Ce que cache la nuit

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Leïla referma discrètement la porte derrière elle et sortit dans l’obscurité parisienne. Des effluves du parfum de Louis lui revenaient alors qu’elle descendait la rue. C’était son odeur qui l’avait décidée à lui parler cet après-midi-là. Iels attendaient le même métro et elle lui avait proposé de se retrouver pendant la nuit. Iels avaient convenu d’un rendez-vous après que sa famille à elle se couche, avant qu’il ne reprenne le travail à deux heures du matin.

Elle frissonna. L’air était glacé et menaçant. Elle n’était pas censée être dehors à une heure pareille. Deux jours plus tôt, le 5 octobre 1961, ce droit lui avait été enlevé : les « Français musulmans devaient désormais rester chez eux entre 20h30 et 5h30. Le préfet de Paris se cachait derrière la crainte de nouveaux attentats du FLN pour cloitrer les Algériens et les Algériennes. Et donc la cloitrer, elle. Elle était pourtant on ne peut moins intéressée par la libération du peuple algérien : elle voulait s’amuser, jouir de tout ce que la vie lui laissait, sans penser à l’avenir. Ni le sien ni celui des autres. En bravant le couvre-feu ce soir là, elle ne prenait pas de risques pour la cause, mais pour son corps.

Alors qu’elle parcourait à la hâte le quartier de Louis, elle repensa à son arrivée chez lui, à la tension qui la traversait avant de frapper à la porte, à son sourire quand il l’avait vue. Iels s’étaient regardé·e·s, connaissant d’avance la suite mais avides de laisser monter le désir jusqu’à l’insoutenable. Sa respiration s’était accélérée, elle voyait son torse se soulever de plus en plus vite. En un pas, elle s’était collée à lui et avait niché ses lèvres dans son cou : après quelques frêles baisers, elle avait pressé ses lèvres mouillées plus fortement sur sa peau pour le gouter.

Elle ralentit le rythme de sa marche au souvenir de la réponse qu’il avait donnée à ses baisers. Il avait effleuré son sein gauche en l’embrassant. Quand leurs langues s’étaient rencontrées, il avait serré son sein et l’avait malaxé jusqu’à entendre ses soupirs de plaisir. Il avait déboutonné son col pour le mettre à nu, passé sa langue sur le téton, posé ses lèvres tout autour pour le suçoter et mordillé l’extrémité pour l’amener à lui. Ses images en tête, elle sentit ses tétons se raidir et pointer malicieusement sous le coton de sa robe. Elle sourit. Elle le revoyait se baisser pour lui ôter sa culotte humide et remonter délicatement sa main le long de ses cuisses. Une décharge de plaisir l’avait traversée quand ses doigts avaient frôlé ses lèvres. Il les avait ensuite écartées pour atteindre son vagin et s’était amusé à en titiller l’entrée, à la déformer. Son index trempé s’était levé vers son clitoris. À partir de là, elle n’avait plus réussi à se contrôler. Elle ne se souvenait ni de ses gestes ni de ses cris, seulement qu’elle ne pouvait plus tenir debout.

Elle arriva sur un grand boulevard : la peur lui prit les entrailles à l’idée de devoir parcourir cet interminable trottoir, douchée par d’immenses lampadaires qui ne la protégeraient pas d’un contrôle au faciès. Ses pas résonnaient sur le pavé et elle entendait à nouveau le son de ses talons le suivant dans la chambre. Il lui avait proposé quelque chose de nouveau, pour elle en tout cas. Elle avait eu peur de ne pas aimer. Ou de trop aimer. Elle s’était allongée sur le lit ; il avait enjambé son visage et s’était lentement baissé pour qu’elle puisse se saisir de son pénis. Il avait ensuite courbé la nuque et posé les lèvres sur son clitoris. Celles de Leïla avaient entouré son gland et commencé à le sucer. Le sentant frémir dans sa bouche, elle avait accéléré le rythme. De son côté, il avait sorti sa langue et l’avait logée à l’entrée de son vagin. Iels avaient léché tout ce qui était à leur portée : lèvres petites ou grandes, testicules, clitoris, gland… Puis, elle avait remis sa verge dans sa bouche et avait attrapé ses fesses ; il avait commencé des va-et-vient entre ses lèvres. Elle était étendue, les bras abandonnés sur les draps, se laissant baiser la bouche et lécher la vulve. Elle avait joui, ses cris étouffés par le pénis de Louis, qui s’était déchargé dans sa gorge juste après. Immédiatement, elle l’avait retourné, le couvrant de caresses pour l’empêcher de se relever. C’était son tour : les mains posées sur le mur, elle avait descendu son bassin jusqu’à sentir à nouveau le visage de Louis frôler ses poils pubiens.

Elle entendit un bruit. Ce pouvait être n’importe quoi. Elle repéra trois larges poubelles devant l’immeuble d’en face et se réfugia derrière. Abritée par ces blocs de plastique, elle glissa sa main dans sa culotte pour sentir l’effet de ses souvenirs. Rien ne vient à nouveau briser le silence du couvre-feu donc elle reprit à contre-cœur sa route. De nouvelles images l’accompagnaient : elle avait reculé pour que la langue de Louis soit remplacée par son pénis. Juste au-dessus de lui, elle le touchait du bout des lèvres. Elle avait regardé ses yeux implorants, sa bouche grimaçant de désir et avait brusquement glissé le long de sa verge. Elle n’arrivait pas à savoir qui de elle ou de lui provoquait les secousses qui agitaient son corps. Il lui semblait impossible de ressentir encore plus de plaisir mais elle avait essayé : sa main s’était aventurée sur son clitoris et ses gémissements avaient redoublé d’intensité. Ceux de Louis aussi. Alors qu’il semblait sur le point de jouir, il l’avait doucement repoussée, l’installant le dos contre le lit et avait attrapé ses jambes. Tendues et à la verticale, elles lui avaient servi d’appui pour la pénétrer sous un angle inattendu. Dès qu’elle l’avait senti en elle, elle avait été submergée par le plaisir, qui la heurtait par vagues de plus en plus violentes.

« Qu’est-ce que vous fichez là, figée comme une bécasse ? Les flics arrivent. »

Une vieille dame la tira par le bras pour l’amener dans un hall d’immeuble. Recluse dans un coin, elle regardait du coin de l’œil la silhouette de deux policiers longer la rue, s’arrêter pour montrer certains bâtiments, pour ramasser le briquet de l’un d’eux. Elle essayait de ne pas penser au pénis de Louis qui frottait contre les parois de son vagin pour ne pas laisser échapper de soupir coupable. Le briquet était tombé juste devant l’immeuble. Les agents s’arrêtèrent sur le palier pour disserter sur le tabac. Elle essayait de repousser l’image de ses testicules qui tapaient contre ses fesses. Le plus petit agent regarda sa montre et pressa l’autre.

Elle attendit de ne plus les voir pour remercier la femme qui l’avait cachée et retrouver la nuit. Elle était presque chez elle et les commissures de ses lèvres se relevaient en pensant au doigt de Louis qui jouait avec son anus. À son doigt trempé qui était tranquillement entré. Il l’avait fait tourner, s’enfoncer, se retirer. Son pénis avait ensuite glissé pour le remplacer…

« Vos papiers d’identité, Mademoiselle ! »

Elle se retourna, happée par le regard glacial du petit agent de police dont elle avait aperçu le visage quand il avait consulté sa montre quelques instants plus tôt. Elle regarda son collègue : c’était Louis, le sourire coquin en moins.

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