Chapitre 18

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Deuxième chance

Vincent la reconnut immédiatement.

— Bonjour, Vincent.

— Bonjour.

— Je suis la commandante Élise Dubois, et j’imagine que vous savez de quoi je veux vous parler.

— J’imagine… et j’espère. La dernière fois que je vous ai vue, vous étiez mourante sur un brancard.

— Je vais beaucoup mieux, merci. Je sais que vous avez été en contact, même très bref, avec quelque chose, n’est-ce pas ?

— Oui, je suis certain que des extraterrestres m’ont parlé.

— Et que vous ont-ils dit ?

— Juste « NON », mais vous le savez déjà.

Vincent trouvait la conversation frustrante. Pourquoi tournait-elle autour du pot ? Pourquoi ne disait-elle pas directement ce qu’elle voulait ?

— Je suis autorisée à vous dire, commença-t-elle enfin… que le système de communication extraterrestre n’était malheureusement pas adapté à votre esprit. Un dialogue plus approfondi vous aurait probablement été fatal.

— Ah… mince.

Voilait qui allait compliquer son rêve, mais il trouverait une solution. Il marqua une pause, digérant l’information, avant de demander :

— Alors pourquoi suis-je ici ?

— Parce qu’ils sont, ou vont très bientôt être de retour. Et, vu votre enthousiasme, ils semblaient… disons, ennuyés de ne pas avoir pu communiquer davantage avec vous. Ils ont normalement résolu le problème d’incompatibilité de leur système de communication. Nous vous proposons une seconde chance. Mais cela implique un voyage assez éloigné, avec un départ après-demain.

— D’ACCORD ! répondit-il sans réfléchir, presque en criant. Enfin… je veux dire, oui, je veux venir !

— Rendez-vous dans deux jours, à neuf heures, à l’entrée du bâtiment. Prenez des vêtements de rechange pour plusieurs jours. Il fera chaud, mais prévoyez des manches longues, des pantalons et des chaussures de marche. Si vous jugez utile de prévenir votre famille, dites-leur simplement que vous ne serez pas joignable pendant quelques jours. Sinon, discrétion absolue ! Vous êtes toujours soumis aux accords de confidentialité que vous avez signés. Des questions ?

Vincent avait l’impression qu’un volcan en pleine éruption bouillonnait dans son crâne.

— Non… enfin, si : la dernière fois, vous avez été attaqués ?

— Non, c’était juste un accident, répondit-elle en souriant.

— Et vous leur avez parlé ?

— Secret défense, lui rétorqua-t-elle avec un clin d’œil.

Puis, après une brève hésitation, elle ajouta :

— J’ai une dernière question : concernant votre nom de famille…

— Aucun lien, répondit Vincent en devinant où elle voulait en venir. On me le demande souvent.

Après cet entretien, Vincent se précipita au supermarché pour faire quelques achats et préparer ses affaires. Il remplit un grand sac de sport avec des vêtements adaptés, l’excitation à son comble. La perspective de cette aventure était si palpitante qu’il eut toutes les peines du monde à trouver le sommeil cette nuit-là, la suivante aussi d’ailleurs.

Départ

Dans une de salle de briefing du ministère des armées de Paris, une petite équipe était rassemblée. Huit militaires français, sept d’un corps d’élite, le huitième était un homme du service communication, passionné par le matériel vidéo. Il serait le vidéaste de la mission, étrangement il était plus passionné par le matériel qu’il devrait utiliser que par la mission, une caméra de la marque Aaton, un modèle Pénélope récupéré dans un musée par manque de temps. Cette marque grenobloise était une des dernières à avoir produit les caméras « modernes » utilisant encore du film photo. Ensuite il y avait deux agents américains. Une belle jeune femme s’était présentée sous l’identité d’Émilie, mais qui était très probablement la même personne que la mystérieuse Cassandre, elle parlait un français irréprochable. Un homme l’accompagnait, nommé Jason, il était spécialisé en communication, sa mission serait d’ouvrir une liaison « live » vers les services militaires américains. Il travaillait depuis trois ans à l’ambassade et parlait un français très correct malgré un accent très reconnaissable. Les services du général avaient trouvé et réussi à convaincre un certain Benjamin. C’était un colosse, deux mètres dix, de masse et de muscles, seule son attitude un peu penaude avec la tête penchée vers l’avant laissait un doute sur son travail. Les militaires l’avaient jaugé dés sont entrée pourtant, c’était le scientifique du groupe, son domaine assez théorique l’exobiologie ou astrobiologie comme il préférait le dire consistait à étudier comment la vie pouvait émerger sur terre comme ailleurs. Cette discipline parfois raillée pour son côté science-fiction nécessitait pourtant des connaissances interdisciplinaires fortes en géologie, climatologie, chimie organique, biochimie et génétique pour les principales.

