Taylor Swift ft. Joy Williams and John Paul White – « Safe & Sound (Taylor’s Version) »

Le marchand de sable voyageait entre les maisons, passant d’un foyer à l’autre. Il dispersait ses rêves sur les visages apaisés des enfants qui s’envolaient pour le pays imaginaire. Dans les pièces voisines, les adultes réveillaient leur corps en se caressant, transmettant chaque once d’amour dans leur toucher. D’autres plongeaient dans un sommeil profond, loin des tracas de la vie quotidienne. Des télévisions projetaient des reflets changeants sur les murs. Au-dehors, la pluie tombait à verse sur le village, éclaboussant les toits, les trottoirs et les âmes errantes.

Au milieu de la nuit, Avril marchait dans les rues, son petit frère dans les bras. Après avoir couru le plus longtemps possible, elle n’avait ralenti que lorsque ses pieds avaient foulé les pavés irréguliers du centre-ville. Elle était trempée jusqu’aux os et ses bras commençaient à fatiguer. Mais elle ne se serait arrêtée pour rien au monde. Chaque parcelle de son être la faisait souffrir. Les hématomes brûlaient, les plaies piquaient, la tête lançait. Tout lui rappelait la raison de sa fuite. Son corps tout entier lui criait de fuir.

Ronan somnolait dans ses bras, serrant Renard contre lui, dissimulé sous son manteau afin de le protéger de la pluie battante. Avril monta les marches de l’église et posa la main sur la lourde porte avant de s’arrêter. Abritée sous le parvis, elle réalisa qu’Il connaissait l’existence de cet endroit et les visites fréquentes qu’Avril et Ronan rendaient au père Mathieu. Elle s’adossa à la porte, les yeux tournés vers la tempête qui faisait rage sur la place, et inspira profondément, évitant de laisser la panique la gagner. Il leur était impossible de rester ici. L’église n’était plus un refuge pour eux. Elle devait aller plus loin malgré la pluie, malgré le froid.

Avril s’engagea de nouveau dans l’obscurité, laissant le vent et la pluie la cueillir de plein fouet. Elle poursuivit sa route, serrant un peu plus Ronan contre elle. Les maisons laissèrent place aux arbres, ombres rassurantes dans la nuit. Elle sentait son cœur s’alléger à mesure que la distance les séparant de Lui grandissait. Après de longues minutes de marche, elle quitta enfin la route principale et arriva en vue de la maison aux lanternes.

La bâtisse semblait plus imposante dans la nuit, dégageant une aura particulière autour d’elle. En s’approchant, Avril eut l’impression de basculer dans une autre dimension et ses peurs s’envolèrent, portées par le hululement d’une chouette hulotte.

Elle entendit Bidouille remuer de l’autre côté de la porte après qu’elle eut frappé. Quelques minutes plus tard, Tim lui ouvrit. Il sembla comprendre la situation d’un simple coup d’œil et s’écarta pour la laisser entrer. Il l’aida à enlever son blouson et la guida à l’étage sans faire de bruit. Ils passèrent devant les portraits invisibles accrochés au mur et le lourd rideau occultant sur le palier avant de pénétrer dans la chambre du jeune homme.

Avril déposa son frère avec douceur sur le lit avant de lui ôter ses chaussures et ses vêtements trempés. Le petit garçon émergea lentement de son sommeil mais se laissa faire sans protester. Tim lui rapporta quelques serviettes de la salle-de-bain et partit se coucher dans la chambre d’Etienne. Une fois changée et séchée, elle s’allongea aux côtés de Ronan et rabattit la couverture sur eux. Lorsque le marchand de sable passa, elle dormait déjà d’un sommeil profond.