Si j'ai appris à m'exprimer, là j'avoue que je ne sais pas quoi lui répondre. Il est malade, il ne m'a rien dit. Pourquoi ? Il a une leucémie, Seigneur, pourquoi un gars aussi gentil doit avoir cela ? Il a raison, je ne suis qu'une petite fille riche, je me plains, mais de quoi ? Lui il est malade et merde c'est terrible ce qu'il a. Dans mon monde, on ne s'occupe pas des autres, on s'occupe de soi, pas des problèmes des autres. Chez moi, je constate que je ne vie pas dans la réalité. J'ai un manque c'est certain, mais peut-être que si j'étais ouverte aux autres, ce vide se comblerait ?

Shannon a tourné les talons, son sac sur l'épaule. Il s'avance dans le couloir. Je vois que ses épaules sont affaissées, il ne marche plus droit et c'est de ma faute. Je lui ai fait du mal, beaucoup de mal. Il faut que je répare ma bêtise. Je dois agir autrement. Il faut que je me fasse pardonner, c'est moi la connasse dans l'histoire, pas lui.

Le soir, nous dînons tous ensemble, afin de s'ouvrir aux autres comme nous l'a expliqué notre chef de groupe. Cela fait presque un mois que je suis ici et la "pauvre petite fille riche" comme me nomme Shannon a changé. Je n'ai plus envie de mourir, j'ai envie de vivre et d'aider les autres. Mes parents m'ont téléphoné quelques fois, mais pour m'expliquer qu'ils n'avaient vraiment pas le temps de s'occuper de moi et de mes problèmes. Leur planning ne le leur permet pas. Je m'y attendais. Dans quelques semaines, je suis majeure. J'en ai discuté avec Nancy et lorsque je pourrai sortir, nous partirons ensemble. L'avantage c'est que je suis independante financièrement. La matérialité fait partie des points cruciaux de la vie de mes parents. Un empire financier leur appartient et une partie de cet empire est à mon nom et sera disponible dans quelques semaines. Nancy me rend visite tous les jours, et elle m'explique qu'elle nous aménage un joli petit endroit pour nous deux. J'en suis heureuse, je l'aime beaucoup. Elle s'est toujours occupée de moi, elle n'est pas ma maman biologique, mais pour moi c'est elle ma maman. Et je pense que c'est grâce à ce lien qui nous unit qu'elle me fait prendre conscience que j'ai merdé. Il faut que je prenne les choses en mains, si je veux que ma vie change. Et je souhaite que cela évolue, je voudrais faire partie d'un monde simple,  aimant et chaleureux. Un monde que je découvre chaque jour lorsque la famille de Shannon lui rend visite.

En les observant de loin, je n'ai toujours pas fait le premier pas, je sais, je suis une idiote, je constate qu'ils sont heureux. C'est une véritable tribu unie. Ils sont quatre frères et deux soeurs. La maman de Shannon vient tous les jours et à chaque fois qu'elle prend son fils dans ses bras, une vague d'amour se diffuse dans la pièce.

Je les regarde de loin, ils sont heureux, malgré le malheur qui les frappe. Shannon n'a rien dit depuis de notre engueulade, pourtant parfois je le surprends à regarder dans ma direction. Il faut que je fasse le premier pas. Les heures passent et lors d'un repas, je reçois une remarque de la part d'une fille du groupe:

— Alors Tania, tu n'as pas l'habitude de manger ce genre de choses ? Des plats de pâtes ne font pas partie de ton quotidien ?

— Laisse-la tranquille ! répond immédiatement Shannon.

— Je ne t'ai rien demandé, c'est pas à toi que je m'adresse.

— Non exact, mais moi c'est à toi que je parle, laisse Tania tranquille.

— Ouais bien sûr, la demoiselle en détresse à besoin d'un preux chevalier ?

— Je suis content que tu me vois comme un preux chevalier, c'est sympa. Une fois de plus, laisse-la tranquille, elle ne demande rien.

Avant que cela ne s'envenime tout à fait, Anja intervient et le calme est restauré. A la fin de la soirée, Shannon part dans sa chambre en souhaitant une bonne nuit à tous. Je me lève et je prends mon courage à deux mains, je suis Shannon. Je frappe à sa porte, il vient ouvrir torse nu, un jean bas sur les hanches et pieds nus.

— Ouais ?

— Heu ? Je peux te parler ?

— Ouais, j' t 'écoute me dit-il en prenant une pause non chalante et en appuyant un bras sur la porte. Il est sexy, il le sait et il use de son charme.

— Heu ? tu pourrais t'habiller ?

— Tu viens dans ma chambre pour me demander de m'habiller ?

— Non, mais je...

— Bon qu'est ce que tu as à dire ?

— T'es venue pourquoi ? Me demande-t-il en passant sa main dans ses cheveux qui lui arrivent aux omoplates.

Il ne dit rien, mais se recule et ouvre la porte plus grande. J'entre et il ferme la porte. Sa chambre est à son image, pleine de couleurs. De la musique rock se diffuse. Je m'avance vers son portable afin de regarder le groupe. Cela me fait sourire, 30 Seconds To Mars, lui qui est la copie de Jared Leto, le chanteur.

Il s'installe dans le grand sofa en cuir qui se trouve dans un coin.

— T'es venue pourquoi? Me demande-t-il en passant sa main dans ses cheveux qui lui arrivent aux omoplates.

Son regarde bleu profond me sonde et j'ai l'impression d'être une cruche. Je prends appui sur son bureau. Je ne réponds pas assez vite à son goût et il se retrouve devant moi. Il a deposé ses mains sur le bureau de chaque côté de mes jambes. Son visage a quelques centimètres du mien.

— Je répète ma question : t'es venue pourquoi ? Pour autre chose que me demander de m'habiller non ?

— Oui, tu fais ce que tu veux dans ta chambre.

— Bien, on est d'accord, alors tu veux quoi ?

— Shannon, je suis désolée de t'avoir agressé comme je l'ai fait en début de semaine et je voulais te remercier d'avoir pris ma défense ce soir au dîner. Voilà c'est cela que je voulais.

Un sourire fauve se dessine sur ses lèvres. Ses yeux bleus se plantent dans les miens. Il se déplace et va s'asseoir à nouveau. Il me sourit et tapotte le siège. Je m'y installe.

— Mademoiselle dit merci au preux chevalier ? Il se fiche de moi, mais je le mérite.

— Oui, je te dis merci. C'est vrai, je n'ai pas l'habitude de manger des pâtes. Tu as compris d'où je venais ?

— On n'est pas du même monde ma belle, mais c'est pas pour cela que je ne t'apprécie pas. Tu es très distante, mais je pense que je peux essayer de t'apprivoiser, me dit-il en souriant.