Tout ce petit monde attendait devant le général et la commandante.

— Des nouvelles de Vincent demanda t’elle discrètement au général ?

— Le jeune civil… il semblerait qu’il ait raté son réveil… Il était tellement en retard que je l’ai fait intercepter pour être directement conduit à la base d’où vous allez décoller.

— Et comment savez-vous cela ?

— Vous pensez bien que je l’ai fait surveiller et écouter… Bon, ne perdons pas plus de temps.

— Bonjour à toutes et tous, ceci est une mission militaire, vous êtes tous aux ordres de la commandante Dubois qui, de plus, est la personne ayant le plus d’expérience sur le sujet. Vous avez tous déjà été informés des enjeux. Nous allons à un rendez-vous avec une espèce extraterrestre. À partir du moment où vous approcherez, tout peut arriver, et je pèse mes mots, dit-il en repensant aux altérations temporelles et à la disparition de la commandante.

— Donc, reprit-il, de la rigueur, de l’obéissance aveugle, si elle vous dit de courir vous courez ! j’attends de vous le plus grand professionnalisme. Nos amis…

Il avait prononcé ce mot en exagérant la prononciation.

— Américains étant parfaitement bilingue, vous utiliserez le français.

Regardant Émilie, il continua.

— J’attends aussi que vos collègues nous fassent part de leurs analyses tactiques. S’ils ont des suggestions à faire au comandant qu’ils n’hésitent pas.

— Départ dans dix minutes dans trois véhicules en direction d’un aérodrome militaire.

Désignant particulièrement l’ingénieur Com et l’astrobiologiste, il continua.

— Votre matériel a été inspecté et vous attend déjà dans l’avion. Tout comme l’équipement militaire et un autre invité.

— Le moment est historique, votre mission peut être vitale pour l’avenir de l’humanité ! Bon courage et bonne chance.

Boulet un jour…

Depuis son rendez-vous avec la commandante, Vincent avait très mal dormi, s’imaginant les mille scénarios de sa prochaine rencontre. Et comme par hasard, LE jour du départ, son corps avait réclamé son déficit de sommeil.

Il se réveilla tranquillement jusqu’à ce qu’il voie l’heure sur son téléphone. Pas le temps de savoir ce qui n’avait pas fonctionné, il était d’ailleurs possible qu’il n’ait pas entendu son alarme programmée sur son téléphone ou qu’il l’ait éteint et avait eu le malheur de cligner des yeux, un clignement de deux heures !

Beaucoup de juron, de courses désordonnées dans ses onze mètres carrés ce qui machinalement lui valut une chute et une douleur fulgurante, celle du petit orteil voulant suivre son propre destin sur un coin de mur.

Vincent sorti du bâtiment, sans avoir mangé, sans être lavé, à peine était-il habillé. Il s’élançait comme un fou sur l’avenue le menant à l’entrée du RER la plus proche quand un homme lui fit signe.

— Pas le temps, dit-il en le dépassant

— Mr VINCENT PESQUET, JE SUIS LÀ POUR VOUS !

L’homme avait crié son nom ! Rouge et déjà en sueurs Vincent freina, enfin… une main agrippa le pied d’un panneau, ralentissant le mouvement de son corps plus vite que ses pieds ne pouvaient gérer et il termina allongé sur le trottoir. La journée allait être longue à ce rythme !

L’homme lui expliqua calmement qu’il n’était pas en retard et qu’il l’emmenait à son avion. C’est une fois installé dans la voiture qu’il se rendit compte de son état et de son odeur.

— Super, j’espère que les aliens n’ont pas d’odorat, se dit-il en reniflant sous ses aisselles.

Il se rendit aussi compte que son sac était resté ouvert et qu’une partie de ses vêtements s’étaient permis d’en sortir. Dans le rétroviseur, le militaire observait son passager.

— « bordée de jurons »

Une heure et demie plus tard, son chauffeur s’arrêta sur une base militaire possédant un petit aérodrome.

— Mr Pesquet, j’ai un peu compris vos ennuis, le reste du groupe devrait arriver d’ici vingt minutes, si vous le souhaitez je peux vous proposer une douche et vous trouver des vêtements.

— Sérieux ! vous êtes mon ange gardien ! Comment avez-vous su que je serais en ret…

Ne voulant pas donner d’explication, le militaire le coupa.

— Nous n’avons pas beaucoup de temps !

