Ma Joconde
Ses petits yeux me fixaient intensément.
Je n’ai jamais su déterminer précisément leurs couleurs. Ils pouvaient varier du bleu ciel joyeux au gris franchement fâché en passant par le vert tendre. Alors autant préciser tout de suite qu’ils étaient de la couleur de son humeur.
J’adorais ses jolis petits cils qui s’évertuaient à détourer géométriquement l’ovale de ses yeux. Elle avait beau user et abuser du mascara (satisfait ou remboursé) garanti super allongeant. Eux, ils s’en foutaient carrément. Ils semblaient déterminés à rester indéfiniment courts.
Les rides aux abords de ses yeux creusaient consciencieusement les célèbres pattes d’oies de ma mère. Ces rides... : Mes préférées ! Celles-là même qu’elle essayait d’effacer à n’importe quel prix, à grand renfort de minuscules pots miraculeux. « Tu verras, toi aussi, un jour, tu ne les aimeras pas, celles-là »
Ses petits yeux me fixaient intensément.
Son regard me suivait tout le temps, mon cœur le savait. Souvent, il m’encourageait, mon ventre s’apaisait. Parfois, il m’interrogeait, ma tête réfléchissait. Toujours, il comprenait, même si ma bouche se taisait. Il m’a quelquefois fustigé, ma joue s’en souvenait. Il me rassurait constamment, mon être s’assurait... Puis, un jour, je l’ai vu lointain et embrumé. Il était tout de travers. Il s’est enfui soudain pour tomber dans le vide.
Ses petits yeux qui me fixaient intensément ne reconnaissaient plus les miens. Le miroir s’était brisé en mille éclats de pleurs. Foutu miroir ! Sept ans de malheur, minimum.
Ses petits yeux, qui me fixaient intensément...un jour, je les ai fermés. Sans sourciller. En un clin d’œil.
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