On ne va pas se mentir, c'est moche et ça doit dater de la seconde guerre mondiale. De vieux meubles en bois marron entourent les deux lits de la chambre et hormis une table pour travailler et un lavabo, il n'y a rien d'autre. Je me suis allongé sur le matelas, pour lire leur foutu règlement. Une fois ma lecture terminée, il faudra que je signe l'attestation de prise de connaissance et d'adhésion à leur : "Charte de civilité et de comportement". Je n'ai absolument pas envie de signer ce truc, mais je n'ai pas le choix.

Le passage dans le bureau du commandant avait été assez rapide. Mon père avait manifestement eu la délicatesse de ne pas lui préciser les raisons de mon arrivée, mais il m'avait bien fait comprendre que c'était l'intervention de mon géniteur auprès de la ministre des Armées et de la Défense qui avait permis mon intégration et que, pour résumer, j'avais intérêt à ne pas me faire remarquer. Une chambre de l'internat était vide, suite au départ exceptionnel de deux terminales en cours d'année, mais on ne tenait pas à ce que je sois seul dans ma chambre. La question de mon futur colocataire n'était pas tranchée, mais Kieran qui se trouvait être dans une chambre de trois, s'était évidemment proposé puisque je le cite "nous avions déjà sympathisé et que cela faciliterait mon intégration". Je lui avais discrètement jeté un regard noir auquel il avait répondu par un léger sourire. Après un passage rapide par ma future cellule pour poser mes affaires, il avait fallu ensuite récupérer mes tenues réglementaires, l'uniforme étant bien sûr obligatoire. Et, évidemment, Kieran m'avait une nouvelle fois servi d'escorte. Bon pour être honnête, sans lui je serais encore en train d'errer dans les couloirs de l'immense bâtisse.

– Il fait quoi du coup ton père pour connaître le ministre ?

– Tu vois pas que je lis ce règlement à la con. On peut fumer où ?

– Je réponds à ta question si tu réponds à la mienne.

Et ça le fait rire. Ce type m'agace profondément avec sa bonne humeur et sa joie de vivre, mais en même temps c'est peut-être ce dont j'ai besoin pour le moment et il faut bien reconnaître qu'il a l'air plutôt sympa.

– Ok, ça marche. Il est préfet. Il a fait l'E.N.A., et si j'ai bien compris, il est de la même promotion que la ministre. À toi ?

– Nulle part.

– Comment ça ?

– Il n'y a que les étudiants qui ont le droit de fumer et encore que dans certaines zones, pour les lycéens c'est interdit.

OK, je retire ce que j'ai dit, il n'est pas sympa et il se fout bien de ma gueule. Et en plus ça le fait rire.

– T'as pas des affaires à récupérer dans ta chambre ?

Je lui jette mon regard le plus méchant possible et bien qu'il ne semble clairement pas impresionné, il finit par se lever.

– C'est bon, le message est passé. Pas la peine de me fusiller des yeux. Je te laisse seul un moment. À tout à l'heure.

Il s'en va enfin, mais ne peut s'empêcher de me faire un petit sourire accompagné d'un haussement d'épaule en passant devant moi. Bon, je dois bien reconnaître que je me suis fait avoir avec son marché de dupe, et dans d'autres circonstances, ça m'aurait sans doute fait rire.

J'en ai marre de ce règlement, je signe leur foutu papier et je commence à ranger mes affaires. J'en profite pour essayer les différentes tenues qui m'ont été fournies. Mon daron avait dû donner ma taille car elles me vont toutes parfaitement. Je prends mon téléphone, pour lequel j'ai dû remplir une fiche de déclaration - on marche sur la tête ici - et j'envoie quelques messages. Coco et Flo me répondent dans la minute qui suit. Julie quant à elle continue de m'ignorer. Je discute un moment avec les deux abrutis, allongé sur mon lit. Je crois que je me suis même assoupi quelques instants et c'est le retour de Kieran qui me sort de mes rêveries. Il arrive avec deux grands sacs sur les épaules et les jette sur son lit.

– Je m'excuse pour tout à l'heure. Je ne sais pas pourquoi t'es ici mais j'imagine que ça ne doit pas être simple pour toi. Tu sais en dehors de quelques règles strictes, c'est sympa ici. Et si tu aimes le sport, tu vas pouvoir te défouler.

C'est bon il a gagné, il est vraiment gentil ce mec et même si ça m'agace je n'ai pas vraiment de raison d'être fâché avec lui alors autant essayer de terminer cette année du mieux possible.

– J'adore le sport et... je suis désolé pour ma réaction. On va dire que je suis un peu tendu.

– Pas de problème. On va manger ?! Tu verras la bouffe est plutôt bonne.