Confrontation
- J’espère qu’il a une bonne raison de nous déranger le Directeur, grommela l’homme aux cheveux sombres entre ses dents. Ayant un terrible caractère, ce dernier semblait toujours de mauvaise composition.
- Et moi, Xénov, j’espère juste que cet empressement à nous convoquer n’a aucun lien avec notre projet. Sinon quoi, cela signifierait qu’une chose ! fit remarquer Roberto.
- Hn, il y a sûrement un traître parmi nous, conclut Adhène.
Le regard des trois scientifiques devint suspicieux, calculant au préalable la personne potentielle à réaliser cet acte de lâcheté et de trahison. Mais ils n’avaient plus le temps pour cela, étant juste plantés devant la porte du bureau du Directeur. Adhène n’avait nullement le coeur enclin à affronter ce dernier, ni la force d’ailleurs. Il connaissait très bien cet homme haut placé pour prendre des décisions tranchées, s’il était nécessaire. Et s’il était bien question de leur crainte, alors il est clair qu’ils y laisseraient leurs plumes dans cette affaire.
Cependant, Roberto et Xénov n’éprouvaient absolument pas le même ressentiment. Ils étaient convaincus de la véracité de leur entreprise, et que de ce fait, malgré les oppositions, ils finiraient par aboutir à leur idéal.
Xénov frappa à la porte véhément, et n’attendit pas longtemps pour l’ouvrir suite à l’exclamation du Directeur d’entrer. Constatant l’ardeur de ses compagnons, Adhène ne fit que soupirer intérieurement avant de pénétrer la pièce en dernier.
Une fois entrés, tous alignés devant le bureau de leur supérieur, Roberto n’hésita pas une seule seconde à s’avancer afin de prendre la parole en premier en tant que responsable du groupe.
- Bonjour Monsieur le Directeur, nous espérons ne pas vous avoir fait attendre longtemps, dit-il d’un ton solennel, tandis que les deux scientifiques en retrait hochèrent la tête en salutation.
L’homme haut gradé ne répondit, ni ne donna signe en retour de leur politesse. Sa physionomie ne laissait rien entrevoir de façade, et son visage était plus ferme que jamais. Mais la colère se lisait implicitement à travers cet air stoïque, et cela était tout à fait normal : ses fidèles chercheurs, à qui il faisait tant confiance, lui avaient alors caché une découverte aussi importante que celle-ci. À présent, on lui forçait la main à renvoyer les meilleurs éléments de son institut. C’était du réel gâchis !
Les trois hommes pouvaient sensiblement comprendre tous les reproches silencieux que leur prédécesseur leur adressait. Ce n’était à cet instant, non pas des piques, mais bien des fléchettes empoisonnées qui signifiaient irrévocablement leur fin. Et avançant trois feuilles sur son bureau en la direction des scientifiques, la sentence arriva comme il leur était destinée d’être.
- Voici vos lettres de démission. Signez-les et repartez sur le champs de mon institution. Vous êtes virés ! déclara-t-il, dans une froideur à glacer le sang.
Adhène sentit son coeur bondir. Même si cette scène paraissait telle une mascarade, le Directeur n’était point du genre à en faire. Au plus profond de lui, Adhène appréhendait cette situation depuis bien longtemps, c’était en quelque sorte l’aboutissement de leur désobéissance. Par contre, les traiter comme des chiens bons à rien était inadmissible ! Il serrait nerveusement les poings. Si lui-même était dans cet état d’esprit, presque meurtrier à vrai dire, qu’en était-il de ses compagnons ? Et notamment de Xénov ?
- Alors, vous ! Je vais vous scalper, vieil homme ! Vous avez grand intérêt à me dire tout de suite que c’est une blague, sinon je ne répondrai plus de moi-même ! Nous avons des droits, je vous signale ! vociféra ce dernier.
- Vous avez déjà assez fait pour cette institution de recherches. Il est temps de laisser la place à la jeunesse, répondit le Directeur le ton posé. Il demeurait continuellement calme, même face aux propos dégradants de Xénov.
- Arrêtez de dire des choses insensées ! répliqua le hargneux instinctivement. La colère noire de cet homme au tempérament impétueux allait en grandissant, devenant même une haine pure et presque palpable dans l’air. La folie de Xénov commençait alors à prendre l’emprise sur le mental d’Adhène, à la manière d’un virus se propageant à travers ses neurones.
- Vous pensez pouvoir nous prendre pour de parfaits idiots ! Mais vous le regretterez un jour, et je vous promets qu’il sera trop tard pour y remédier. Vous êtes loin de connaître la vérité, et elle vous éclatera en pleine figure ! s’écria Adhène dans une désinvolture totale.
Ainsi, menaces et jurons ne faisaient que se multiplier, tandis que Roberto dans son côté restait de marbre. Lui seul avait une famille à nourrir, et maintenant, il se retrouvait du jour au lendemain sans travail. Sur le moment, il se sentait si dépassé par les évènements, qu’il oubliait complètement de rappeler à l’ordre ses camarades qui adoptaient de plus en plus une attitude dangereuse envers le Directeur.
