Chapitre 7

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Hollow Coves – « Interlude »

À peine eût elle descendu les marches du parvis qu’Avril transpirait déjà. Le soleil brûlait dans le ciel, propageant une chaleur étouffante dans le village. Avril traversa rapidement la place du village et s’abrita à l’ombre des bâtiments, suivant les ruelles jusqu’à la boutique de vêtements. La plupart des habitants étant soit restés au frais chez eux, soit au travail, elle ne croisa presque personne en ce milieu d’après-midi. La sonnette chanta lorsqu’elle ouvrit la porte du magasin, suivit du bonjour accueillant de la commerçante qui reconnut les cheveux flamboyants de la jeune femme.

— Avril Loiseau ! Cela fait bien longtemps que je ne t’ai pas vu ! Comment vas-tu ? Et ton frère ? Ta mère est venue lui acheter des vêtements il y a quelques semaines, il a l’air d’avoir bien grandi !

Avril acquiesça simplement et se cacha derrière les portants de vêtements, cherchant les maillots de bain du regard. Elle voulait en finir au plus vite afin d’échapper au monologue de cette commère.

— Tu cherches quelque chose ? En quoi puis-je t’aider ?

— Vous avez des maillots de bain pour enfants ? demanda Avril d’une petite voix.

— Oui, bien sûr, suis-moi. Tu sais, j’ai trouvé qu’elle n’avait pas très bonne mine. Je veux parler de ta mère. Elle va bien ? Elle n’est pas malade au moins ?

Avril ne prêta qu’une oreille discrète à ce qu’elle entendait, suivant simplement la vendeuse au fond du magasin. Une fois près du portant, elle observa rapidement les maillots, cherchant celui qui plairait le plus à Ronan. Les motifs de poissons côtoyaient Bob l’éponge ou Mickey Mouse. La gérante de la boutique était toujours à côté d’elle, continuant de parler sans aider Avril à choisir. Alors qu’elle était prête à attraper le premier maillot pour sortir au plus vite, son regard tomba sur la pièce parfaite, à la taille de Ronan. Elle s’en empara et se dirigea vers la caisse.

— Vous allez vous baigner, c’est bien, il faut que le petit profite, déclara la vendeuse. Ça fait quinze euros s’il-te-plaît.

Avril revit sa mère lui tendre un peu d’argent le matin même avant de partir au travail. Isabelle n’avait pas semblé particulièrement intéressée lorsqu’Avril lui avait parlé de la journée au lac. Elle n’avait posé aucune question concernant leurs nouveaux amis et avait simplement conseillé à Avril de ne pas en parler à son beau-père, ajoutant qu’ils devaient rentrer avant Lui. Avril ne savait même pas s’ils risquaient vraiment quelque chose en rentrant trop tard ou si sa mère n’était pas simplement terrifiée, mais au fond elle était également soulagée de ne pas avoir à négocier avec Lui. Qui sait ce qu’Il lui aurait demandé en échange.

Chassant ce souvenir de ses pensées, Avril fourra le maillot de bain dans son sac et s’apprêtait à sortir lorsque la vendeuse lui barra le passage, main sur la poignée, l’empêchant de sortir.

— Dis-moi chérie, tout va bien à la maison ? Tu sais ce qu’on raconte dans le village ? Oui, je suis sûre que tout va bien. C’est ignoble de salir la réputation d’une famille sur de simples suppositions, ajouta la vendeuse dont le flot de paroles semblait sans fin. Ton père est un homme respectable, j’en suis sûre.

— C’est pas mon père.

Avril saisit la poignée et ouvrit brutalement la porte, bousculant la femme au passage. Trop chamboulée pour récupérer de suite Ronan à l’église, Avril préféra marcher au hasard, déambuler sous la chaleur. Elle tenta de chasser les paroles de la vendeuse de son esprit, les rangeant dans un coin de sa tête avec d’autres déjà entendues par le passé. Des professeurs, des camarades de classes, des voisins. Des questions qui ne voulaient pas vraiment de réponses, ou du moins qui ne voulaient pas entendre la vérité. Des mots lancés en vain dans le but de se rassurer, de se conforter dans l’inaction et de continuer sa vie sans culpabiliser, sans s’embêter avec une réalité monstrueuse.

Perdue dans ses pensées, Avril avait marché sans but avant de s’arrêter devant la vitrine d’une boutique de loisirs créatifs. Elle aperçut une boîte de crayon de couleurs dans la vitrine et nota l’idée dans un coin de sa tête pour l’anniversaire de son frère, bien que celui-ci n’ait lieu que dans trois mois. Elle s’arrêta ensuite à la boulangerie récupérer le pain et ne prit la direction du clocher qu’une fois détendue. Ronan s’amusait à allumer tous les cierges pendant que le père Mathieu était occupé dans le parloir.

— Ronan, arrête ! chuchota Avril lorsqu’elle fut à ses côtés. Je t’ai déjà dit de ne pas jouer avec les bougies, c’est dangereux.

— T’as trouvé mon maillot ? Il est beau ? T’as pris quoi ? Montre montre montre !

— Doucement, lui dit-elle en plongeant la main dans son sac.

Lorsqu’elle en sortit le maillot, Ronan sauta de joie et n’aurait pas hésité à crier si Avril ne lui avait intimé de se taire, lui rappelant le lieu où ils se trouvaient.

— Scooby-Doo va adorer ! s’exclama Ronan en sautillant sur place. Je peux l’essayer ?

— Non, pas ici. Demain matin.

— S’il-te-plaît !

— Non.

— S’il-te…

— J’ai dit non !

— Allons Ronan, tu n’obéis plus à ta sœur ? demanda le père Mathieu en les rejoignant.

Le petit garçon baissa la tête et murmura un pardon à peine audible. Avril sourit et passa sa main dans ses cheveux blond-vénitien. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Jamais. Elle remercia le père Mathieu de s’être occupé de lui et se dirigea vers la sortie.

— Tu me raconteras ta journée jeudi, déclara le prêtre à l’attention de Ronan. Je suis sûr que le lac va te plaire.

Incapable de bouder plus de cinq secondes, Ronan s’empressa d’exprimer son impatience. Il voulait apprendre à nager, faire des batailles d’eau et voir le monstre du Loch Ness, ce qui ne manqua pas de faire rire le père Mathieu. Il les regarda partir depuis le parvis, un sourire au coin des lèvres.

Après avoir donné un peu d’argent à Émile, Avril pédala lentement vers la maison. En arrivant, elle découvrit qu’Il était déjà rentré, sa voiture étant garée sur le trottoir. La soirée serait longue et Avril était déjà impatiente d’être au lendemain. Elle se sentait comme une petite fille à l’approche de Noël. Et pourtant, elle n’avait jamais aimé les fêtes de fin d’année.

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