Chapitre 49 (dimanche 30 avril 2017)
Je me réveille en sursaut. Je suis allongé dans mon lit, mais je ne sais pas vraiment comment je suis arrivé jusque-là. La seule chose dont je me souvienne, c'est Kieran à poil, penché au-dessus de moi, alors que je suis toujours assis par terre, dans la douche. Il est sacrément bien foutu d'ailleurs. Je chasse cette pensée dont j'ai instantanément honte. Par contre, elle en emmène aussitôt une autre et je soulève ma couverture pour constater que je suis toujours tout nu. J'entends le bruit d'une chaise, puis immédiatement derrière, la voix de mon camarade de chambre.
– Comment ça va ?
J'ignore sa question, à laquelle je serais de toute façon bien incapable de répondre, pour lui en poser une à mon tour.
– C'est toi qui m'as ramené ici ? Tout seul ?
– T'inquiète, j'ai prévenu personne. Si je le fais, tu seras obligé de voir le psychologue du centre et je ne crois pas que tu en aies envie, si ?
Encore une fois, je préfère me taire. Si j'essaie d'être honnête avec moi-même, parler de tout ça à quelqu'un me ferais sans doute du bien, mais hors de question de voir un putain de psy.
– Tu ne te rappelles de rien ?
Kieran ne supporte décidément pas le silence.
– Non... Comment t'es entré dans la douche ?
– Tournevis.
– T'aurais quand même pu prendre le temps de t'habiller ou au moins de mettre une serviette autour de la taille.
– Tu vois que finalement, tu te souviens de quelque chose, dit-il en rigolant.
– Ta gueule !
Une insulte pour couvrir un moment de gêne, c'est une stratégie qui est souvent payante. Malgré tout, je sens le rouge gagner mes joues. Je lève les yeux vers Kieran, pour constater que même si c'est lui qui a voulu jouer au plus malin, sa répartie semble autant l'embarrasser que moi. En tout cas, la bonne nouvelle c'est qu'il semble avoir renoncé à continuer cette discussion.
– C'est qui Lucas ?
Ça s'était la question à ne pas poser. J'essaie de me contenir mais je sens la colère qui grandit en moi et avant même que j'ouvre la bouche, je sais que le pauvre va prendre cher pour quelque chose dont il n'est pas coupable.
– Putain, tu fais chier connard. T'es incapable de fermer ta grande gueule. C'est personne...et pourquoi tu me demandes ça ? J'ai dit quelque chose de particulier à propos de Lucas ?
– Tu sais quoi ? C'est toi le gros connard.
Il me fusille du regard, puis quitte la chambre. Quelques secondes après, je le vois réapparaitre sur le palier de la porte.
– Demain, je vais voir un responsable pour changer de chambre.
Je le regarde s'en aller sans rien dire. Il m'emmerde à toujours vouloir tout savoir. Même s'il a raison, c'est moi qui me comporte comme un débile. De toute façon, je fais tout de travers depuis l'accident...
Je vois la voiture rouge qui arrive sur ma gauche. J'accélère espérant l'éviter. Pendant une fraction de seconde, je crois y être arrivé. Et puis, le choc, sur l'arrière de moto. Je vole mais j'atterris assez rapidement. Je m'étonne de ne même pas avoir vraiment mal. Je me relève et je cherche Lucas des yeux. Je finis par l'apercevoir, coincé sous la moto, une cinquantaine de mètres plus loin. Je cours. Je hurle son nom. Il ne bouge pas et je ne sais pas quoi faire. J'entends des pas derrière moi. Le mec de la voiture qui me dit quelque chose à propos des secours. Je me relève et je me jette sur lui. Trois ou quatre personnes m'attrapent. Trop tard, le type en face a le nez en sang. Un autre gars m'entraine à l'écart et essaie de me calmer, mais moi je veux juste retourner vers mon chéri. Le bruit des sirènes, lointain, mais qui rapidement remplit tout l'espace. Un ambulancier qui me demande de m'allonger sur un brancard. Il est hors de question que je parte. Je veux voir Lucas. Il cherche à me retenir. Nouvelle bagarre... puis plus rien. Le trou noir.
J'ouvre immédiatement les yeux et je suis soulagé de retrouver autour de moi, les murs de ma chambre. Un instant, j'ai craint de voir apparaître ceux de l'hôpital où je m'étais réveillé quelques heures plus tard ce jour-là. Je m'assoie sur le bord de mon matelas et j'essaie de calmer ma respiration. Une larme tombe sur le dos de ma main.
Je décide de m'habiller. Le silence de la chambre est pesant. Il faut que je parte à la recherche de Kieran pour m'excuser. Rencontrer ce mec est la seule chose de positive qui me soit arrivée ces dernières semaines, et moi, je le traite comme une merde.
***
Il m'a finalement fallu une heure pour le retrouver, assis face à la mer. Je m'installe en silence à côté de lui. J'attends quelques secondes, pour lui laisser le temps de partir si jamais il n'a pas envie de voir ma tête de gros con, et puis je me décide à parler.
– Je suis désolé Kieran... Tu vas pas le faire ?
Il semble hésiter un instant, mais finit par me répondre.
– Quoi ?
– Demander à changer de chambre.
– Et tu peux me donner une bonne raison pour rester avec un asocial comme toi ? J'suis pas maso moi !
Son ton est froid, il semble ne pas avoir décoléré. Je n'ai pas trop le choix, il faut que j'essaie d'être un minimum honnête avec lui.
– Parce que j'ai besoin de toi.
Il se lève et fait quelques pas avant de se retourner et de revenir vers moi. Il me tend la main pour m'aider à me relever.
– OK, mais plus d'insultes. Je ne sais pas ce qui t'est arrivé mais ce n'est pas moi le responsable.
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