18. Sacha

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 En fin de compte, j’ai eu tort de m’inquiéter. La rencontre s’est plutôt bien passée. Je m’attendais à ce qu’elles fassent un esclandre, mais elles se sont bien comportées. Enfin, mieux que je ne l’aurais cru. C’est Bérénice qui m’a étonnée, surtout. Parce que moi, le bonheur d’être mère et toutes ces conneries, je veux bien, mais elle a beau être issue de mon ventre, depuis quelque temps c’est plutôt par les yeux qu’elle me sort. Je pensais qu’elle allait soit présenter un visage dégouté, soit sortir une de ces répliques détestables dont l’adolescence a le secret pour faire sortir les adultes de leurs gonds. Elle est binaire, Bérénice, c’est soit je boude soit je pique. Et quand je pique, ça peut faire très mal. Mais ce matin, elle s’est montrée presque correcte. Elle a même souri à Samir, à un moment. Bien sûr, elle ne va pas se transformer du jour au lendemain, il ne faut pas rêver, mais il faut reconnaître qu’elle a fait des efforts. Elles étaient même presque drôles, ses saillies, elles ont détendu l’atmosphère. Je la remercierai ce soir, quand je rentrerai. Quant à Camille, elle s’est tenue en retrait, comme d’habitude. Mais elle ne m’a pas paru perturbée par la situation, une fois la surprise passée.

 Quand j’y pense, le fait que les choses se soient passées de manière ordinaire, c’est justement ça qui est extraordinaire. On était là, tous les quatre, comme si ça allait de soi. J’allais presque dire comme une vraie famille.

 Ne t’emballe pas, ma grande, tu ne le connais que depuis dix jours, tu ne sais au final pas grand-chose de lui. Ne te fie pas trop à sa déclaration d’hier soir, tu connais trop bien, pour le maîtriser toi-même plutôt bien, le pouvoir trompeur de la parole. Laisse-toi séduire par ses mots si tu veux, mais n’y accorde pas trop de crédit.

 N’empêche que quand j’y repense, je sens bien que j’en ai les larmes aux yeux. C’est fou, je me souviens des moindres détails de la scène : on était dans le lit, après l’amour, il m’a fixé, m’a caressé la joue, a joué avec une mèche de mes cheveux, qu’il a ramené derrière mon oreille, puis il m’a dit, je me souviens des mots exacts : je me sens bien avec toi. Je crois que je suis tombé amoureux de toi. J’ai lutté contre ça, je t’assure, car sur le papier tu représentes tout ce que je déteste, tu l’as compris tout de suite, dès notre rencontre, je suppose. Et pourtant, je ne peux pas m’empêcher de penser à toi tout le temps. Ton visage est gravé en permanence dans ma tête.

 Je sais ce qu’on va penser : discours banal, empreint de mièvrerie. Et alors ? C’est bien notre époque, ça : on dénigre ce qui est beau. L’ère du clash, du buzz. On se moque de tout, ça nous donne l’impression d’envisager la vie avec distance. Et tout ça pour quoi ? Pour paraître intelligent, pour montrer qu’on n’est pas dupe. Mais on ne pourrait pas tout simplement profiter de ce qui nous fait du bien ? Arrêtons le sel, vive le sucre !

 Oh, toi, ma grande, tu dois être sacrément accro, pour sortir ce genre de slogan à la con !

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