Il le conduisit vers des douches rustiques, heureusement il n’y avait personne, il n’avait jamais été un grand fan des douches communes, c’était une des raisons pour lesquelles, petit, il n’avait pas voulu rejoindre ses copains dans le club de foot. Se mouiller, se savonner, se rincer, on lui avait laissé une serviette, parfait ! À peine avait-il terminé de se sécher et d’enrouler la serviette autour de sa taille que le gars lui amenait des affaires. De simples T-shirts blancs, et des habits militaires : trois treillis, pantalons et vestes et il lui avait même trouvé une paire de rangers, robuste, chaussure montante en cuir.

— Ils sont en avance, ils seront là dans quelques minutes.

— C’est pas ma journée ! répondit Vincent.

L’homme avait rapidement compris sa gêne et l’avait attendu en dehors de la pièce. Il enfila les vêtements rapidement et fourra le reste dans son sac à moitié vide. Avisant les chaussures militaires et leur long laçage, il les rangea aussi et enfila ses baskets puis partit en petite foulée derrière son guide pour arriver devant le bâtiment alors que trois véhicules s’y garaient.

La veille il avait investi dans une power-bank, l’accessoire permettant de recharger son téléphone, tout était chargé à bloc, enfin une chose réussie !

En route pour la Guyane

Vincent avait reconnu la commandante, il y avait un groupe de militaires et un géant avec des habits civils.

— Bonjour Vincent ! des problèmes de réveil, paraît-il ?

Il avait probablement rougi.

— Mais comment vous…

Il fut encore une foi interrompue, elle lui répondit

— Ne posez pas de question et estimez-vous chanceux.

Elle détailla son accoutrement s’arrêtant sur ses vieilles baskets.

— Vous voulez faire couleur locale c’est bien, mais les chaussures vont poser problème !

— Ne vous inquiétez pas j’ai des rangers dons le sac.

La femme eut une petite moue mêlant surprise et respect. Vincent vérifia rapidement que son ange gardien ne pouvait pas gâcher ce moment. Heureusement, il était retourné dans le bâtiment.

La commandante prit la parole s’adressant à tout le groupe en ouvrant un sac.

— Tout le monde, votre attention, le protocole pour ce genre de mission…

N’ajoutant rien, elle passa devant les militaires qui sans sourciller lui remirent téléphones portables, montres connectées, paquet de cigarettes. Le grand civil s’exécuta aussi juste devant lui. Vincent, dégoûté, déposa dans le sac son téléphone et sa batterie de secours. De toute façon il n’avait pas de forfait international !

Le sac fut déposé dans une boîte dans le coin du bâtiment.

La commandante reprit,

— Direction le gros Airbus, nous accompagnons une mission prévue depuis longtemps, nous ne manquerons pas de place au moins et il est beaucoup plus confortable que les autres. C’est parti !

Il avait en effet été décidé, afin d’éviter qu’« amis » ou ennemis ne découvrent la destination trop tôt, que cinq vols longue distance partiraient au même moment pour les quatre coins de la planète, certains pour un trajet utile d’autres moins.

L’avion était effectivement massif un A340, ce n’était pas un de ces avions à hélices, il était rapide, fiable, peut sensible aux turbulences vue son envergure, il disposait d’un étrange appendice sous sa queue lui permettant de ravitailler en vol des appareils plus légers. Une autre équipe d’une dizaine de militaires était déjà installée à l’avant, le groupe se dirigea à l’opposé pour pouvoir discuter des détails de la mission sans oreilles indiscrètes.

Après le décollage, la commandante fit rassembler son groupe autour d’elle afin que tous puissent la comprendre.

— Nous sommes partis pour 10 à 11h de vol, nous allons en Guyane sur place, il fait environ trente degrés ressentis trente-huit. À l’arrivée nous serons héliportés par les équipes locales qui nous accompagneront au sol, dans la jungle, jusqu’à deux kilomètres de la cible. C’est une zone fièvre jaune, les civils et les Américains n’étant pas vaccinés, voici des bombes de répulsif à soixante pour cent de DEET, faite un test sur votre peau avant d’arriver. Il y en a assez pour tout le monde.

Tous rassemblé sur deux rangés de siège, Vincent était fasciné par le géant. Heureusement pour lui qu’il y avait le choix de la place. Il regarda ensuite les différentes personnes et un visage le troubla. Il ne l’avait pas encore remarqué, mais parmi les militaires il y avait une femme aux cheveux aussi courts que les hommes. Et ses yeux, sa bouche… une impression de déjà-vu. Il la trouvait belle, même sans cheveux.

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