car le réveil est brutal : je suis de nouveau seul.
Cette expérience ne nous a pas rapproché. Au contraire. Tout le monde cherche comme il peut à oublier.
C'est la deuxième bouteille de whisky que mon père ouvre aujourd'hui... Il erre dans les couloirs du manoir, son verre à la main. Il ne sort plus. Finit les dîners mondains ou les œuvres de charité. Mais il s'en fiche. Il lui suffit de dire que son premier fils est décédé, et les gens s'excusent et reculent comme si mon père était devenue intouchable et sacré.
Jason est reparti. Il m'a dit qu'il ne reviendrait pas avant trois ans... Un peu moins si il a de la chance, mais ce n'est pas sûr.
Il a mis son masque de moto pour couvrir son nez et sa bouche. Mais au lieu de mettre son casque, il m'a tiré à lui et a « posé » sa bouche sur mon front. J'ai rougis, un peu gêné par ce geste vraiment inattendus. A travers le tissus épais, j'ai pu traduire ce qu'il me disait :
-Prend soin de toi Damian. Je veux qu'à mon retour Tim et toi soyez toujours là ok ?
Alors je lui ai sauté au cou pour lui répondre d'une voix d'enfant traumatisé :
-On fera attention à nous, promis Jay.
Et il est partit...
Il n'y a plus que Tim, moi et ce qu'il reste de mon père à la maison.
Désolé Dick, tu as toujours voulu nous voir heureux. Mais je crois bien que personne ne s'en remettra jamais...
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