Ce que c'était de faire mourir Erwan Janiek

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Le prêtre prit la parole pour accueillir la congrégation et la remercia d’être présente « pour accompagner Erwan dans son dernier voyage ». Le curé aussi se déguisait pour prétendre parler au nom de Dieu… Y croyait-il vraiment ? Et son public austère, y croyait-il également ?

Erwan se pencha en avant pour tenter d’apercevoir le premier rang. L’un des siens allait-il s’exprimer ? Lire un texte ? Dire quelques mots en sa mémoire ? Peut-être était-il trop tôt pour cela.

« Dieu a créé l’Homme pour une existence impérissable… », entonna le prêtre et Erwan sentit ses dents grincer. « …Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur comprendront la vérité… ». Que savait-il de la vérité, cet homme en chasuble scandant le « livre de la sagesse » ? Connaissait-il seulement le cœur de ses fidèles ? Erwan aurait pu rire de ce cérémonial mystificateur et de ces mines contrites, s’il n’attendait pas quelque chose.

Quoi ? Un signe ? Un miracle ? Que quelqu’un se lève pour parler de lui ? Peut-être. Et pour dire quoi ? Dresser le faux portrait d’un mari idéal, d’un père aimant, d’un collègue sur qui on pouvait compter, d’un ami sincère ? Était-ce vraiment cela qu’il voulait entendre ?

Le prêtre prit de nouveau la parole. Il évoqua la vie d’Erwan de manière générale, mentionnant son attachement à sa famille et à son travail, et souligna son « départ tragique ». Il expliqua combien il pouvait être difficile d’accepter que Dieu l’ait rappelé parmi les siens si soudainement.

« Prions maintenant pour le défunt », invita-t-il. Et tout le monde baissa la tête religieusement, se retrouvant face à ses chaussures.

Voilà ce que c’était de faire mourir Erwan Janiek… Tout était dit. Les mots comme les silences, d’une banalité affreusement triste, sans émotion, sans envolée, sans autre bruit que les larmes d’Astrid que l’on n’entendait pas tacher le sol. Erwan sentit monter un écœurement violent, gorgé de déception. Il en avait assez vu. La pièce était affligeante, les acteurs médiocres, les dialogues insipides et le sujet insignifiant. À présent, plus rien ne justifiait qu’il apparaisse sur la scène à son tour. Ils ne méritaient pas de coup d’éclat, il ne leur offrirait pas l’occasion de montrer leur consternation…

Erwan eut soudain l’impression d’étouffer dans ce lieu qui respirait la mort. Il n’avait plus rien à faire ici. Il devait partir au plus vite.

Profitant de la prière silencieuse, il quitta sa place pour rejoindre le portail. Jetant un dernier regard en arrière avant de sortir, il aperçut le cercueil au milieu des crânes baissés.

Adieu, l’ami. Cette fois, j’espère qu’on laissera tes os en paix.

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