Chapitre 62 (lundi 16 mai 2022)
Arthur descendit du métro à la station Charpennes-Charles Hernu et remonta les escaliers qui débouchaient juste en face du Mcdo. Il avait attendu le soir pour venir, pensant que c'était surement l'horaire auquel il avait le plus de chance de trouver Lucas au travail.
Après la discussion qu'il avait eue avec sa mère, il avait été à deux doigts de renoncer à le rencontrer. Il s'était dit que tout ça n'avait plus beaucoup de sens cinq ans après, et que Paulo trouverait sans doute d'autres personnes avec qui échanger sur sa situation. Sa mère avait raison, son petit ami n'avait jamais cherché à reprendre contact avec lui, et la discussion avec Julie allait aussi dans le sens d'un désir de celui-ci de tourner la page suite à son amputation. Et puis, lui non plus n'avait pas tout fait pour le revoir. Il aurait pu venir à Lyon et chercher à le rencontrer, mais il avait abandonné celui qu'il aimait. Il culpabilisait d'avoir été lâche, d'avoir renoncé par peur de la vérité.
Et puis, hier en début d'après-midi il avait discuté longtemps avec Kieran, et celui-ci lui avait démontré qu'il ne risquait pas grand-chose à reprendre contact avec Lucas.
– Au pire, il ne voudra pas te parler, mais tu peux aussi t'en faire un ami ou mieux... et si tu ne le fais pas, tu risques de le regretter.
Quelques heures plus tard, c'était Paulo qu'il avait eu au téléphone et il n'avait pas osé lui dire la vérité :
– Alors, tu en es où ? Tu as rencontré Thomas ? Tu lui as parlé de moi ?
– Non, pas encore... mais je le dois le voir bientôt et j'espère avoir une bonne nouvelle à t'annoncer d'ici quelques jours.
Il entra dans le fast-food, il y avait très peu de monde. Il aperçut seulement deux personnes en cuisine, sans pour autant arriver à distinguer si Lucas en faisait partie. Il se dirigea vers une borne pour commander. Il avait déjà mangé avec Kieran avant de venir, il se contenta donc de son habituel milkshake et d'un café. Il s'installa à une table qui lui permettait d'apercevoir les jeunes hommes qui préparaient les burgers. Il sortit son ordinateur et fit semblant de travailler. Il lui fallut une vingtaine de minutes avant d'être certain que son ancien petit ami était bien présent. Malheureusement pour lui, les heures passaient et l'étudiant travaillait toujours. Vers une heure du matin, une jeune fille s'approcha de lui pour lui demander de quitter l'établissement qui fermait.
Il dut attendre encore trente minutes avant de voir sortir Lucas. Il hésita. Il était tard et les conditions n'étaient sans doute pas idéales pour l'aborder, mais en même temps il avait attendu quatre heures... Finalement, il décida de le suivre discrètement pour au moins essayer de savoir où il habitait. Il pourrait toujours aller le voir plus tard et jouer la carte de la franchise, avec l'histoire de Paulo et du reportage à la télévision. Il resta donc à une centaine de mètres derrière lui. La filature s'avéra assez facile car son ami n'avait aucun transport à prendre pour rentrer chez lui. Une seule fois il s'approcha de lui, lorsque Lucas s'arrêta devant la porte de sa résidence. Il baissa la capuche de son hoodie devant ses yeux et passa devant lui, s'accordant juste le droit de relever la tête au dernier moment, pour l'apercevoir. Il était là, à un mètre de lui. Il ressentit la même émotion que lorsqu'il l'avait vu de près avec son ami, à la sortie du Mcdo. Il aurait pu le toucher en tendant le bras. Il continua son chemin une centaine de mètres, avant de faire demi-tour pour venir voir les noms qui figuraient sur les interphones. Il ne mit pas longtemps à le trouver, le nom de famille étant évidemment toujours le même.
Il fit demi-tour pour reprendre le métro à l'arrêt par lequel il était arrivé. Pendant tout le temps du trajet il essaya de faire le tri dans les différents sentiments qui l'animaient, mais tout était tellement confus dans son esprit. Est-ce qu'on pouvait vraiment être encore amoureux de quelqu'un qu'on n'avait plus vu depuis le lycée ? Ou est-ce qu'on était juste amoureux d'un souvenir ? Ils étaient seulement des adolescents et cinq ans plus tard ils étaient forcément, tous les deux, biens différents. Demain, il irait le voir à son appartement et il aurait au moins un début de réponse.
Quelques minutes plus tard, il franchit la porte de chez Kieran et après s'être déshabillé il s'allongea dans le lit, venant se blottir contre son ami, dont la présence rassurante lui permit de s'endormir.
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