Chapitre 51 (lundi 1er mai 2017)
Si on m'avait dit que je mangerais au Mcdo aujourd'hui, jamais je n'y aurais cru et pourtant me voilà attablé, avec un triple cheeseburger devant moi, écoutant Kieran discuter avec son père. Depuis dix minutes que nous sommes à table, il n'y a pas eu un seul instant de silence et ce fut la même chose durant tout le trajet en voiture. Pas de doute, si mon camarade de chambre est une vraie pipelette, c'est de son père qu'il le tient !
Celui-ci était rentré tard hier soir sur Brest, militaire de carrière, il avait une permission de deux semaines. Mon camarade de chambre lui avait parlé un long moment ce matin au téléphone et m'avait ensuite annoncé tout souriant qu'il venait le chercher en fin de matinée, pour l'emmener manger en ville. Il m'avait ensuite proposé de les accompagner, m'avouant rapidement devant ma réticence que la question était déjà réglée, son père ayant prévenu le lycée de notre sortie. Nous étions d'ailleurs, pratiquement les deux seuls à être restés au centre d'instruction naval, pendant ce long week-end.
– Qu'est-ce que tu en penses Arthur ?... Tu n'as rien écouté, je me trompe ?
Il faut bien avouer que ça fait un bon moment que je ne suis plus leur conversation.
– Désolé Monsieur, mais j'étais un peu perdu dans mes pensées. Ça vous ennuierait de répéter votre question ?
– Bon d'abord, arrête s'il te plaît de m'appeler Monsieur et de me vouvoyer.
– Je suis désolé, je vous... je te promets de faire un effort.
– Kieran rentre à la maison le week-end prochain, et il proposait que tu viennes aussi. Je te demandais donc si tu étais d'accord ?
– Euh... Je ne sais pas trop. Je ne voudrais pas vous déranger et puis par rapport au lycée et mes parents.
– Pas de problème du côté de l'école, en plus tu es majeur. Pour tes parents, je peux les appeler si tu veux.
– Bon, ben d'accord, ça sera avec plaisir. Merci Erwan. Du coup, si ça ne pose pas de problème avec le lycée, je ne crois pas que ça soit nécessaire de téléphoner à mes parents. De toute façon, à mon avis, ils s'en foutent.
Ma remarque crée un léger malaise, mais Erwan après une hésitation, reprend la conversation sans la relever.
– Parfait, je passerai vous récupérer vendredi à la fin des cours puisque Kieran m'a dit que vous n'aviez pas de devoirs surveillés samedi matin.
Je vois au grand sourire qu'affiche ce dernier, qu'il m'a définitivement pardonné la façon dont je me suis comporté avec lui hier.
– Ça va être cool, on pourrait aller à Bertheaume faire de l'accrobranche et en profiter aussi pour bosser un peu les maths. Arthur a quelques difficultés en Math... Euh, désolé Arthur...
– Faut pas et puis c'est la vérité. Pour moi le programme est parfait si ton père est d'accord.
– Pas de souci. Le programme est donc adopté à l'unanimité.
Le repas se poursuit sans que je participe trop à la conversation même si Erwan et Kieran essaient régulièrement de m'intégrer à la discussion.
– Kieran m'a dit que ton père était préfet, ça a un rapport avec ta venue sur Brest ? Une mutation peut-être ?
Décidément, comme son fils, il a l'art de mettre les pieds dans le plat, et comme de mon côté je n'ose pas me livrer, la situation est délicate et puis j'ai tellement peur d'être mal jugé. J'hésite un long moment. Je n'ai pas envie de leur mentir, ce sont les deux premières personnes qui se soucient de moi depuis près de trois semaines. Putain, ça fait chier !
– Tu sais Arthur, tu n'es pas obligé de répondre à la question de mon père si c'est trop compliqué.
– Mon fils à raison, tu as du remarquer qu'on était un peu bavard et parfois trop curieux et je comprends que ça puisse être gênant.
– Ah bon ? Je ne m'en étais pas rendu compte !
Ma remarque détend l'atmosphère et me permet de respirer un peu mieux. Je me décide à quand même tenter un début d'explication.
– J'ai eu des soucis à mon ancien lycée... et à celui d'avant aussi... mais pas pour les mêmes raisons... enfin c'est compliqué à expliquer... j'ai pas assuré... enfin la première fois... et puis là, tout se passait bien... et j'ai pas assuré non plus...
Plus j'avance et plus je m'enfonce. De toute façon je ne peux plus prononcer un mot sinon je crois que je vais à nouveau pleurer.
– OK, pas la peine d'en dire plus Arthur. Je m'excuse, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Dans tous les cas, je fais confiance au jugement de mon fils, et s'il t'invite à la maison c'est que tu es gentil garçon et ça me suffit. Pour le reste, tu pourras toujours en parler avec Kieran si tu le souhaites.
– Merci Monsieur... Erwan.
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