Un Pas dans l’Ombre
de Cat Forewer
« Cette histoire est basée sur des faits réels. »
Une barbarie traversait le pays, plongé dans le chaos et la ruine. L’électricité n’était disponible qu’une ou deux heures par jour, l’eau courante était coupée puisque les stations de pompage dépendaient aussi du courant, et le gaz faisait cruellement défaut. C’était la fin de l’automne, une saison où l’obscurité envahit les rues plus tôt, intensifiant le sentiment oppressant de solitude et de froid.
Un adolescent de treize ans se tenait sur le seuil de sa maison, vêtu d’un manteau élimé. Le froid mordant lui glaçait les os, et les ombres du crépuscule s’étiraient déjà sur les pavés. Mais il n’y avait plus de pain à la maison, ce produit simple mais essentiel, et il savait que sa famille ne tiendrait pas sans. Pour en trouver un, il devait marcher près d’une heure jusqu’à la boulangerie, où l’attendait une file interminable, semblable à un serpent ondulant.
Il ferma derrière lui la porte grinçante et s’engagea dans la rue. La ville, autrefois animée et bruyante, n’était plus qu’un fantôme d’elle-même. Les feux de circulation étaient hors service, les voitures roulaient comme sur un terrain vague, et les passants, dans la pénombre, préféraient longer les murs des bâtiments. La peur était devenue une compagne quotidienne ; des fusillades pouvaient éclater à tout moment.
Arrivé à un carrefour, il aperçut un groupe de soldats. Ils avançaient en formation, leurs bottes frappant lourdement l’asphalte craquelé.
« Avec eux, je serai en sécurité », pensa-t-il. Son jeune cœur cherchait refuge auprès de ceux qu’il croyait être des protecteurs. Il accéléra le pas pour rejoindre la colonne, s’efforçant de marcher à leur rythme. Au début, personne ne prêta attention à lui. Il ressentit presque une forme de réconfort, comme s’il faisait partie de quelque chose de plus grand. Les soldats échangeaient entre eux des plaisanteries dans leur langue, riaient et parlaient fort. L’adolescent, dans un élan de sociabilité, tenta de participer à leur conversation. L’atmosphère sembla s’alléger.
Mais soudain, tout bascula. L’un des soldats remarqua un détail : son accent. Une différence légère, presque imperceptible, mais dans ces temps troublés, chaque nuance prenait une importance démesurée.
— Tu es de quelle origine ? demanda-t-il en scrutant le garçon avec insistance.
Loin de soupçonner le danger, l’adolescent répondit honnêtement :
— Je suis d’une autre origine.
Un vent glacial sembla souffler à travers la colonne. Les soldats se turent, et leurs regards s’assombrirent. La rue, déjà obscure, parut plonger dans des ténèbres encore plus profondes, et l’air devint lourd, oppressant. Un silence tendu s’installa, bientôt brisé par des paroles cinglantes. Les soldats se mirent à l’insulter, à cracher des injures infâmes sur sa mère et sa sœur. Dans ce pays où la mère était presque une figure sacrée, ces mots résonnaient comme des coups de fouet.
Il ne put contenir sa douleur :
— Pourquoi me traitez-vous ainsi ? cria-t-il. Pourquoi ?
Au lieu d’une réponse, l’un des soldats le poussa violemment au sol. Puis tous s’acharnèrent sur lui, frappant avec leurs lourdes bottes. La douleur transperçait son corps, mais le ressentiment et la confusion brûlaient encore plus fort. Chaque coup semblait hurler : « Tu n’es pas des nôtres, étranger! »
Soudain, une voix autoritaire s’éleva :
— Assez ! Reprenez votre marche.
Les soldats s’arrêtèrent instantanément, se rangèrent de nouveau en formation et reprirent leur chemin, comme si rien ne s’était passé. Leurs bottes frappaient de nouveau la terre gelée en cadence.
L’adolescent resta allongé sur le sol. Le visage maculé de boue, le corps meurtri, il les regarda s’éloigner. Dans ses yeux, il n’y avait ni larmes, ni colère, seulement le vide et cette question lancinante : « Pourquoi ? »
Il se redressa lentement, chaque mouvement lui arrachant une grimace de douleur. Le vent s’était levé, glacial, mordant ses plaies ouvertes. Il ajusta son manteau usé et reprit sa route vers la boulangerie, avançant pas à pas, malgré la douleur et la peur.
Cette nuit laissa en lui une cicatrice profonde, non seulement sur son corps, mais aussi dans son âme. La peur s’était mêlée à l’amertume, et l’injustice s’était gravée dans son cœur. Pourtant, il continua d’avancer, non pas pour lui-même, mais pour sa famille, pour ceux qui l’attendaient à la maison.
Auteur : Eliz
Rédacteur, correcteur : Olecia S.
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