J'ai franchi le portail du lycée depuis à peine cinq secondes que Julie est déjà là à me harceler de question.

– Alors, t'as vu Arthur ce week-end mon Lulu ?

– Chut ! Ne dit pas son nom à voix haute.

– Tout le monde s'en fout que je parle de Pierre-Louis, Marie-Françoise, Jacqueline ou Arthur, insiste-t-elle en parlant encore plus fort.

– Julie ! Et puis, t'es bien curieuse de bon matin !?

– Ok, je vais faire attention. Mais en même temps, je suis bien obligé de t'interroger tu n'as pas répondu à un seul de mes messages de tout le dimanche. Tu oublies que je suis ta meilleure amie ? dit-elle, avec une petite moue boudeuse.

Elle a raison, je l'ai un peu zappée dimanche mais ce n'est pas de ma faute. Je suis resté coincé à table presque tout l'après-midi, pour un repas de famille. Du coup, les rares messages que j'ai pu envoyer, en réussissant à éviter le regard noir de ma mère braqué sur mon smartphone, ont été pour mon amoureux.

– Oui, on s'est vu samedi après-midi.

– Et alors ?

– Quoi et alors ? On était dans un parc et on a fait que parler. Fin de la discussion, ajouté-je en passant devant Julie pour rejoindre le magnifique garçon qui vient dans ma direction.

Je ne sais pas pendant combien de temps je vais ressentir ça, mais pour l'instant à chaque fois que je le vois ça me fait tout drôle. J'ai comme des frissons, un petit coup de chaud et les battements du cœur qui accélèrent. Si ma mère était là, elle prendrait ma température !

On s'est mis d'accord samedi pour se comporter comme des amis au lycée. Ça veut dire que je vais pouvoir passer du temps avec lui mais qu'il va falloir qu'on fasse attention à ne pas être trop tactiles, pour ne pas éveiller les soupçons. Au final, rien de bien différent des couples hétéros car on est dans un lycée plutôt strict, et comme il est si poétiquement écrit dans le règlement, "les démonstrations de relations intimes ne sauraient déborder dans l’enceinte de l’établissement". C'est vrai que dit comme ça, ça ne fait de toute façon pas trop envie !

– C'est ça que tu appelles être discret ? Rentre ta langue dans ta bouche et arrête de me regarder avec des yeux comme ça, me murmure Arthur l'air faussement en colère.

– Oui, enfin si tu voulais être crédible, il faudrait surtout que tu arrêtes de me sourire bêtement.

– Bon ok, on ressemble à de deux grands couillons amoureux. Je sens que ça ne va pas être simple à dissimuler.

– Tu sais, je ne crois pas que tu sois le style d'élève qu'on vienne soupçonner d'être gay, et puis tu es suffisamment respecté pour que qui se soit se garde de lancer une rumeur sans preuve.

– T'as raison, mais je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir résister avant de t'embrasser au milieu de la cour. Tes parents sont d'accord pour que tu manges à midi en dehors du lycée ?

– J'en n'ai pas encore parlé. Par contre, c'est bon pour la piscine mercredi en début d'aprèm, et tu peux venir ensuite à la maison pour bosser.

– Cool, il faut absolument que je remonte mon niveau en math et en chimie, me dit-il avec un clin d'œil.

– Je te préviens, il va quand-même falloir qu'on travaille sinon...

C'est la sonnerie qui couvre la fin de ma phrase, mais il me fait une petite tête triste et me tire la langue. Il a dû comprendre l'essentiel. Il n'empêche que j'ai hâte d'être mercredi même si à la piscine je vais devoir le partager avec ses imbéciles de copain, au moins ensuite je l'aurai pour moi tout seul, et en plus mes parents travaillent tous les deux. En même temps, j'ai toujours un peu d'appréhension. On n'a pas encore discuté des trucs qu'on pourrait faire ou pas et Arthur à beaucoup plus d'expérience que moi – ok, moins ça serait pas possible – et il va peut-être vouloir faire des choses pour lesquelles je ne suis pas prêt. Je me fais sans doute du souci pour rien, et puis je suis sûr qu'il sera d'accord pour qu'on prenne notre temps.