Mon copain Antoine m'a dit que son grand-père avait été euthanasié ce week-end.

Et que c'était bizarre...

Toute la famille s'était réunie dans sa chambre pour lui dire au revoir, s'efforçant d'être rassurante comme avant une opération grave. Sauf qu'ils savaient tous qu'ils ne le reverraient pas en quittant l'hôpital.

Son grand-père souhaitait s'éteindre dans la joie et en paix. Il ne voulait pas subir les atroces souffrances qu'avait connues son père à la suite à un cancer de la peau. Un mal peut-être héréditaire, mais là n'est pas la question. Antoine pense que ses grands-parents ont la chance de vivre de l'autre côté de la frontière, là où cette pratique est autorisée pour les maladies incurables.

Mon papy rêvait de mourir dans son sommeil, de se coucher un jour sans savoir qu'il ne se réveillerait pas. Il disait qu'il ne voulait pas devenir grabataire. Ici c'est un choix qui ne lui est pas permis. Aujourd'hui il vit toujours, mais je ne le vois plus. Il est aux soins palliatifs et il ne nous réclame pas. Maman trouve qu'il est mieux pour moi de ne pas connaitre son état actuel, qu'elle-même avait été traumatisée lorsqu'elle avait dû voir sa marraine à l'agonie quant elle avait dix ans. Et moi, quand je rêve parfois de mon papy souffrant. Le grand-père de mon ami a bien de la chance. Et Antoine aussi. Il commence son deuil pendant que moi, j'imagine mon papy, trop faible et dépressif pour nous recevoir. Et ma mère qui s'assombrit au fil des semaines.

J'ai essayé, mais je ne comprends pas les débats sur l'euthanasie. Pourquoi interdire ce qui est autorisé chez nos voisins ? Pourquoi le papy d'Antoine a-t-i le droit de ne pas souffrir et pas le mien ?

Dans mes souvenirs, il restera le grand-père qui m'emmenait acheter des glaces en cachette de mamy. Il disait que la vieillesse était une maladie dont on ne guérit pas et qu'il espérait mourir en bonne santé. Son coeur ne supporte plus les dialyses. Son coeur n'obtiendra pas ce qu'il désire avant son dernier voyage.