Mais celui-ci se doutait déjà des réactions de ses anciens employés.
Quatre pions furent leur brutale apparition dans la pièce sans crier gare. Ils s’attaquèrent inextrémiste aux deux éléments turbulents de la pièce afin de les maîtriser. Puis, comme on pouvait facilement le deviner, ces derniers étaient sur le point de se faire éjecter de l’établissement, traités alors comme des vaut rien de la pire espèce.
Cependant, Xénov était le plus déchaîné d’entre eux. Et sa fureur était telle, qu'il réussit du moins à se dégager des deux gardes qui lui faisaient barrage. Il n’allait sûrement pas se laisser faire aussi docilement. Subir sans réagir n’était pas dans ses cordes, non ! Il ne partirait de là sans avoir laissé un petit souvenir à son cher “ ex-patron ”. Et d’un geste vif et soudain, il sortit rapidement un scalpel de la poche de sa blouse. C’est dans une sauvagerie aveugle qu’il fonça droit vers le Directeur, telle une bête furibonde.
Pourtant et par miracle, pensaient alors les témoins de cette scène, ce dernier ne fut pas blessé pour le moins du monde.
Eux tous furent pris de stupeur à cet instant précis, même le Directeur de sa personne. Sauf Roberto. Quoi de plus normal, il venait d’arrêter la main armée de Xénov juste à temps avant qu’il ne commette l’irréparable. La sienne était à présent ensanglantée, mais la douleur ne se laissait pas paraître sur son visage. Et s’adressant à ses collègues, il énonça cet ordre:
“ Cessez cette comédie sur le champ ! Il est tout à fait inutile de continuer ainsi, et il est clair que nous n’allons pas nous ridiculiser plus longtemps ici, non ! ” Puis, il se retourna vivement vers son prédécesseur, et dit : “ Je n’ai aucun doute à penser que le Conseil, lui-même, soit derrière toute cette machination. Le plus désolant est que vous n’ayiez même pas su défendre vos propres disciples. Quelle déception ! C’est alors sans regret que je quitterai vos laboratoires, Monsieur. "
“ Partons d’ici ” annonça-t-il à ses compagnons, ne cherchant nulle explication à la position que cet homme avait prise contre eux.
- Et les lettres de démission ? s’enquit Adhène à demander. Quant à Xénov, il était toujours sous le choc que son ami est pu protéger une telle ordure pour prononcer un quelconque mot.
- C’est inutile, comme je l’ai précisé. Nos noms ont certainement été supprimés de la listes des scientifiques travaillant pour la Fëdex Corp. Nous ne faisons plus partis depuis un certain temps du monde de la science, mes amis.
À cette réponse, Roberto tourna immédiatement les talons, prenant la direction de la sortie dans un profond silence qui soulignait la chose terrifiante qui allait avenir.
- Pas d’adieux. Mais juste qu’un au revoir Monsieur le Directeur, dit-il froidement du coin de l’œil.
Sans plus réfléchir, Adhène et Xénov commencèrent à emboîter le pas comme aimantés à leur vieil ami. Néanmoins, Xénov était toujours fidèle à son orgueil, et avant de quitter définitivement le bureau, il prononça avec fougue les mots suivants: “ Soyez-en sûr, nous allons nous venger. Oui, nous VENGER ! ” Et aussitôt qu’il eut fini sa réplique, il disparut sans plus tarder du champ visuel du Directeur.
Ces paroles faisaient résonance à l’esprit d’une personne, qui était loin de pressentir ce qui se tramait ici-bas. Elles s’intensifiaient au fur et à mesure que cet individu essayait de comprendre leurs sens. Alors, une douleur épouvantable, devenant de plus en plus insoutenable, lui faisait tourner la tête en bourrique.
Au bout d’un moment, la voix fut vite remplacée par d’intenses bruits sourds, lui crevant les tympans pour ainsi dire. Il ne savait strictement rien sur ce qui était en train de se dérouler autour de lui. La seule chose dont il avait conscience était qu’il eût perdu connaissance pendant un temps indéterminé, suite à une explosion.
C’est avec lamentation qu’il ouvrit un œil pour observer la situation. Il distinguait à peine les éléments, tout était flou autour de lui. Le souffle d’un épais nuage de fumée soulevait la poussière du sol, lui obstruant de ce fait la vue. Entre élancements et écueils, il pouvait uniquement apercevoir des formes en mouvement, s’approchant certainement de lui. Il n’y avait pas de doute, cette masse mobile ne pouvait être qu’une personne. Et au lieu d’être secouru comme il s’y attendait, cette dernière ne le ménagea point une seule seconde.
- Es-tu stupide ?! Bouges-toi avant de te faire laminer !
Ce personnage, pour le moins brusque, le tira avec précipitation de sorte qu’il puisse se relever. Et bien sûr, afin de fuir !
Mais de quel danger ?
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