Chapitre 56 (samedi 14 mai 2022)

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– Qu'est-ce que tu fais là ? Putain, j'peux pas fumer ma clope tranquille ?

– Ne sois pas grossier Arthur ! Et calme-toi s'il te plait.

– Comment veux-tu que je reste calme, lorsque j'entends des bêtises pareilles ?

Christine avait rejoint son fils dehors avec une idée bien précise en tête, mais elle hésitait, craignant d'énerver encore plus Arthur. Evidemment, qu'elle avait conscience qu'ils n'avaient pas été de bons parents. Jacques, trop préoccupé par sa carrière, et elle qui avait dû sacrifier la sienne, d'abord pour faire un enfant, et puis pour ne pas faire d'ombre à son mari. Ce fut d'ailleurs ce qui la décida à parler. Au fond d'elle, elle en voudrait toujours à son époux de n'avoir jamais pris en compte ses désirs et elle ne voyait pas pourquoi elle devrait, encore une fois, couvrir ses décisions.

Arthur avait fini sa cigarette et en avait entamé une autre. Il observait sa mère qui semblait indécise et qui avait, plusieurs fois, entrouvert la bouche comme pour lui parler. Sa colère était un peu retombée mais il n'en laisserait rien paraitre. Si Christine voulait lui parler, qu'elle le fasse, mais il ne lui simplifierait pas la tâche.

– Tu as raison.

Il la regarda et se contenta de soulever les sourcils, pour l'inciter à continuer.

– Pour l'accident.

Cette fois, il ne put rester sans réagir et il se rapprocha de sa mère.

– Comment ça pour l'accident ? Vas-y, crache le morceau !

– Ton père n'a pas voulu que l'affaire s'ébruite. Il ne voulait pas prendre le risque qu'un quelconque journaliste vienne mettre son nez dans cette histoire en constatant que le fils d'un préfet était impliqué dans l'accident. Et surtout, il craignait qu'ensuite il pose des questions au lycée... et avec l'incident de la piscine avec Lucas...

Arthur ouvrit la bouche pour intervenir mais il se contenta, finalement, de prendre une grande inspiration pour essayer de lutter contre la rage qui recommençait à l'envahir. Sa mère reprit son récit :

– Avec le recul, je ne suis même pas certaine que ses craintes étaient vraiment justifiées. Mais il a fait comme il fait d'habitude. Il a commencé par passer quelques coups de téléphone à des amis bien placés, pour s'assurer qu'il n'y aurait pas d'enquête. Ensuite, il s'est arrangé avec le directeur du lycée pour que vous ne passiez pas en conseil de discipline, contre la promesse que vous quittiez tous les deux l'établissement.

– L'enculé !

– Arthur ! Et puis je te signale, qu'à ce moment-là, il a plusieurs fois cherché à te joindre pour pouvoir en discuter avec toi.

– Tu veux dire pour me dire ce que j'avais à faire.

– Ensuite, il est venu à Lyon pour te voir et discuter avec les parents de Lucas. Ils ont d'abord refusé de le rencontrer. Ils étaient bouleversés, et surtout ils t'en voulaient beaucoup.

Christine marqua une pause, elle allait attaquer la partie qu'elle redoutait le plus. Arthur en profita pour sortir une nouvelle clope de son paquet.

– Lorsque ton père a su que Lucas allait surement devoir se faire amputer, il s'est arrangé pour que ce soit le meilleur spécialiste de la ville qui le prenne en charge. C'est sans doute, ce qui a fini de convaincre les parents de ton ami de le rencontrer. Finalement, ils ont trouvé un terrain d'entente assez facilement. Ils ne souhaitaient, pas plus que nous, que tout le monde apprenne que leur fils était... enfin, que leur fils avait eu des relations avec un autre garçon.

– Ils se sont mis d'accord sur quoi exactement ?

– D'abord, sur l'aspect financier. Jacques leur a versé une indemnité afin qu'ils ne portent pas plainte contre le chauffeur de la voiture, et il s'est engagé à payer les dépenses éventuelles, qui ne seraient pas prise en charge par la sécurité sociale et par leur mutuelle. Et puis...

– Et puis quoi ! Dis-moi, merde !

Arthur avait considérablement réduit la distance entre sa mère et lui. Impressionnée par le regard de son fils, cette dernière hésitait entre poursuivre et rentrer dans le restaurant. Le jeune homme recula. Christine déglutit, prit une grande inspiration, et recommença à parler.

– Ton père ne voulait pas que tu revoies Lucas, et les parents de ce dernier étaient évidemment d'accord sur ce point. Le deal était simple : tu partais poursuivre ta terminale à Brest, et eux faisaient en sorte que tu ne puisses pas le joindre. D'après ce que j'ai compris, ça a été surtout compliqué les premières semaines. Ils ont dû mentir à ton ami en lui disant que son portable avait été détruit pendant l'accident, et compte-tenu de son état, il n'avait de toute façon pas de téléphone fixe dans sa chambre. Ensuite, je ne sais pas trop... visiblement Lucas n'a plus vraiment cherché à te recontacter. En tout cas, c'est tout ce que je sais... Je suis désolée.

Arthur essuya les quelques larmes qui coulaient le long de ses joues, leva la tête pour regarder sa mère, droit dans les yeux et lui parla de façon mécanique, avec une voix emplie de froideur.

– Dis à ton mari que je le déteste, et que pour mes études je me débrouillerai. Merci de m'avoir dit la vérité.

Il se retourna, et s'éloigna d'un pas rapide.

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