Chapitre vingt-huit : L’Ethiopie écrit par Anne Cécile B

Stella fut envoyée couvrir le conflit qui faisait rage en Ethiopie dans le sillage de l’envoyé spécial américain qui venait tenter de négocier un cessez-le-feu entre les rebelles tigréens et le gouvernement épaulé par les miliciens Fannos. Ce diplomate se faisait fort du rôle de gendarme du monde revendiqué depuis toujours par les yankees et assuré d’ordinaire à grands coups de pacifiques bombardements. Mais cette fois, il venait simplement établir un dialogue.
L’avion atterrit à Addis-Abeba, mais Stella devait rejoindre le front, situé au Nord, entre le Tigré et la zone frontalière, territoire historique de l’ethnie des Amharas. Stella était enchantée de découvrir ce lieu, un des berceaux de l’humanité, où l’homme avait choisi de s’établir dans les premiers temps.
Elle entra dans la ville, baptisée « Nouvelle Fleur », enchevêtrement complexe de modernité, et de témoignages d’une histoire bigarrée. Elle parcourut les rues lovées entre les gratte-ciels, admira la statue du Lion de Judah, monument sculpté par un français à la gloire des negusse negest, les rois des rois d’Ethiopie, longea la cathédrale de la Sainte Trinité, fondée par le grand Empereur Ménélik II.
Elle observa la foule magnifique, mélange des ethnies oromo et amhara, élégante de par sa taille haute et élancée, et ses traits fins et distingués.
Toute la cité résonnait de ce dynamisme formidable, tourné vers l’avenir, mais les pieds bien campés dans son histoire séculaire.
Son agence de presse lui avait organisé un rendez-vous sans attendre avec un guide des milices Fannos, paysans amhara ayant pris les armes et organisés en milices d’auto-défense en réaction zux massacres perpétrés par les rebelles du Tigré.
Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, prix Nobel de la Paix, avait conclu une alliance avec ces auxiliaires historiques des rois éthiopiens pour combattre les tigréens.
Stella devait gagner la zone de front dans les collines d’ Addi Arkay, et pour cela était aidée de Melaku, un jeune Fanno amhara de haute stature, au torse recouvert de magnifiques tatouages traditionnels géométriques .
Melaku lui expliqua qu’ils devaient se déplacer vers le Nord, et que sur le trajet, ils pourraient passer visiter chemin faisant Lalibela, une merveille architecturale inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, sise à 2600 mètres d’altitude, appelée, la Jérusalem Noire.
Ils traversèrent ensemble les monts verdoyants du Lasta, empruntant des routes sinueuses et cahoteuses.
Stella avait le cœur au bord des lèvres, les virages mettaient à rude épreuve la robustesse de son estomac. Comprenant le malaise de sa compagne, Melaku lui montra quelque chose sur le flanc de la montagne, pour détourner son attention des nausées qui la submergeaient.
Celles-ci s’évanouirent instantanément, devant la beauté des édifices qui lui faisaient face.
La légende disait que les anges avaient présidé à la construction de ces bâtiments enchanteurs, sur un lieu vénéré depuis des millénaires, au XIIe siècle.
Les chrétiens éthiopiens, empêchés de se rendre à Jérusalem, avaient construit là une réplique de la capitale des trois religions, avec son Jourdain et son Mont Sinaï. Stella resta interdite devant les églises taillées dans le roc, véritable prouesse humaine arrachée à la pierre à l’aide de simples piques et de marteaux. Rien ne dépassait, il fallait se pencher pour distinguer les édifices, excavés par la communion de la force des hommes directement dans le sol, presque avec leurs mains nues.
Elle fut frappée, au beau milieu de cette région touchée par la guerre, de voir ce que l’union des hommes pouvait construire, par cette force spirituelle extraordinaire qui émanait de ces chefs-d’œuvre de l’industrie humaine.

C’était un chant lancé vers le monde, une célébration de ce que l’Homme possédait de plus noble, la victoire de l’esprit sur la matière, par l’alliance sacrée entre les individualités.