Chapitre 54 (samedi 14 mai 2022)

3 minutes de lecture

Arthur était en avance, et vérifia par deux fois l'adresse que son père lui avait donnée. Il était vraiment surpris que celui-ci ait choisi un petit bouchon du vieux Lyon, plutôt qu'un restaurant luxueux comme à son habitude. Il entra et fut accueilli par un jeune homme qui l'accompagna à la table réservée par monsieur le préfet.

Trente minutes plus tard, ses parents n'étaient toujours pas arrivés et le jeune serveur, qu'Arthur s'amusait à mettre mal à l'aise en le déshabillant ouvertement du regard, lui amena un apéritif offert par la maison.

– Dis-moi, mon pè..., monsieur le préfet vient souvent diner ici ?

– En principe, au moins une fois par semaine.

– Et il est souvent en retard, je suppose.

– Souvent.

– L'avantage c'est que ça nous laisse le temps de discuter un moment tous les deux.

Arthur termina sa phrase avec un grand sourire et un clin d'œil, qui firent rougir le jeune homme. Il le trouva encore plus mignon ainsi et décida de pousser le jeu un peu plus loin.

– Moi c'est Arthur, et toi ?

– Benjamin, Monsieur.

– C'est joli, Benjamin. Dis-moi, tu connais un endroit sympa pour sortir ce soir ? Je suis ici depuis peu, et j'aimerais bien m'amuser, dans un lieu... cool... et assez ouvert d'esprit, si tu vois ce que je veux dire ? On pourrait même y aller ensemble, après ton service... Jacques, Christine, ça me fait vraiment plaisir de vous voir.

Arthur se leva pour embrasser sa mère, mais se contenta de serrer la main de son père. Le serveur en avait profité pour discrètement s'éclipser.

– Je rêve ou tu étais en train de draguer ce pauvre Benjamin ! Et puis, ta mère t'a demandé cent fois de ne pas nous appeler par notre prénom.

– Non, je ne le draguais pas. On discutait, et je lui proposais juste de sortir, après son service. Et puis, monsieur le préfet, je pense que dans une ville comme Lyon tout le monde s'en fout que ton fils se tape des mecs. C'est même plutôt à la mode la défense des droits LGBT, non ?

– Mon chéri, je pensais qu'on allait se retrouver pour discuter, entre adultes, et tu commences déjà à essayer de contrarier ton père.

Arthur se retint de prononcer, à voix haute, la réplique qui s'était formée dans son cerveau. Sa mère n'avait pas tort. Leurs récents échanges, essentiellement par messages, avaient été plutôt positifs et il serait stupide de se mettre son père à dos.

– OK, d'accord... mais avouez qu'il est quand-même canon le petit Benjamin... euh désolé.

– Et puis, ton père a raison, tu n'es quand-même pas obligé de nous appeler par notre prénom !

– Ne m'en demande pas trop, et puis je crois que je ne vous ais jamais nommés autrement.

Le retour du serveur mit fin à cette première joute verbale, et à son départ, la discussion reprit sur un ton plus léger. C'est uniquement après que leur deuxième apéritif eut été servi, que son père décida d'entrer dans le vif du sujet.

– Tu as donc décidé de ne pas prolonger ton engagement dans l'armée ?

– Oui, l'armée a été une solution de secours à un moment où j'étais perdu. C'était rassurant pour moi. Si je ne m'étais pas engagé, j'aurais sans doute fait des conneries et je crois que tu n'aurais pas apprécié.

– Je crois, que ton père et moi, nous n'avons jamais su comment gérer tes colères, ton besoin d'indépendance et puis... avec cette histoire, avec cet autre garçon... c'était trop pour nous.

– Excuse-moi, vous n'avez pas su gérer quoi ? Mes colères ? Mon besoin d'indépendance ? Tu plaisantes sans doute, vous n'étiez jamais là ! Toujours à une réunion, une inauguration, et lorsque je commençais à prendre mes marques, à me faire des copains, on partait pour assurer l'avancement de Jacques. Le vrai problème, c'est que vous ne vouliez pas d'enfant, et que vous auriez mieux fait de ne pas en faire. Quant à Lucas, je l'aime... enfin je l'aimais... et lorsque nous avons eu l'accident, j'aurais eu besoin de parents qui me soutiennent, mais là encore, c'est la carrière de monsieur le préfet qui a prévalu... le fils PD envoyé ailleurs, et l'accident oublié. Il n'y a même pas eu de poursuite contre le chauffeur de la voiture, et les parents de Lucas n'ont rien dit, étonnant, non ?

Plusieurs personnes s'étaient retournées, et Arthur leur lança un regard noir. Il avait souvent réfléchi à tout ça, mais c'était la première fois qu'il exprimait sa colère, de cette façon-là, à ses parents. Il avait besoin de se calmer. Il prit son blouson et se leva pour sortir fumer une cigarette.

Immédiatement, Christine se redressa pour l'attraper par le bras.

– Tu ne pars pas ?

– Non, je sors. J'ai besoin d'une clope.

Il enleva la main de sa mère qui était restée accrochée à sa manche, et sortit.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pichu ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0